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Intervention de ministre d'état

Réunion du 5 avril 2011 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

ministre d'état :

Au sujet de la question de M. Lecoq sur l'articulation entre les sanctions militaires et les sanctions civiles, il m'est arrivé d'évoquer ce point avec certains collègues européens à propos de Benghazi : ils nous disaient qu'il fallait geler les avoirs la veille du jour où les troupes de M. Kadhafi allaient entrer dans la ville ; je leur ai répondu que ce gel ainsi que certaines autres sanctions économiques avaient été décidés en Côte d'Ivoire en décembre 2010… Les sanctions civiles prennent du temps avant d'asphyxier financièrement un pays, surtout lorsque le chef d'État sortant fait un hold-up sur la banque centrale ! Il est donc des moments où seule l'intervention militaire peut arrêter le désastre, comme cela a été le cas en Libye avant l'entrée des troupes de M. Kadhafi dans Benghazi – vous vous souvenez sans doute que j'ai alors dit au Conseil de sécurité que c'était une question de jours, voire d'heures – ainsi qu'hier en Côte d'Ivoire, à la demande des Nations Unies, qui voyaient bien que les tirs d'armes lourdes se poursuivaient sur la population civile d'Abidjan.

S'agissant de la mise en cause des criminels, il existe des procédures internationales et une Cour pénale internationale (CPI). Concernant M. Gbagbo et son entourage, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a lancé une enquête en vue de poursuivre tous ceux qui doivent l'être ; la CPI n'a pas véritablement été saisie, contrairement à ce qui s'est passé pour M. Kadhafi.

Pour ce qui est de la paix durable, tout l'enjeu – M. Ouattara en est, je crois, parfaitement conscient – réside dans le pardon, la réconciliation et la reconstruction. Il faut absolument que celui-ci constitue un gouvernement d'union nationale, accueillant ceux qui ont pu travailler avec M. Gbagbo et ont compris qu'il s'était fourvoyé : je pense qu'on peut faire confiance à M. Ouattara pour aller dans ce sens.

Monsieur Julia, l'opération militaire en Libye n'est pas terminée : si les blindés de M. Kadhafi faisaient à nouveau route sur Benghazi, la coalition interviendrait immédiatement.

Quant à la solution politique, il faut maintenant s'y atteler : la situation sur le terrain est confuse et indécise ; l'intervention militaire a permis d'éviter le massacre de Benghazi et l'asphyxie des forces se battant pour la démocratie et la liberté – dont notamment le Conseil national de transition (CNT) –, mais non de faire basculer l'équilibre entre les forces de M. Kadhafi et celles qui s'opposent à lui.

Nous travaillons actuellement à cette solution, qui suppose de conforter le CNT. Beaucoup s'interrogent sur la personnalité des hommes qui le composent : ils ont en tout cas eu le courage de se dresser contre M. Kadhafi. Il est vrai que certains sont ses anciens ministres, mais connaissez-vous une révolution dans laquelle on ne trouve pas du côté des révolutionnaires d'anciens responsables du régime antérieur ? C'est la loi de l'histoire ; ils ont peut-être ouvert les yeux… Je me réjouis à cet égard que l'Italie, qui a longtemps été très prudente au sujet de cette instance, vienne de la reconnaître. Nous tiendrons une réunion du Conseil Affaires étrangères à Bruxelles la semaine prochaine : nous avons souhaité entendre les représentants du CNT et allons essayer de les accompagner et de les aider.

Simultanément, nous sommes en train de voir avec qui nous pouvons travailler à Tripoli. Il y aura de plus en plus de défections autour de M. Kadhafi : il faut donc détecter les bons interlocuteurs. Aujourd'hui, je suis préoccupé par le fait que tout le monde s'y met : chacun a son réseau, ses contacts. Nous avons souhaité – je l'ai dit tout à l'heure à M. Ban Ki-moon – que le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Al Khatib, soit chargé de coordonner ces contacts. Par ailleurs, il revient au groupe de contact, constitué à Londres, qui devrait se réunir le 12 ou le 13 avril prochain au Qatar, de permettre aux Libyens de reprendre en mains l'évolution de la situation vers une solution politique.

S'agissant de la Côte d'Ivoire, nous avons tout fait pour éviter que des soldats français n'ouvrent le feu dans ce pays. Ce n'est qu'en dernière extrémité, lorsque le Secrétaire général des Nations Unies nous a appelés à l'aide, que nous l'avons fait : je comprends néanmoins votre sentiment de tristesse, monsieur Julia.

Si nous avons pris cette position ferme sur la Côte d'Ivoire, c'est précisément parce qu'elle constitue un symbole : si des élections – dont l'ensemble de la communauté internationale a considéré qu'elles s'étaient déroulées dans de bonnes conditions – ne sont pas suivies d'effet, que leur résultat est bafoué, il n'y aura plus d'élections démocratiques en Afrique. Nous souhaitons vivement que l'Union africaine prenne la responsabilité de la surveillance, du contrôle et de l'accompagnement des nombreuses élections effectivement prévues sur ce continent.

Mais ne soyons pas trop pessimistes : les élections qui ont eu lieu en Guinée ou au Niger ont abouti à des résultats démocratiquement satisfaisants. Il ne faut donc pas désespérer de l'Afrique, loin s'en faut ! Je pense au contraire que ce continent vivra au XXIe siècle une période d'émergence et d'essor.

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