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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 9 mars 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 17 a, amendements 29 101 232

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Cet article a été introduit en première lecture, suite à l'adoption en commission d'un amendement du Gouvernement. La disposition en cause subordonne la poursuite du séjour à la condition que les intéressés ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système social français.

Ce faisant, cette mesure tend à vider de sa substance le droit au séjour de moins de trois mois des ressortissants de l'Union européenne, pourtant reconnu par le droit communautaire.

Elle remet en cause par là même les missions d'accueil et d'hébergement d'urgence exercées par un certain nombre d'associations. Il faut bien voir que ce sont les Roumains et les Bulgares qui sont ici expressément visés.

Selon le droit communautaire, tous les citoyens de l'Union européenne peuvent se déplacer librement sur le territoire des autres États membres sans qu'aucune condition autre que celle d'être en possession de son passeport ou de sa carte d'identité en cours de validité leur soit opposable.

Quand bien même cette condition ne serait pas remplie, l'article 5 de la directive de 2004 prévoit en son paragraphe 4 que « l'État membre concerné accorde à ces personnes tous les moyens raisonnables afin de leur permettre d'obtenir ou de se procurer, dans un délai raisonnable, les documents requis, ou de faire confirmer ou prouver par d'autres moyens leur qualité de bénéficiaires du droit de circuler et de séjourner librement, avant de procéder au refoulement ».

En aucun cas, la notion de « charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale » en France ne saurait être un motif nécessaire et proportionnel pour limiter la liberté fondamentale de circulation dont jouit un citoyen de l'Union.

Certes, l'article 14 de la directive visée laisse penser que les États membres seraient en droit de mettre fin à cette liberté pendant les trois premiers mois de séjour si les personnes concernées deviennent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de cet État.

Néanmoins, la notion de charge déraisonnable reste très encadrée par le droit communautaire. Dans les textes comme dans la jurisprudence, cette notion est en effet très contraignante pour l'État qui l'invoque. Ainsi, dans ce même article 14 de la directive, on peut lire : « Le recours au système d'assistance sociale par un citoyen de l'Union ou un membre de sa famille n'entraîne pas automatiquement une mesure d'éloignement. » Cela signifie que le seul recours au système d'assistance sociale ne constitue pas une charge déraisonnable.

Au-delà, cet article nous paraît extrêmement dangereux en ce qu'il véhicule l'idée selon laquelle les étrangers ne viendraient en France que pour abuser des droits sociaux. Cette rhétorique manipule les pires préjugés, ceux qui sont l'habituel fonds de commerce de l'extrême droite. Je me contenterai de dire que cette affirmation est complètement démentie par les faits et par les textes : l'accès des ressortissants communautaires aux droits sociaux est en effet subordonné à une présence ininterrompue de plus de trois mois sur le territoire français.

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