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Intervention de André-Claude Lacoste

Réunion du 16 mars 2011 à 15h45
Commission des affaires économiques

André-Claude Lacoste, président de l'Autorité de sûreté du nucléaire :

Nous ne sommes pas encore dans la gestion de l'après-accident : le Japon est actuellement en pleine crise et la seule préoccupation de nos collègues de ce pays est de parvenir à apporter de l'eau sur les installations touchées.

Cela rappelé, les événements en cours sont-ils dus au fait que l'on a sous-estimé le séisme ou le tsunami ? Je ne le crois pas : les bâtiments des centrales ont résisté. Sont-ils alors dus à une moindre rigueur en ce qui concerne les systèmes électriques de secours ? La diversité des hypothèses et des réponses possibles montre bien que nous devons nous donner le temps de l'analyse et ne pas nous précipiter.

En contrepartie de son indépendance, l'ASN a un devoir absolu de transparence. S'agissant de cette crise comme de tout le reste, nous disons tout ce que nous savons.

Plusieurs demandes nous sont adressées : le Gouvernement souhaite un audit ; à Bruxelles, on annonce des « tests » à l'échelle de l'Europe mais qui restent encore à définir ; par ailleurs, nous devons analyser la possibilité de prolonger la durée d'exploitation des réacteurs. Il nous faudra concilier toutes ces exigences, sachant, je le répète, que notre volonté est d'être aussi transparents que possible. Il est de notre devoir de rendre compte au Parlement. Nous donnons les résultats de nos inspections avec toute la clarté possible. Nous avons demandé en 2006 à bénéficier d'un audit international IRRS – integrated regulatory review service – de l'AIEA. Notre groupe permanent d'experts comprend des experts étrangers. Bref, nous sommes aussi ouverts que nous le pouvons. Il nous faut maintenant mettre en cohérence les différentes demandes qui nous sont faites. Nous le ferons avec l'appui de l'IRSN et nous serons toujours aussi explicites. Donnons-nous seulement le temps de réfléchir au cahier des charges, et laissons nos collègues japonais gérer la crise, l'analyser et en tirer les enseignements.

En ce qui concerne la gestion de l'après-accident, la France est à ma connaissance le seul pays à avoir eu le courage d'y réfléchir. Quand nous cherchons des références à l'extérieur, nous n'en trouvons pas ; en revanche, nos homologues étrangers viennent nous consulter sur l'état de nos travaux, commencés en 2005. Nous avons organisé en 2008 un colloque international sur ce thème, et un autre est prévu pour juin. C'est toutefois un processus long et difficile, parce que la matière est complexe et parce que nous n'avons pas souhaité mener un travail technocratique – outre l'IRSN, nous avons associé l'ensemble des parties prenantes. Un certain nombre de débats, auxquels ont participé les associations, ont d'ailleurs eu lieu dans les régions.

Dans ce domaine, la France est donc pionnière. Nous n'arriverons pas à des décisions ou des formulations spectaculaires, mais nous aurons avancé dans la détermination des actions à mener sur des questions fondamentales comme celle de savoir dans quelles conditions peut être autorisé le retour des populations.

Quelles sont, s'agissant du Japon, nos sources d'information ? Il s'agit de nos homologues et de l'attaché nucléaire de l'ambassade de France à Tokyo, mais aussi de personnalités avec lesquelles nous sommes en contact direct, comme un ancien commissaire de la Nuclear Safety Commission, qui se trouve suffisamment détaché de l'actualité pour porter sur elle un regard à la fois avisé et critique. Lorsque l'information est suffisamment fiable, nous disons : « Voilà ce qui nous semble avéré », et lorsqu'elle l'est un peu moins, « Voilà ce que nous croyons savoir ». Mais nous nous gardons de nous fonder sur des rumeurs ou de prendre en compte une mesure de radioactivité dont nous ignorons la provenance. Nous nous efforçons de bâtir une connaissance aussi fiable que possible, dans un contexte difficile et alors que le premier souci de nos homologues est de gérer la crise – mettons-nous à leur place !

J'en viens au risque sismique : en France, il est modéré, mais il existe, du moins dans certaines régions. Et il est traité de façon extrêmement sérieuse. La première étape consiste à en évaluer l'importance, en commençant par réunir toutes les informations disponibles sur les séismes intervenus dans le passé. Par exemple, dans le fossé rhénan où est situé Fessenheim, l'événement pris en compte est le tremblement de terre qui a frappé Bâle en 1356. Nous recherchons également les paléoséismes, c'est-à-dire ceux dont on a perdu la trace historique, mais que l'on peut retrouver grâce à la géologie. Nous prenons alors pour référence le séisme le plus important jamais intervenu dans la région, nous le situons hypothétiquement à l'endroit où il ferait le plus de dégâts à l'installation concernée, et nous multiplions sa puissance par cinq. Les bâtiments doivent pouvoir résister à une telle épreuve.

L'aléa sismique est calculé au moment de la construction, puis réévalué régulièrement en tenant compte du progrès des connaissances. Si nécessaire, l'exploitant doit renforcer la résistance de l'installation.

Le risque sismique est donc pris en compte très sérieusement et les marges de sécurité sont considérables. Cela étant, nous sommes ouverts à l'hypothèse d'un nouvel examen de ces normes. Nous n'avons aucune raison d'avoir honte de notre travail dans ce domaine, et sommes toujours prêts à accomplir des progrès.

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