Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Rudy Salles

Réunion du 30 mars 2011 à 15h00
Débat sur "europe et méditerranée"

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, comment aborder ce débat consacré aux relations euro-méditerranéennes sans évoquer ce formidable élan de liberté à l'oeuvre sur la rive sud de la Méditerranée ?

Depuis plusieurs semaines, nous sommes, avec l'ensemble des peuples de la rive nord, les témoins d'un mouvement historique en ce qu'il est tentant, à bien des égards, de le rapprocher de ce que nous avons nous-mêmes connu voici plus de vingt ans avec l'éveil à la démocratie des anciennes démocraties populaires d'Europe centrale.

En quelques semaines, parfois en quelques jours, nous avons vu se lever des peuples qui, après de longues années d'asservissement, aspiraient tout simplement au changement, nous avons vu s'effondrer des régimes en place depuis plusieurs décennies, nous avons vu également la profonde sclérose de certains pouvoirs, qui n'ont pas hésité à retourner leurs armes contre les aspirations les plus légitimes de leur propre population.

Alors qu'au moment même où nous parlons l'intervention de la coalition internationale continue dans le ciel libyen, et ce conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, nous peinons encore à mesurer l'étendue des conséquences qui seront celles de la séquence que nous sommes en train de vivre. Je veux ici saluer l'engagement et le professionnalisme de nos pilotes et de nos marins engagés dans cette opération.

Les forces loyales au pouvoir du colonel Kadhafi semblent aujourd'hui à nouveau en train de reculer, et les forces du Conseil national de transition, qui, il y a quelques jours encore, se trouvaient acculées dans leur bastion de Benghazi, semblent à nouveau en passe de faire basculer la situation en leur faveur à l'issue de cette crise.

Pour autant, et s'il importe que ce soit au final au seul peuple libyen de choisir sa destinée, la question de la recomposition des relations entre les deux rives de la Méditerranée, conséquence immédiate de la recomposition politique en cours sur la rive sud, reste devant nous.

L'Europe, c'est incontestable, a un rôle à jouer et un message à porter. Voilà quelques jours, monsieur le ministre d'État, vous appeliez de vos voeux l'avènement d'une Europe puissance, en lieu et place de cette Europe « super-ONG » qui s'est illustrée dans la crise libyenne. Nous avions nous-mêmes, dans cet hémicycle, déploré il y a quelques jours la frilosité dont ont fait preuve les institutions communautaires sur ce dossier.

La relation euro-méditerranéenne doit – c'est une évidence – tirer parti des événements que nous sommes en train de vivre pour évoluer, et nous partageons bien entendu le constat que vous faites, monsieur le ministre d'État, à ceci près qu'il est sans doute préférable, à nos yeux du moins, d'entendre l'Europe puissance au sens d'une Europe politique. C'est un fait : dans l'ordre mondial tel qu'il existe aujourd'hui, toute démonstration de puissance alimente de son seul fait des dynamiques de contestation. Nous voyons bien du reste que, si la rue arabe est très largement favorable à la rébellion libyenne, elle n'en regarde pas moins avec attention et, pour tout dire, avec même une part de méfiance l'intervention internationale en cours dans le ciel libyen.

La recomposition des relations entre la rive nord et la rive sud ne doit pas être perçue comme une occasion pour l'Europe d'imposer ses vues ou ses orientations ; une telle entreprise ne pourrait du reste qu'être vouée à l'échec. Ce dont il doit être question, c'est d'un dialogue véritablement politique, c'est d'assistance et de coopération, au service d'intérêts partagés et en vue de projets communs.

Les outils pour une réelle coopération existent. Ce sont la politique de voisinage de l'Union européenne – vous en avez parlé, monsieur le ministre d'État –, le processus de Barcelone, l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée et enfin l'Union pour la Méditerranée. Certes, il est souvent tentant de pointer du doigt l'inefficacité prêtée à cette politique lorsque l'on compare ses résultats avec ceux des programmes dirigés vers l'Europe centrale.

Pourtant, comparer les résultats de ces différents programmes, c'est s'essayer à comparer l'incomparable. Aux uns, l'Europe centrale et orientale, nous offrons la perspective d'une adhésion aux institutions communautaires. Aux autres, les États de la rive sud, nous offrons celle de constituer le cercle d'amis géographiquement proches dont parlait Romano Prodi, alors président de la Commission européenne. Autrement dit, mes chers collègues, comment parler d'inefficacité alors que notre coopération avec les États de la rive sud est menée sans que puisse être mobilisé ce puissant levier d'influence que constitue pour tout État la perspective de rejoindre l'Union européenne ? L'UPM pourrait effectivement représenter une telle perspective si elle réussissait, mais reconnaissons qu'on est encore loin du compte.

Ces outils existent donc. Il importe aujourd'hui de les mobiliser afin de conforter efficacement le processus en cours sur la rive sud. En cela, s'il est tentant, comme je le rappelais, de rapprocher ces événements de ceux de 1989, il importe de rappeler également que cet enchaînement de révolutions ne procède pas de la dislocation d'un bloc. Il se rapproche en réalité bien plus de ces révolutions colorées d'Europe orientale : la révolution orange en Ukraine, la révolution des roses en Géorgie notamment. L'exemple ukrainien est du reste éclairant en ce qu'il démontre également que ces changements politiques n'ont rien de définitif et qu'ils ne sont pas, en eux-mêmes, un aboutissement.

En Tunisie notamment, la révolution du jasmin ne procède pas uniquement de considérations politiques, elle s'explique avant tout par la crise économique qui a frappé ce pays comme tant d'autres, contraignant sa jeunesse au chômage de masse. La chute du régime de Ben Ali a certes créé un nouvel espoir. Pour autant, la crise économique tunisienne demeure et, aujourd'hui, il importe d'abord de donner aux nouveaux dirigeants tunisiens les moyens de répondre aux attentes réelles de leur population, notamment de traiter les problématiques de nature tant économique que sociale à l'origine de cette révolution.

Plus largement, j'observe que, si l'initiative prise il y a quatre ans par le Président de la République en faveur d'une véritable Union pour la Méditerranée a pu en son temps surprendre certains et en irriter d'autres, sa légitimité et son opportunité ne font aujourd'hui plus de doutes pour personne. Certes, les résultats semblent aujourd'hui en deçà des espérances. C'est pourquoi il importe de relancer cette organisation pour lui faire prendre toute sa mesure ; la nomination future d'un secrétaire général est très importante à cet égard, nous l'attendons donc.

Les chantiers ne manquent pas. Il y a bien sûr la nécessité de travailler sur le développement des moyens de communication en Méditerranée ou encore sur les problèmes de dépollution dans une mer qui, rappelons-le, est fermée et donc plus fragile que les océans, mais il est aussi extrêmement important de développer des politiques concertées en termes de maîtrise des flux migratoires. Cela passe par une coopération Nord-Sud renforcée car l'immigration n'est que la conséquence d'une situation économique et sociale difficile. C'est là un sujet majeur si l'on veut donner à ces démocraties émergentes les moyens de réussir. C'est là, mes chers collègues, une condition sine qua non d'une véritable stabilisation politique à laquelle les peuples du Sud aspirent et qui doit mobiliser toutes nos énergies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion