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Intervention de René Dosière

Réunion du 23 mars 2011 à 15h00
Statut général des fonctionnaires de polynésie française — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je me livrerai d'abord à quelques rappels historiques.

C'est dans le cadre de la loi de 2007, qui a transformé les communes françaises de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy en collectivités territoriales, qu'a été créée une obligation de résidence de cinq ans pour ce qui est des impositions locales. Madame la ministre, votre prédécesseur, M. Baroin, ainsi que les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée avaient à l'époque insisté sur l'idée que s'ils inscrivaient dans la loi cette règle d'obligation de résidence de cinq ans, c'était précisément pour éviter la dissimulation fiscale, et que cette disposition était au coeur du sujet.

Certains ont pu être sensibles à ces propos et même y croire. Mais la réalité semble avoir été quelque peu différente. En décembre 2009, deux propositions de loi déposées par les sénateurs « créés » par le texte de 2007, sénateurs dont je rappelle que le corps électoral compte vingt membres à Saint-Barthélemy et vingt-quatre à Saint-Martin, visaient à supprimer cette règle. Trois ans avant, elle était au coeur de la lutte fiscale ; trois ans après, il fallait la supprimer…

Le texte, madame la ministre, avait d'ailleurs été examiné selon la procédure accélérée. À cette époque, vous étiez déjà en charge de l'outre-mer, et l'on nous disait qu'il fallait absolument voter cette proposition de loi organique avant le 1er janvier pour la rendre applicable dès 2010, car elle apporterait des recettes fiscales supplémentaires aux collectivités.

Ce n'était pas non plus tout à fait exact.

D'abord, le Conseil constitutionnel s'est saisi de la proposition de loi. Puis, dans sa décision du 25 janvier, il a considéré que ce texte n'était applicable que moyennant la signature d'une convention et que, s'agissant de l'outre-mer, cette convention devait faire l'objet d'une loi organique. Par conséquent, le texte qu'on nous avait demandé de voter très rapidement pour qu'il entre en vigueur dès 2010 n'est toujours pas applicable à ce jour. À cet effet, il faut attendre le vote de cette nouvelle proposition de loi organique.

Je trouve curieuse cette façon de légiférer, à coup de propositions de loi organique. Car, pour les lois organiques, il n'y a pas d'étude d'impact. Autrement dit, à chacun de ces textes, nous légiférons sans savoir combien de personnes sont concernées et quelles sommes sont en cause. Nous n'avons aucun chiffre ! Vous en conviendrez, il est plutôt curieux de légiférer dans ce domaine sans avoir au moins ces éléments d'information.

Aujourd'hui, la proposition de loi que nous examinons comprend une convention fiscale avec Saint-Martin à l'article 1er, puis trois accords d'entraide fiscale avec Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Polynésie aux articles 2, 3 et 4. Ces accords en matière d'échange de renseignements fiscaux sont nécessaires si ces territoires veulent continuer à bénéficier de la défiscalisation : c'est en effet l'une des conditions posées par la loi sur l'outre-mer. La Polynésie, qui bénéficie depuis longtemps d'une convention fiscale, n'avait pas cet accord en matière de renseignements. Or, si la Polynésie veut continuer à bénéficier de la défiscalisation, il faut que nos agents puissent aller sur place vérifier ce qui se passe.

Et ce sera ma première question, madame la ministre : dans le cadre de la RGPP, y aura-t-il des effectifs suffisants pour que la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale puisse contrôler la défiscalisation ? Car si l'on en croit les rapports de la Cour des comptes, et notamment le dernier qui porte sur Wallis-et-Futuna, la défiscalisation réserve des surprises ! Voilà pourquoi je vous demande, madame la ministre, si vous mettrez en place les fonctionnaires nécessaires pour contrôler la défiscalisation.

S'agissant de Saint-Martin, j'aimerais avoir quelques précisions sur sa situation financière. Elle est en difficulté, nous dit-on, depuis qu'elle est devenue une collectivité territoriale, parce qu'il n'y a plus l'octroi de mer. Cela étant, de 1999 à 2007, si j'en crois le rapport de la Chambre régionale des comptes, on ne peut pas dire que la commune ait été réellement gérée ! Depuis, la situation s'est peut-être améliorée – en tout cas, c'est ce que vous dites, madame la ministre. Veolia a dû sans doute payer une forte somme pour réduire le déficit de la régie des eaux qui a été privatisée. Mais nous voudrions savoir quelle est la situation financière de Saint-Martin en la matière. Il est abusif de laisser entendre qu'elle est nouvelle. Elle est ancienne, et, si elle s'est améliorée, j'aimerais savoir comment.

En décembre 2009, vous disiez, madame la ministre, que dès octobre 2009 une mission des inspections générales des finances et de l'administration avait été envoyée sur place, à Saint-Martin, afin d'aider la collectivité à faire face à ses difficultés de trésorerie et à mieux organiser le recouvrement des impôts. Cela fait bientôt deux ans que vous avez tenu ces propos. Je souhaiterais pour ma part pouvoir disposer du rapport de cette mission pour savoir ce qu'il en est. Le rapporteur, à l'occasion de l'examen de ce texte, nous disait qu'une nouvelle mission allait partir. C'est très bien d'avoir en permanence des missions d'inspection à Saint-Martin, mais ce serait encore mieux de pouvoir disposer de leurs rapports et de leurs conclusions.

Cela dit, les articles 1er, 2 et 3 n'appellent pas d'autres observations de notre part et le groupe SRC les votera.

Il n'en est pas de même de l'article 4 qui concerne un accord technique avec Saint-Barthélemy, non une convention fiscale. Pourtant, la proposition de loi organique, déposée par le sénateur de Saint-Barthélemy – et adoptée – disposait que les modalités d'application de son article 1er seraient précisées par une convention conclue entre l'État et la collectivité de Saint-Barthélemy en vue de prévenir les doubles impositions et de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale.

La loi organique de 2010 concernant Saint-Barthélemy prévoyait donc bien une convention fiscale. Aujourd'hui, on nous dit que cette convention n'est plus nécessaire. Pourquoi donc fallait-il absolument voter cette loi de 2010 ? Mais est-il si sûr qu'une convention soit inutile ? Je lis les propos d'un expert, M. Michel Collet, qui est allé à Saint-Barthélemy : « A la lecture de la loi organique, il me semble qu'une convention fiscale s'impose. La loi organique prévoit que les modalités d'application des dispositions fiscales seront précisées par une convention fiscale. La révision de loi organique 2010-93 du 25 janvier 2010 proposée par M. le sénateur Michel Magras et tendant à confirmer le droit de Saint Barthélemy d'imposer les revenus de source locale entre les mains de résidents français et néo-résidents a confirmé l'existence d'une double imposition possible entre la fiscalité française et celle de Saint Barth. () La convention fiscale devrait prévoir de manière précise les mécanismes de résolution des phénomènes de double imposition par type de revenu et d'impôt, comme en matière de droits de donation et de succession. Elle pourrait également clarifier certains points, voire prévoir des solutions spécifiques et favorables à Saint-Barth en matière de retraite, de rémunération des agents de l'Etat, d'imposition des néo-résidents, d'imposition des entreprises etc., non applicables en l'absence de convention fiscale. Enfin, elle pourrait également clarifier l'application de certains dispositifs anti-abus prévus par le code général des impôts. »

Si j'en crois cet expert, qu'a consulté la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, la convention fiscale est utile et nécessaire. D'ailleurs, selon mes informations, la collectivité territoriale qui, jusqu'à présent, avait refusé cette convention fiscale, a remis à l'ordre du jour son examen en se disant qu'on allait peut-être faire quelque chose, mais qu'on verrait… Le problème, c'est : on verra, mais quand ? Faut-il attendre une nouvelle proposition de loi organique du sénateur de Saint-Barthélemy pour obtenir un nouveau texte qui sera sans doute examiné selon la procédure accélérée ? On ne sait pas, compte tenu de la charge de travail qui est aujourd'hui celle du Parlement si ce genre de convention fiscale pourra être discutée un jour. Il aurait été plus simple de le faire maintenant.

Je vous pose une autre question, madame la ministre : en l'absence de convention fiscale, quelle est, à Saint-Barthélemy, la situation des fonctionnaires et des retraités de la fonction publique au regard de l'impôt ? Il y a, par exemple, une cinquantaine de fonctionnaires dans l'enseignement, ce qui n'est pas un chiffre considérable. Mais ces fonctionnaires, me semble-t-il, sont soumis à l'imposition française, ou du moins à celle qui est en vigueur en Guadeloupe, qui est plus faible qu'en métropole. Il y a donc des citoyens qui travaillent dans le secteur privé et qui ne paient pas d'impôts sur le revenu, puisque le premier acte de la collectivité de Saint-Barthélemy a été de supprimer cet impôt. Il est vrai que, s'il existait théoriquement, personne ne le payait ; mais maintenant, il n'existe plus en droit. En revanche, les fonctionnaires, eux, doivent supporter l'impôt sur le revenu.

Je pense plus légitime de faire payer l'impôt sur le revenu, mais je m'étonne que l'on admette une différence de traitement entre des citoyens français selon qu'ils sont dans le secteur public, ou dans le secteur privé. Cela me pose problème.

Cet accord a d'autre part pour objet de permettre à Saint-Barthélémy de changer de statut au regard des projets européens, afin de devenir un PTOM. Or, avec ce changement, dans les domaines de compétence pour lesquels l'État a transféré son pouvoir législatif à la collectivité de Saint-Barthélemy, c'est-à-dire en matière d'environnement, de tourisme, d'énergie et de transport, les normes européennes ne seront plus applicables. En devenant PTOM, les garde-fous sont supprimés. Plus de cadre à la fixation des normes. Or, l'Europe est plutôt protectrice en matière de droit de l'environnement, de droit des consommateurs ou de la santé.

Je ne suis donc pas convaincu du bien fondé de ce changement de statut qui, de plus, s'est fait en catimini. En effet ce changement, demandé par la collectivité, s'est fait sans réel débat. Le conseil territorial en a débattu pendant une demi-heure pour prendre sa décision. Comme pour l'élection du sénateur de Saint-Barthélemy, que j'avais dénoncée en son temps, le choix a donc été fait par dix-neuf personnes seulement, dont seize issues de la même liste. Ces décisions sont légales, mais sont-elles légitimes ? Sur un sujet aussi important, qui aura des conséquences aussi lourdes pour l'environnement de Saint-Barthélemy, je pense que l'on aurait pu envisager un débat plus vaste, notamment en consultant la population.

Pour conclure, je souhaite évoquer la situation de ces deux collectivités au regard de l'impôt. Que constate-t-on ? Dans ces deux collectivités, la fiscalité directe est faible, c'est le cas à Saint-Martin, ou inexistante, c'est le cas à Saint-Barthélemy. Autrement dit, en l'absence de fiscalité directe, qui est généralement progressive, la fiscalité est indirecte. La fiscalité est un tout : soit l'on fait payer ceux qui ont de l'argent, soit l'on fait payer ceux qui n'en ont pas. Si l'on n'a pas de fiscalité directe, cela revient à faire payer davantage les pauvres, parce que la fiscalité indirecte pèse beaucoup plus sur les gens qui ont les revenus les moins élevés, et qui n'ont pas de capacité d'épargne.

Par conséquent, nous voyons bien qu'il y a une évolution totalement différente. Le sénateur de Saint-Martin le dit explicitement : « À côté de cela, l'objectif central de la politique fiscale de la collectivité est le rééquilibrage de la fiscalité saint-martinoise qui, jusqu'à présent, fait une place disproportionnée à l'impôt direct,… » – il ne manque pas d'humour ! – « …que ne paye qu'un nombre limité de contribuables. L'objectif de rééquilibrage vise à faire une place significative à une imposition indirecte, supportée par tous les consommateurs, résidents ou de passage, comme cela se pratique couramment ailleurs. » Enfin, il y a fort heureusement des pays, notamment l'Allemagne, où la fiscalité directe est un peu plus élevée que la fiscalité indirecte.

Donc, nous voyons bien que dans ces territoires, un système fiscal est clairement affiché : exonérer ceux qui ont de hauts revenus, il en existe, et imposer les revenus moyens et ceux qui ont des revenus très faibles. Il s'agit en quelque sorte d'organiser des territoires à fiscalité faible, avec des niveaux de recouvrement insuffisants. On peut appeler cela des paradis fiscaux, c'est-à-dire des situations dans lesquelles, lorsque l'on a beaucoup de revenus, on est très peu imposé. Voilà pourquoi, en l'absence de cette convention, nous voterons contre l'article 4 pour montrer qu'elle est utile, et nous nous abstiendrons sur l'ensemble du texte.

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