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Intervention de Geneviève Gaillard

Réunion du 29 mars 2011 à 15h00
Débat sur les conséquences environnementales de l'exploitation des huiles et gaz de schiste en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard :

Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes heureux que le groupe GDR soumette à votre discernement, à votre clairvoyance et à votre sens des responsabilités à l'égard des générations futures ce texte qui vise à interdire l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste en l'état actuel des techniques et au vu des retours d'expériences d'Amérique du Nord, en l'absence de débat préalable et compte tenu de la violation de normes supérieures applicables en matière d'information environnementale. Ce texte procède d'une double analyse qui touche tant au fond qu'à la forme.

Notre démarche s'inscrit en marge de la mission d'information commandée par le ministre en charge de l'industrie. Ayant entamé ses travaux au mois de février dernier, elle devrait rendre ses conclusions au mois de juin prochain.

Selon certains experts, les gaz de schiste pourraient représenter près du double des réserves de gaz dits « conventionnels ». Le monde serait ainsi assuré de disposer, au total, de bien plus d'une centaine d'années de consommation, si celle-ci se poursuivait à son rythme actuel. Voici l'enjeu : il s'agit poursuivre sur la même voie, qui s'est révélée sans issue, de l'énergie fossile !

Attachons-nous, au-delà de cet objectif déraisonnable, au coût socioéconomique et écologique de cette obstination fossile qui m'a fait dire que les gaz de schiste, c'est l'énergie du désespoir ; on pourrait dire aussi que l'énergie fossile, c'est l'énergie des dinosaures, alors qu'il faut, au contraire, démontrer notre capacité à évoluer vers un modèle alternatif durable. En fait, les gaz de schiste, dits par euphémisation calculée « non conventionnels », sont connus depuis longtemps, mais, jusqu'au renchérissement des hydrocarbures, on estimait leur extraction bien trop coûteuse. Ce seul aveu semble coiffer le débat d'une auréole éblouissante de déraison.

S'agissant des techniques disponibles et mobilisables, nous disposons d'un retour d'expérience à la suite de ce qui a été fait en la matière sur le continent nord-américain, aux États-Unis – en Pennsylvanie – et au Canada. Lorsque vous avez répondu, madame la ministre, à nos questionnements, nous avons bien entendu que vous vous opposeriez personnellement à toute exploitation à la faveur des techniques et procédés mis en oeuvre sur le continent américain, dont les dangers ont été largement évoqués. Comme nous ne connaissons pas, aujourd'hui, d'autres techniques, opposez-vous donc dès à présent à l'exploration et à l'exploitation des gaz et huiles de schiste.

Je ne reviens pas sur la liste des dangers, pollutions et risques pour la santé et l'environnement qu'induisent les procédés de fracturation hydraulique et techniques d'exploitation disponibles, ni sur l'énorme gaspillage d'eau qu'ils impliquent. Je me permets seulement d'ajouter au débat les termes d'une étude de l'agence américaine de l'environnement, qui s'est intéressée au fait que l'eau se lie avec d'autres molécules des sols, comme les molécules de benzène, d'uranium ou de radium, éléments radioactifs. Elle met en évidence des taux de radioactivité des eaux usées non absorbées allant jusqu'à mille fois les taux tolérés.

Au moment même où nous examinons cette proposition de résolution, on vient d'apprendre qu'au Québec l'entreprise Canbriam devra, à la demande du ministère des ressources naturelles, fermer définitivement, dans les prochains jours, l'un de ses puits d'exploration – je dis bien « d'exploration » et non « d'exploitation » – de gaz de schiste : les inspecteurs ont notamment trouvé des fuites de sept à dix mètres autour de la structure. Toujours selon ce ministère, il y avait aussi une migration et des émanations de gaz partout autour du puits. Avons-nous, en France, la prétention de faire mieux ?

Quel est enfin le but des trois permis accordés en France en avril ? Il s'agit d'exploration, cela nous a été assez répété. L'exploration a pour but de quantifier le potentiel des gisements français, pas d'expérimenter de nouvelles techniques plus propres et mieux maîtrisées. Alors admettons que ces gisements soient riches. Et après ? Une seule question se pose : vu le bilan humain et écologique probable d'une telle exploitation, faut-il exploiter ces hydrocarbures non conventionnels ?

Nous en arrivons à l'autre aspect de la question. Il s'agit d'arrêter un choix de société dans le respect des règles d'information et de prise de décision fixées. Or, pour que nous en soyons arrivés à la situation d'aujourd'hui, elles ont été incroyablement négligées.

L'ordonnance, signée du Président de la République, du Premier ministre, du ministre de l'économie, du ministre chargé de l'industrie, du ministre de l'intérieur et du ministre de l'écologie, simplifie la vie des prospecteurs et exploitants des hydrocarbures non conventionnels, mais aussi de ceux qui voudront stocker le carbone ou exploiter les ressources sous-marines. Elle est en parfaite contradiction avec les engagements internationaux de la France et avec ses engagements communautaires, et viole la Charte de l'environnement, annexée à la Constitution : pas d'enquête publique ou de concertation pour les permis de recherche ; passage quasi-automatique du permis de recherche à l'autorisation d'exploitation ; documents de prospection non communicables au public pendant vingt ans pour les hydrocarbures ; prolongations d'autorisation de recherche pendant dix ans sans mise en concurrence ; pas de garanties financières pour les autorisations antérieures à 2014 ; pas de sanctions en cas de dommages à l'environnement ou de non-respect des autorisations administratives lors de l'exploration ; facilités pour entrer sur le terrain d'autrui et l'occuper.

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