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Intervention de Alain Juppé

Réunion du 5 avril 2011 à 17h15
Commission des affaires étrangères

Alain Juppé, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes :

À partir du moment où M. Gbagbo aura quitté le pouvoir et où M. Ouattara pourra l'exercer, il n'est pas question pour nous de nous incruster en Côte d'Ivoire. Plus tôt notre intervention en soutien de l'ONUCI sera achevée, mieux ce sera. Il faudra probablement adapter la mission de l'ONU à la nouvelle situation. Par exemple, un redéploiement pourra apparaître nécessaire, notamment en direction de l'ouest. Il sera rendu possible par l'arrivée de nouveaux contingents à partir du 15 avril : 2 000 casques bleus viendront alors renforcer les 10 000 déjà présents. Avec de tels effectifs, l'ONUCI, si elle en a la volonté, sera en mesure de jouer son rôle. Il est également vraisemblable que le mandat de la mission soit adapté en faveur d'une sécurisation de certaines zones ou du contrôle du désarmement.

Lorsque la France a repris sa place dans la structure intégrée de l'OTAN, monsieur Cazeneuve, certains ont prédit qu'elle perdrait toute capacité de manoeuvre et resterait alignée derrière les États-Unis. Nous venons de montrer le contraire en prenant des initiatives, alors qu'en Libye, la diplomatie américaine et le Pentagone sont d'abord restés en retrait.

Nous avons donc conservé notre liberté de manoeuvre. Il est normal que le commandement de l'opération libyenne soit passé à l'OTAN : les pays arabes eux-mêmes ont été les premiers à l'accepter. Et à Londres, nous avons bien distingué le rôle de bras séculier échu à l'Organisation du rôle politique confié au groupe de contact.

En revanche, je n'ai pas le même enthousiasme s'agissant de l'Europe de la défense, dont on ne peut pas dire qu'elle se soit illustrée ces derniers temps. L'Europe se comporte plutôt comme une ONG humanitaire– ce qui n'est déjà pas si mal. Il a en effet été convenu qu'elle s'occuperait de l'action humanitaire, laissant l'OTAN intervenir sur le plan militaire, y compris pour faire respecter l'embargo maritime. Il est vrai qu'il n'existe pas, aujourd'hui, au sein de l'Union, de volonté commune en matière de défense. Je ne citerai pas les pays les plus réticents, mais dans ce domaine, les progrès restent à accomplir.

Les conditions politiques sont-elles réunies pour observer un apaisement en Côte d'Ivoire ? Je serais bien imprudent de l'affirmer définitivement. Comme toujours, le plus difficile est de réussir la paix. Cela étant, on peut se montrer relativement optimiste, en raison de la personnalité d'Alassane Ouattara : un démocrate, un homme pacifique, qui a pris tout son temps et a voulu aller jusqu'au bout des tentatives de médiation avant de déclencher une opération militaire. Je le crois animé par une volonté de réconciliation. Il est probable qu'il appellera au pardon et annoncera une amnistie – sans préjudice des procédures de la CPI, bien entendu. Non seulement on peut s'attendre de sa part à certains gestes symboliques, mais il devrait constituer un gouvernement d'union nationale et faire une place à d'anciens membres de l'équipe de Gbagbo.

Il faut cependant qu'on l'y aide. Si la France n'a pas vocation à maintenir son dispositif militaire, elle doit cependant rester présente et proposer un plan ambitieux d'accompagnement économique, de façon à ce que la Côte d'Ivoire puisse retrouver le rythme de développement qui a été le sien. Par ailleurs, il est nécessaire que le pays se trouve dans un environnement régional favorable. À cet égard, l'attitude de la CEDEAO est très positive.

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