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Intervention de Michel Issindou

Réunion du 30 mars 2011 à 15h00
Débat sur la mise en oeuvre de la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Issindou :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, près de dix-huit mois après son adoption, nous examinons la mise en oeuvre et les résultats de la loi du 24 novembre 2009. Ce débat est pour nous l'occasion de vous dire que cette loi, dont les objectifs sont louables, rencontre dans sa difficile mise en place les écueils que nous redoutions au moment de son adoption.

Nous constatons la difficulté à rendre la loi opérationnelle. Pourtant, lors de sa discussion en procédure d'urgence, au mois de juillet dernier, le Gouvernement semblait très pressé. Finalement, à ce jour, seuls seize articles du texte sont applicables, ce qui prouve, à tout le moins, les difficultés qu'il suscite lorsqu'il doit s'appliquer à la réalité et au terrain de la formation professionnelle. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Au moment de l'examen du projet de loi, nous n'avons cessé d'en dénoncer le contenu complexe. Lors de l'examen du rapport de MM. Cherpion et Gille en commission des affaires sociales, le président Pierre Méhaignerie a lui-même qualifié cette loi d'« étatico-corporatiste ». Monsieur le président, l'expression est fort bien trouvée, même si sa prononciation n'est pas aisée. (Sourires.) Nous dénoncions encore une gouvernance floue et l'omniprésence de l'État.

Cette loi imposée par l'État aux partenaires sociaux ne pouvait connaître qu'un avenir incertain, comme le montre l'observation de deux dispositifs-clés du texte, le FPSPP et l'AFPA.

La création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels part d'une bonne intention : former 700 000 personnes parmi celles qui sont aujourd'hui les plus éloignées de l'emploi. Cependant, à peine le fonds était-il créé que son fonctionnement suscitait un réel mécontentement dû d'abord à sa gouvernance. En effet, l'État s'est imposé, oubliant d'inviter la région et se comportant en maître absolu. Ainsi, il s'exprime par la voix d'un commissaire du Gouvernement qui dispose d'un droit de veto. Autrement dit, l'État devient le véritable patron du fonds. Sa première mesure a d'ailleurs consisté à prélever 300 millions d'euros pour financer ses propres missions traditionnelles, alors même qu'il n'apporte aucun financement à ce fonds. On comprend mieux, dès lors, l'amertume des partenaires sociaux, peu habitués à de telles pratiques.

Le mécontentement s'explique aussi par le fait que ce fonds ne répond pas au « hors champ », qui représente 20 % des salariés et 1,3 milliard d'euros de contributions.

Il faut enfin regretter la complexité d'accès au fonds due à la rigidité du système d'appel à projet qui exclut, de fait, bon nombre d'OPCA, peu préparés à cet exercice.

La gouvernance du FPSPP trahit bien l'esprit de la loi : l'État, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, écrase tout sur son passage pour faire sa propre politique avec l'argent des autres. Quelle défiance à l'égard des partenaires sociaux !

La loi du 24 novembre 2009 a aussi fragilisé l'AFPA, le service public de la formation. En décidant que les personnels de l'AFPA chargés de l'orientation des demandeurs d'emploi seraient transférés à Pôle emploi, la réforme a affaibli la première entité sans renforcer significativement la seconde, empêtrée dans sa propre restructuration. Encore une fois, que de confusion et de précipitation ! Le transfert des personnels a été mené au pas de charge et, aujourd'hui, l'AFPA soufre beaucoup de la perte de ses personnels chargés de l'orientation. La baisse de son chiffre d'affaires est estimée à 75 millions d'euros et les personnels ne comprennent toujours pas à quelle impérieuse nécessité répondaient ces départs, perçus comme le démantèlement que nous dénoncions lors de la discussion du projet de loi.

Les malheurs de l'AFPA ne s'arrêtent pas là, et l'on a la fâcheuse impression que le plus dur reste à venir. En effet, la dévolution des biens affectés par l'État à l'AFPA est toujours en suspens et elle menace l'existence même du service public de la formation, dont l'efficacité est pourtant reconnue. De tergiversations en réels problèmes juridiques liés à des directives européennes – portant notamment sur la concurrence –, nous nous trouvons aujourd'hui dans la pire des situations. L'État reste propriétaire d'un patrimoine et d'équipements vieillissants sans investir les fonds nécessaires à leur préservation. Il fragilise ainsi les finances de l'AFPA. Avec le passage aux appels d'offre, le désengagement de l'État et les problèmes patrimoniaux, et si rien n'est fait dans les plus brefs délais, cette situation risque de devenir très rapidement irréversible.

Madame la ministre, vous nous avez dit en commission que l'AFPA était « un sujet brûlant » et que vous installeriez bientôt une mission de l'inspection générale. Vous avez souhaité que les membres de cette mission « explorent toutes les pistes structurelles, y compris celles qui permettront à l'AFPA d'agir de manière pérenne ». Vous n'excluez donc rien, pas même le pire, et cela nous inquiète vraiment.

Votre loi était sans doute nécessaire, mais, trop imposée aux partenaires, peu respectueuse des régions, trop marquée par la patte de l'État, elle s'avère aujourd'hui d'une efficacité contestable. Nous le regrettons sincèrement tant les enjeux sont essentiels.

La bouteille est aujourd'hui à moitié vide : il vous reste bien du travail pour finir de la remplir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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