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Intervention de David Thesmar

Réunion du 11 mai 2011 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

David Thesmar, professeur à HEC, auteur du rapport « Valoriser le patrimoine culturel de la France » pour le Conseil d'analyse économique :

Nous avons tiré de nos auditions le sentiment que la France est un pays où les collections des musées sont gérées de manière très centrale : même si les procédures d'acquisition sont en théorie décentralisées, tout finit par remonter à l'État jacobin, qui a du mal à lâcher la main et à accorder plus d'autonomie aux différentes institutions.

Vous avez été nombreux à nous interroger sur les tarifs des musées et sur la proposition de les différencier selon que le visiteur appartient ou non à l'Union européenne. Il me semble que le rayonnement de notre pays ne tient pas uniquement aux tarifs, mais surtout au bon entretien de notre patrimoine. N'oublions pas en outre qu'il s'agit bien évidemment d'instaurer un système de péréquation, afin de mettre en valeur des patrimoines régionaux parfois en déshérence.

On nous dit qu'une augmentation des tarifs irait à l'encontre de l'objectif de démocratisation. Mais la plupart des études réalisées à propos de la gratuité montrent que les publics qui en bénéficient profitent d'un effet d'aubaine et que son application conduit en fait à une redistribution à l'envers.

S'agissant de la tarification différenciée, il me semble qu'une variation de quelques euros du prix du billet d'accès au Louvre n'a guère d'effet dissuasif sur un étranger qui a payé plusieurs milliers d'euros son voyage en Europe. Les études ont montré que l'élasticité de la demande au prix est très faible. Il est vrai que l'application peut être difficile. On pourrait prévoir un tarif unique, mais qui ouvrirait le droit à plusieurs mois de visite, ce qui profiterait aux résidents. Une telle discrimination par le prix est pratiquée, sans réaction particulière, dans de nombreux secteurs de l'économie.

En ce qui concerne la taxe de séjour, nous sommes partis de l'idée que le tourisme est un grand secteur de l'économie qui génère plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires et de valeur ajoutée par an et qui bénéficie gratuitement d'un patrimoine entretenu par le contribuable. C'est une externalité : lorsqu'un touriste vient à Paris pour profiter de la beauté de rues bien entretenues grâce aux contribuables, l'hôtelier lui fait payer son séjour… Par ailleurs, dans la mesure où le déficit du Louvre représente à peu près la moitié de son budget, dès lorsqu'un touriste y pénètre, il reçoit en fait, de la part du contribuable, une subvention à hauteur de 50 % du coût de sa visite. Le secteur du tourisme bénéficiant énormément de l'entretien du patrimoine il paraîtrait juste qu'il en finance une part, ce qui permettrait en outre d'améliorer cet entretien, ce dont le tourisme bénéficierait en retour. Il faut être conscient qu'un milliard d'euros représente beaucoup pour le patrimoine et fort peu pour le tourisme !

S'agissant de la numérisation, ce n'est pas parce que nous sommes submergés d'informations qu'il convient d'en diffuser moins. Nous avons surtout voulu dire, à propos de la numérisation du patrimoine matériel, que, parce qu'il s'agit de biens publics utilisés par la société civile pour faire des choix, l'État devait jouer son rôle de producteur de données et les mettre gratuitement à disposition du public, y compris des opérateurs commerciaux qui voudraient réaliser des guides ou développer des applications pour smartphones. Je ne pense pas que développer l'information risque de concentrer les flux touristiques sur quelques zones, mais au contraire de les rééquilibrer au profit de celles qui souffrent d'un déficit de notoriété.

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