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Intervention de Patricia Adam

Réunion du 17 mai 2011 à 21h30
Traité entre la france et le royaume-uni relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela vient d'être souligné par les deux rapporteurs, l'esprit qui préside au rapprochement de nos deux États procède du bon sens. Le raisonnement qui en découle est simple : nous sommes les deux seules nations européennes significatives dans le domaine de la défense et nous souhaitons maintenir notre rang.

Le bon sens économique commande, en période de disette budgétaire, que nous partagions nos efforts de financement en matière de défense, cela a été dit. Nous voulons ainsi conserver notre crédibilité dans un monde plus incertain et dans lequel nous souhaitons assumer notre part de responsabilité. Je suis également favorable, comme mes deux collègues qui viennent de s'exprimer, aux mutualisations que nous pouvons réaliser avec nos partenaires européens et je voterai donc ce texte.

D'autres que moi le voteront avec des sentiments peut-être plus grands : pour ces derniers, nos accords constitueraient, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, un tournant important dans l'histoire des relations franco-britanniques, désormais au seul service de l'Europe de la défense. Cette histoire a, pour moi, tout l'air d'une fiction. Le rapprochement que nous approuvons entre nos deux pays n'est porteur d'aucune ambition ni d'aucune stratégie pour l'Europe. C'est un accord bilatéral, ce n'est donc pas une coopération structurée permanente définie dans le traité de Lisbonne. Je reviendrai, pour ceux qui en doutent, sur les raisons qui m'incitent à le penser.

Par cet accord, nous partagerons quelques-unes de nos infrastructures les plus sensibles et les mieux protégées. Nous répartirons de manière équitable les coûts nécessaires au financement du secteur de la recherche et de la simulation nucléaire. Nous lui offrirons peut-être même un nouvel avenir par l'échange intellectuel qu'il suscitera entre les scientifiques de nos deux pays. Nous devons nous en féliciter. La crédibilité et la pérennité de notre capacité de dissuasion en dépendent. Cela a été également souligné.

Mais avons-nous vraiment d'autres choix ? La réponse donnée par le rapporteur pour avis de la commission de la défense est sans appel. Je la résumerai de la manière suivante : nous n'avons plus d'autres choix que la coopération, car nos ressources sont devenues insuffisantes pour maintenir notre effort de défense. En effet, une partie du financement de la dissuasion repose sur des recettes exceptionnelles. J'espère qu'elles seront, un jour, à la hauteur des sommes espérées, ce qui n'est pas encore le cas et ne semble pas se profiler à l'horizon.

J'apprécie, monsieur le rapporteur, la justesse de votre analyse, laquelle correspond en tous points au constat que nous dressions lors de l'examen des crédits de la défense pour 2011, mais aussi pour 2010. Vous vous fondez, à juste titre, sur le rapport de notre collègue François Comut-Gentille. Peut-être conviendrait-il de nous rappeler ce qu'il écrivait, et que je cite : « Le ministère a choisi de faire porter le risque lié à la vente des fréquences sur le coeur du système de défense. N'aurait-il pas mieux valu que cet aléa soit supporté par un autre programme moins déterminant pour notre position militaire et notre rang international ? »

On aurait même pu citer l'ancien ministre Hervé Morin, qui, libéré aujourd'hui de ses responsabilités gouvernementales, découvre soudainement – excusez-moi d'employer ce terme – les conséquences de sa politique : « Ces ressources budgétaires se tariront en 2011 et, en l'absence de recettes budgétaires qui prennent le relais, il manquera entre 20 et 30 milliards d'euros pour l'équipement des forces sur la période 2012-2020. »

Nos accords avec les Britanniques présentent donc un intérêt incontestable, celui de mieux dépenser nos ressources. Ils constituent une réponse nécessaire à la situation budgétaire actuelle dont vos prédécesseurs portent la lourde responsabilité. Malheureusement, vous le savez, leurs premiers effets ne sont pas attendus avant 2015.

Si, désormais, notre constat est le même, nous en tirons peut-être des leçons différentes. Je vois dans notre nouvelle relation avec les Britanniques un aveu d'échec autant qu'un renoncement. La première leçon, c'est, je l'ai dit, l'échec du modèle financier défini par la loi de programmation militaire ; la seconde leçon, c'est le renoncement à l'ambition européenne à laquelle s'était attaché le Livre blanc de 2008.

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la France n'a pris aucune initiative véritablement sérieuse s'agissant de la défense européenne et se tient désormais en retrait du débat sur la politique étrangère et de sécurité commune en matière européenne. Je m'appuierai sur quelques exemples. Lorsque nos partenaires proposent d'augmenter le budget de l'Agence européenne de défense afin de la rendre efficace, la France s'y oppose, certes discrètement, en se rangeant derrière le veto britannique. Je rappelle que le Livre blanc définissait de tout autres orientations : il s'agissait notamment de renforcer cette institution pour favoriser des partages capacitaires au niveau européen. Cela ne s'est, bien entendu, pas produit.

Par ailleurs, nous avons été incapables de définir des intérêts de défense communs aux Vingt-Sept ; tout au plus avons-nous obtenu une modeste révision de la stratégie européenne de sécurité qui, je le rappelle, date de 2003 et ne paraît absolument plus en phase avec les défis que nous connaissons actuellement. Comme ce fut le cas hier du Kosovo, la Libye paralyse aujourd'hui l'Union européenne. Il y a peut-être même plus inquiétant. Rarement, depuis de nombreuses années, les relations que nous entretenons avec l'Allemagne se sont autant dégradées : qui pouvait croire, il y a seulement trois mois, que notre principal partenaire européen s'alignerait sur les positions russe et chinoise alors que notre voisinage immédiat s'embrase ?

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