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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 4 mai 2011 à 15h00
Équilibre des finances publiques — Article 1er, amendement 22

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis :

Nous devons revenir à quelques vérités que nous sommes, me semble-t-il, en train d'oublier.

Depuis 1958 et l'instauration du parlementarisme rationalisé, les parlementaires ne sont pas, dans la majorité des cas, les responsables de la dérive des finances publiques. C'était le cas auparavant, ce n'est absolument plus le cas depuis 1958. L'article 40 y a pourvu, qui interdit à un parlementaire d'aggraver la charge publique par des dispositions qu'il pourrait soumettre à l'ensemble de ses collègues. Cette disposition a remarquablement fonctionné et les statistiques de Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, sont éclairantes : sur 100 euros de dépenses qui pourraient paraître aujourd'hui excessives, 85 le furent à l'initiative du Gouvernement et 15 à l'initiative des parlementaires. Donc, l'encadrement de l'initiative parlementaire en matière de maîtrise de la dépense publique est efficace. La seule perspective qui reste aux parlementaires est de déposer des textes permettant de financer via de nouvelles recettes fiscales soit des mesures budgétairement coûteuses, soit des dépenses fiscales, entraînant donc une diminution de la recette, mais, même dans ce cas, il n'y a pas d'aggravation de la charge publique, étant entendu qu'une diminution de la recette fiscale doit impérativement être gagée.

Le seul objectif reconnu du projet de loi est bien de maîtriser la dépense publique et non d'encadrer davantage l'initiative parlementaire. Permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que, si fuite il y a eu, elle ne provient pas du Parlement, même si, in fine, ce sont les parlementaires qui ont voté des dispositions peut-être un peu coûteuses pour les finances publiques. Quelles qu'aient été les majorités, ils ne l'ont fait qu'à la demande du gouvernement qu'ils soutenaient et non pas de leur propre initiative.

Je comprends donc mal la discussion que nous avons, qui consiste non pas à mieux encadrer l'initiative gouvernementale afin de rappeler le Gouvernement à certaines règles de finances publiques – et la chose aurait peut-être été utile ces dernières années – mais qui n'a qu'un but : encadrer davantage encore une initiative parlementaire dont nous savons tous qu'elle n'est pas à l'origine, pour l'essentiel, de la dérive des comptes publics.

Le compromis proposé par Gilles Carrez à la commission des finances, avec l'instauration d'une loi de prélèvements obligatoires, miroir de la loi ordinaire, qu'elle soit sur l'eau ou sur d'autres sujets, me semble permettre au Gouvernement de préserver l'esprit du texte qu'il nous présente. Une loi de prélèvements obligatoires devrait être votée pour autoriser des dépenses si celles-ci étaient proposées par des parlementaires, et rien n'interdirait alors, monsieur le président de la commission des lois, d'avoir une vision globale et cohérente de l'ensemble des dépenses jusqu'alors exposées. Votre argument selon lequel il faut nécessairement des collectifs ou des lois de finances initiales pour faire un tel bilan ne convainc pas les parlementaires de la commission des finances, de toutes sensibilités, je peux vous l'assurer. Le bilan serait fait de façon totalement satisfaisante à l'occasion de la discussion des lois de prélèvements obligatoires et votre argument n'est donc absolument pas recevable.

Supposons cependant que le problème soit vraiment d'encadrer l'initiative des parlementaires en faisant semblant de croire que les dérives en matière de finances publiques ne viendraient que de leurs bancs et examinons la proposition du président de la commission des lois, qui consiste à s'appuyer sur l'article 41. Mesurons-en bien les conséquences ! Cela signifie que, certes, un amendement ou une proposition de loi coûteux sur le plan fiscal pourraient être imprimés et déposés, mais ils ne pourraient certainement pas être examinés et discutés, et en aucun cas votés.

La seule issue qui nous est proposée gentiment, avec l'approbation du Gouvernement, si je comprends bien, est purement formelle. Si cet amendement est rejeté et si celui de la commission des lois est adopté, on ne reconnaîtrait qu'un seul droit aux parlementaires, celui de faire imprimer un amendement ou une proposition de loi et de les déposer sur le bureau, pour entendre ensuite le Gouvernement invoquer la réforme constitutionnelle, si elle était adoptée, et expliquer qu'ils ne peuvent en aucun cas être examinés car ce serait contraire à la Constitution.

Le verrou est tellement puissant, de façon si exagérée, que, par un amendement que le Gouvernement va présenter, une sécurité supplémentaire est ajoutée. Il va nous proposer, en cohérence avec la proposition du président de la commission des lois, que, dans l'hypothèse où, par sympathie, par compréhension du besoin pour les parlementaires de s'exprimer parfois et d'exercer leur mandat, il accepterait, dans sa grande magnanimité, la discussion et, le cas échéant, le vote de dispositions d'initiative parlementaire pouvant être coûteuses, celles-ci soient déférées systématiquement au Conseil constitutionnel.

Or la réforme de la Constitution est très claire à cet égard, et la censure du Conseil constitutionnel sera mécanique, systématique, automatique et universelle. Toutes les propositions d'initiative parlementaire dont le Gouvernement aurait accepté la discussion et, le cas échéant, le vote, seraient censurées par le Conseil constitutionnel. L'exercice sera tenté une fois, deux fois, trois fois, puis plus jamais.

Le parlementarisme rationalisé voulu en 1958 évoluerait alors vers une forme plus sévère ne garantissant en rien la maîtrise de la dépense publique puisque, et c'est ma conclusion, ce n'est pas de ces bancs que sont venues les dispositions ayant mis les finances publiques dans cet état périlleux, c'est en partie la crise et ce sont beaucoup les initiatives gouvernementales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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