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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 18 mai 2011 à 15h00
Débat sur la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'exposé des conséquences désastreuses de la politique de révision générale des politiques publiques conduite au pas de charge depuis 2007. Mon collègue Daniel Paul en a dressé en introduction un tableau édifiant.

Je voudrais revenir plus spécifiquement sur les enjeux et les incidences économiques et budgétaires de cette RGPP. Ce programme est en effet emblématique de la politique que le Gouvernement conduit, de ses échecs et de ses visées purement idéologiques. Emblématique aussi de votre volonté de soumettre la politique aux forces du marché et d'accélérer en conséquence le démantèlement de notre modèle social.

D'ailleurs il faudra bien un jour que le Gouvernement prenne le temps de nous expliquer quelles sont ces forces occultes, quasiment divines, que vous appelez les « marchés », plus particulièrement les « marchés financiers » et qui, par une sorte de pouvoir surnaturel, échapperaient à la loi des hommes et à la démocratie, c'est-à-dire à la volonté des peuples.

Pour ma part, j'hésite entre l'intervention de cette fameuse « main invisible » chère à Adam Smith et la main de la soeur de cet empereur malgache qui, voyant ses pouvoirs lui échapper, en accusait très injustement sa soeur.

Mais d'abord, soulignons que l'un des traits marquants de ce programme de réformes est son caractère autoritaire. Il faut bien constater, avec les rapporteurs du groupe de travail sur l'évaluation de la RGPP, que « cette méthode n'a pas constitué, depuis son lancement, un modèle en matière d'information des parlementaires sur l'action conduite par le Gouvernement ».

La RGPP n'est pas un outil de progrès ; c'est une machine de guerre pour dégager de l'argent public et le transférer à la sphère privée.

Le baromètre Acteurs publicsIfop d'avril dernier est éclairant : 78 % des cadres de la fonction publique estiment que la qualité du service rendu aux usagers s'est dégradée du fait des réformes en cours et 80 % jugent que l'environnement et les conditions de travail se sont détériorés depuis 2007.

Vous nous dites que l'État est en faillite mais, si la situation de nos finances publiques est à ce point alarmante, c'est parce que vous avez accordé, selon le rapport de notre rapporteur général du budget Gilles Carrez, 100 milliards d'euros de cadeaux fiscaux. Pour quel bilan économique et financier ?

Non seulement vous avez doublé la dette publique en dix ans mais vos largesses incessantes en faveur des plus riches ont plus contribué à créer les bulles spéculatives qu'à alimenter la croissance économique et développer l'emploi.

Et ne me dites pas que c'est la faute de la crise car il faudrait alors expliquer qui en est responsable, ce qui est fort bien résumé dans le rapport de la commission Stiglitz créée par l'ONU, intitulé « Pour une vraie réforme du système monétaire et financier international ».

Je cite : « La crise n'est pas un simple accident comme on n'en voit qu'une fois par siècle, quelque chose qui est seulement « arrivé » à l'économie, qu'on ne pouvait pas prévoir et encore moins éviter. Nous sommes convaincus qu 'elle est due, au contraire, à l'action humaine : elle a été le résultat de fautes du secteur privé et de politiques mal orientées et vouées à l'échec des pouvoirs publics ».

Vous êtes par conséquent à 100 % responsables du déficit budgétaire, dû pour deux tiers à des cadeaux fiscaux que vous avez faits et pour un tiers à la crise dont vous êtes les coresponsables !

Cet échec est aussi celui de la stratégie de Lisbonne. Le pacte de stabilité monétaire n'a eu pour effet, en dix ans, que de brider les investissements et les salaires, de maintenir un chômage de masse, d'accroître les inégalités, de freiner la croissance, d'ouvrir la voie à une régression sociale sans précédent et de laisser les États face à l'appétit de financiers privés.

Alors que les banques et les actionnaires ont accumulé des profits considérables, il n'est rien proposé d'autre aujourd'hui, sous la pression des marchés financiers, que d'imposer toujours plus d'austérité aux peuples européens, de baisser les salaires et les pensions, d'imposer un nouveau recul de l'âge de la retraite, de déréglementer toujours davantage le marché du travail et enfin de démanteler un peu plus l'État par la voie de la fameuse révision générale des politiques publiques.

Votre seule stratégie est celle de la fuite en avant. Vous trompez nos concitoyens pour présenter comme indispensable une baisse des dépenses publiques alors qu'il ne s'agit pour vous que de ne pas remettre en cause les cadeaux fiscaux que vous avez octroyés sans compter aux plus grosses entreprises et aux privilégiés. Et vous vous préparez à le faire de nouveau en allégeant l'impôt sur la fortune, ce qui va coûter 1 milliard d'euros. Une mesure qui n'intéresse que deux Français sur mille ! Mesure que vous allez financer par le gel des salaires des fonctionnaires, qui rapportera 900 millions d'euros. La taxation des grosses successions de 5 % supplémentaires n'est qu'un gadget qui ne va pas faire trembler les plus riches.

Vous maquillez en politique vertueuse de gestion des comptes publics une croisade idéologique contre l'État et les services publics. L'objectif prioritaire de votre politique de révision générale, ou plutôt de régression générale, des politiques publiques n'est pas d'améliorer le fonctionnement de nos administrations, sinon à la marge, mais d'accompagner la réalisation de vos objectifs de réduction des effectifs : 150 000 postes entre 2007 et 2012, soit 7 % de la fonction publique d'État.

Ce n'est dans votre esprit qu'une première étape. Les conséquences en sont pourtant dès à présent désastreuses dans les secteurs de l'éducation, de la justice, de la sécurité publique, de la formation professionnelle et de l'emploi pour ne rien dire des hôpitaux, sommés aujourd'hui de se soumettre à l'unique critère de la rentabilité et qui connaissent eux aussi leur lot de fermetures de services et de suppressions de postes – 1000 par an à l'Assistance publique de Paris, leurs investissements étant divisés par trois ou quatre.

Nos concitoyens paient chaque jour les conséquences de vos visées idéologiques, qui consistent à entretenir un double mythe : celui d'un État tentaculaire et inefficace, celui d'un libéralisme qui libérerait l'initiative privée et l'investissement alors qu'il ne sert depuis trente ans que la seule logique de la rente et de l'accumulation des profits en faveur d'une poignée de privilégiés.

Faut-il illustrer cette réalité par quelques chiffres ? C'est un jeu d'enfant tant les études abondent pour le prouver.

L'OCDE nous apprend qu'en dix-huit ans, si les salaires ont augmenté en France de 81 %, les dividendes ont quant à eux progressé de 355 % ! Par ailleurs, selon la commission des prélèvements obligatoires près de la Cour des Comptes, un pour cent des Français les plus riches ne payent pas un impôt au taux de 40 % comme ils le devraient mais seulement de 18 %. Quant au millième le plus riche, il ne supporterait qu'un taux de 15 %.

Je vous invite à lire un récent document de l'OCDE qui démontre le creusement des inégalités et combien l'efficacité économique peut en être affectée.

Pour appuyer ma démonstration, je vous citerai l'économiste américain Jeffrey Sachs, président de l'université Columbia de New York : « Il faut expressément considérer les impôts comme le prix à payer pour développer la « civilisation ». Aux États-Unis, on préfère […]comprimer les budgets de l'éducation, de la santé, des sciences et technologies ou du développement durable, […] c'est un mauvais choix. En revanche, couper dans les budgets militaires, augmenter les impôts des sociétés et des riches, éliminer les paradis fiscaux, c'est la voie pour construire une société juste et productive. »

Cessez donc d'instruire le procès des enseignants, des infirmières, de tous les services publics : instruisez plutôt celui de ceux qui s'enrichissent du travail des autres.

La conséquence de votre politique est que l'État « fait moins » et vous voulez désormais entraîner les collectivités locales, qui réalisent plus des deux tiers de l'investissement public, dans la même spirale de l'impuissance en réduisant leurs ressources, faisant ainsi le lit de la récession économique.

Les Français ne sont pas dupes et, dans leur grande majorité, jugent très sévèrement votre politique à l'égard des services publics. Le sondage TNS Sofres réalisé en avril dernier est sans appel : 71 % de nos concitoyens considèrent que le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux est « une mauvaise chose ».

La priorité n'est pas aujourd'hui d'appauvrir toujours davantage l'État dans son rôle de créateur d'égalité entre les Français mais de promouvoir une autre répartition des richesses, favorable aux salaires et à l'investissement, par un véritable printemps fiscal, organisant le retour à un impôt progressif et juste, par la taxation du capital et la remise en cause des cadeaux fiscaux.

Nous militons enfin depuis des années pour que soit mis en oeuvre un pôle financier public dont le rôle serait, entre autres, d'octroyer aux PME-PMI des prêts à taux bonifiés dès lors qu'elles s'engagent à privilégier l'emploi, les salaires et l'investissement.

L'urgence est de sortir de la spirale infernale du moins-disant social et fiscal, de la course à une compétitivité qui devient absurde car elle se fait au service des appétits des marchés financiers et non de l'intérêt général.

Il est grand temps de mettre fin à cette politique de régression générale des politiques publiques. C'est ce que proposent les députés GDR.

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