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Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 29 mars 2011 à 15h00
Proposition de résolution sur le climat — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, mes chers collègues, nous le savons et les études d'opinion le montrent, si les Français sont préoccupés par la crise économique, ils le sont aussi par les risques liés au changement climatique.

Depuis la publication du premier rapport du GIEC, la France a participé très concrètement à cette prise de conscience mondiale et s'est fixé, à l'article 2 de la loi Grenelle 1, l'objectif de devenir, d'ici à 2020, l'économie la plus efficiente, en équivalent carbone, de la Communauté européenne. Cet objectif ambitieux nous rappelle le temps, qui n'est pas encore très loin, où nous avons pensé que les responsables politiques de cette majorité s'étaient approprié les défis environnementaux auxquels notre planète est confrontée et qu'ils en avaient compris les enjeux. L'année 2010 fut révélatrice puisqu'elle marqua la fin de l'ambition écologique qui s'était manifestée jusqu'alors.

Peu informé par le Gouvernement sur l'application de la loi Grenelle et sur les résultats de sa politique en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le groupe SRC a pris la décision de l'obliger à en débattre en inscrivant à l'ordre du jour cette proposition de résolution.

Pour nous, la lutte contre le réchauffement climatique vise à réduire les conséquences négatives de l'élévation du niveau de température, mais aussi à instaurer un autre modèle de société, un autre modèle de développement. Il s'agit en effet de passer d'une société de gaspillage à une société de la sobriété, car moins émettrice de CO2 et plus économe en ressources.

Malgré la baisse annoncée des émissions de gaz à effet de serre – 10,3 % de moins en 2009 qu'en 1990 –, nous nous interrogeons sur la capacité de la France à respecter ses engagements à plus long terme, puisqu'elles devraient avoir baissé de 20 % d'ici à 2020 et avoir été divisées par quatre en 2050. En effet, contrairement à ce que laisse entendre le Gouvernement, cette diminution ne s'explique pas par une transformation structurelle de la production et de la consommation d'énergie en France, mais essentiellement par la crise économique récente.

Actuellement, la France n'est pas en mesure de revendiquer une quelconque avance, en termes de sobriété énergétique. Il lui reste à mettre réellement en oeuvre une mutation de son système énergétique et de son économie, comme le rappelle la commissaire générale au développement durable qui considère que l'objectif fixé dans le plan « énergie-climat », ne pourra être atteint que si nous fixons un prix au carbone et accomplissons des progrès importants, y compris dans nos modes de comportements individuels, pour réduire la consommation d'énergie et de ressources par habitant. Cet objectif sera d'autant plus difficile à mettre en oeuvre que, comme la plupart des pays de l'Union européenne, la France ne s'est pas donné, par manque de volonté politique, les moyens de respecter l'engagement d'accroître, d'ici à 2020, son efficacité énergétique de 20 %.

N'est-ce pas José Manuel Barroso qui déclarait dernièrement : « En matière d'efficacité énergétique, l'Union européenne n'arrivera qu'à 10 % en 2020, si nous restons sur la base actuelle » ?

Quant à l'objectif de porter à 23 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale d'ici à 2020, compte tenu des décisions prises par le Gouvernement, personne, aujourd'hui, ne pense qu'il est réaliste. Il n'est qu'à analyser les textes relatifs au nouveau dispositif de soutien au photovoltaïque, qui ne reprennent aucune des propositions des professionnels alors que le syndicat des énergies renouvelables s'est complètement investi dans la concertation qui s'est tenue pendant trois mois. Il fallait, pour le Gouvernement, gagner un peu de temps et faire croire aux acteurs de la filière que leur avis pourrait compter.

Pour ce qui concerne l'éolien, le durcissement de la législation confirmé dans le texte Grenelle 2, sous la pression de votre majorité, a freiné les investisseurs, puisque, comme le précise Arnaud Gossement, il est plus facile aujourd'hui, dans notre pays, de créer une centrale nucléaire qu'un parc éolien.

La politique énergétique de la France va à contre-courant, compte tenu des engagements pris par la France dans le cadre du plan « énergie-climat ». C'est une politique qui regarde vers le passé et ferme la porte à l'avenir, au risque de renier les quelques avancées du Grenelle de l'environnement, et qui vise à tuer les énergies renouvelables au profit d'autres filières jugées plus stratégiques, comme le nucléaire, les gaz et huiles de schiste ou les forages en eaux profondes.

Nous le savons, nous devons, dès maintenant, amorcer la transition vers une économie sobre en carbone. Pour de nombreux responsables, l'objectif actuel d'une réduction de 20 % semble désormais insuffisant. Avec eux, nous considérons qu'il faut adopter un objectif plus ambitieux de 30 % qui permettrait à l'Union européenne d'envoyer un signe fort aux autres pays du monde quant à sa détermination et de faire face à l'augmentation régulière des prix du pétrole.

Monsieur le ministre, au travers de cette proposition de résolution, c'est un appel que nous vous lançons. Comme l'ont fait Jean-Louis Borloo en juillet 2010, et dernièrement les ministres de l'environnement britannique, grec, suédois, espagnol, portugais et allemand, nous vous invitons à vous engager en faveur d'une réduction de 30 % de nos émissions de gaz à effet de serre, qui seule nous permettra de respecter le facteur 4 en 2050.

De reculs en renoncements, si votre Gouvernement ne donne pas la priorité à l'efficacité énergétique et n'investit pas massivement dans les énergies renouvelables dont le potentiel est considérable, il prendra le risque d'engager notre pays sur le mauvais chemin, celui qui nous éloignerait à tout jamais de la transition écologique qui doit nous conduire vers une société de la sobriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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