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Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 15 mars 2011 à 15h00
Modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Pourquoi pas ?

Face à tous ces débats, j'ai tendance à me dire que si les représentants qualifiés des professions concluent des accords afin de se répartir les attributions et, peut-être, de clarifier la répartition des rôles entre eux, après tout que sommes-nous, modestes parlementaires, pour décider si telle ou telle organisation a un sens ou si elle est la meilleure ?

Cela étant, le rôle que l'on nous fait jouer et les mesures présentées nous laissent un peu dubitatifs, même si le texte contient quelques avancées qui pourraient être intéressantes, comme l'acte d'avocat.

Qu'un acte qui constate ou organise des relations entre des parties soit rédigé par un professionnel qualifié, cela nous semble logique. Il est évident que l'avocat est qualifié et qu'il appartient à une corporation organisée. L'existence de l'acte d'avocat est normale et répond à l'intérêt du justiciable.

Cependant, nous devenons plus dubitatifs, voire moqueurs, en constatant que le nouveau texte comporte non seulement des gestes aimables pour les autres professions, mais aussi un article très ferme sur la publicité foncière qui nous conduit à penser que les notaires sont intervenus et qu'ils ont recadré les choses. Par conséquent, l'acte d'avocat ne changera pas grand-chose dans les relations entre les professions.

Venons-en à la création de ponts entre professions.

Une mesure me semble plutôt positive : quand les professions s'organisent en société, il est préférable que la majorité soit détenue par les professionnels exerçant ces métiers. Cela évitera sans doute le rachat de sociétés interprofessionnelles par des sociétés de capitaux, ce qui est plutôt une garantie. Cependant, cela me semble encore une modification relativement marginale pour le justiciable.

En revanche, d'autres dispositions de ce texte nous semblent être des régressions, notamment celles qui concernent le pacs. Nous ne sommes toujours pas d'accord avec votre idée d'accorder aux notaires le droit de célébrer les pacs, car il ne s'agit pas d'un contrat quelconque comparable à un bail.

Cette nouvelle procédure devant notaire serait une manière de créer des cérémonies à deux vitesses et d'établir une distinction entre ceux qui possèdent des biens et ceux qui n'en ont pas. En outre, le pacs est un engagement particulier entre deux personnes et il a pour elles une importance certaine. Il est regrettable que cette cérémonie n'ait pas lieu au même endroit que les autres cérémonies d'état civil, c'est-à-dire dans les mairies.

Il y a aussi toute une série de mesures sur lesquelles je ne reviens pas, parce que ce sont des conséquences de réformes précédentes que vous avez menées à la hussarde, notamment celle de la carte judiciaire. Après avoir éloigné la justice du citoyen en supprimant des tribunaux d'instance, vous êtes obligés, maintenant, de chercher à qui confier le travail. Vous attribuez ainsi les procédures, soit aux huissiers de justice, soit aux notaires. Pourquoi pas ? Ils ont les compétences pour le faire. Cependant vous substituez à la prestation gratuite d'une fonctionnaire celle, payante, d'un professionnel libéral, ce qui ne constituera pas un progrès pour le justiciable modeste.

Au final, toutes ces dispositions sont le résultat de tractations avec les professions. Elles aboutiront peut-être à une meilleure lisibilité. Nous ne le contestons pas. Toutefois elles visent, à chaque fois, la clientèle rentable. Le grand absent de ce texte, c'est le justiciable modeste – le petit commerçant, le petit artisan, le particulier – qui s'interroge sur son bail ou qui a des difficultés pour rédiger un acte, et qui n'est pas du tout concerné par le projet de loi.

En première lecture, nous vous avions demandé en quoi ce texte allait améliorer l'accès au droit des particuliers les moins fortunés. Vous aviez alors accepté de créer une mission parlementaire sur l'accès au droit. Celle-ci nous a permis d'entendre un grand nombre de personnes travaillant sur ce dossier. Nous avons étudié le fonctionnement des maisons de justice et du droit, ainsi que celui des permanences mises sur pied par les barreaux, les chambres de commerce ou les artisans. Nous avons également examiné l'action menée par les associations de consommateurs.

Conclusion : votre texte n'amènera rien dans ce domaine, et ce qui existe aujourd'hui ne prend pas en compte le besoin des particuliers qui ne sont pas fortunés en matière de conseil, d'aide pour la rédaction d'actes et de suivi juridique. Notre conviction est donc encore plus forte aujourd'hui qu'en première lecture.

L'aide juridictionnelle n'est pas non plus en mesure de faire face à ce besoin, son budget ne permettant même pas de couvrir l'augmentation afférente à la présence de l'avocat en garde à vue.

C'est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi du projet de loi en commission. Nous jugeons nécessaire de reprendre ce dossier de manière plus complète.

Il est légitime que les professionnels s'organisent de manière à travailler dans de bonnes conditions et à répondre aux attentes de leur clientèle, mais le projet de loi laisse de côté les besoins essentiels que sont l'accès au droit et l'accès au conseil juridique pour nos concitoyens les plus modestes.

Nous considérons que le travail n'est pas terminé. De ce point de vue, il est insatisfaisant. Le renvoi en commission permettra d'intégrer dans le texte les préconisations qui, je l'espère, seront faites dans le rapport de la mission sur l'accès au droit.

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