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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 15 mars 2011 à 15h00
Hommage de l'assemblée — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Là encore, notre proposition était modérée et respectait votre volonté de mieux identifier – en la personnifiant – la fonction de Défenseur des droits, puisque vous estimez qu'aujourd'hui le citoyen ne sait trop comment choisir parmi les différentes autorités administratives en charge de la défense des droits.

Le fait que les collèges aient un rôle décisionnel n'aurait rien ôté à la personnification de la fonction mais cela aurait garanti une plus grande technicité face à des problématiques très vastes – je rappelle qu'en 2009 les autorités administratives indépendantes qui vont disparaître ont été saisi à 90 000 reprises, ce qui donne une idée de la diversité des sujets dont elles ont eu à connaître. Nous persistons à penser que la collégialité était une bonne chose ; la CMP l'a concédé pour les problèmes nouveaux, mais qu'est-ce qu'un problème nouveau ? Quand le Défenseur des droits aura eu l'occasion de se prononcer sur une discrimination dans une crèche, estimera-t-il que la discrimination en crèche ne constitue plus après cela un problème nouveau ? Ou un problème est-il nouveau si le saisissant est différent ? Nous considérons que nous sommes ici dans l'imprécision.

Vous auriez également pu accepter, car c'était de bon sens et nous ne contestions pas le fait qu'il ait le pouvoir ultime de décision, que le Défenseur des droits rende publiques les raisons pour lesquelles il ne suivait pas l'avis d'un collège ; cela aurait permis aux citoyens concernés de comprendre le cheminement de sa réflexion : nous n'avons jamais rien à craindre de la transparence.

Bref, chacun de ces amendements – je n'en ai cité que trois – intégrait la volonté du Gouvernement, maintes fois rappelée, d'abord par Mme Alliot-Marie, puis par vous, monsieur le garde des sceaux, de renforcer les possibilités de recours non juridictionnels dont disposent nos concitoyens. Nos amendements étaient donc respectueux de votre vision du projet, et il aurait suffit que vous en acceptiez un seul pour que votre bonne volonté ait été manifeste. Hélas, tel ne fut pas le cas. À aucun moment – je le dis avec tristesse et déception –, nous n'avons eu le sentiment que la discussion était réellement ouverte.

Durant les deux lectures, dans les deux chambres, vous avez été inflexibles. Ainsi au Sénat, en première lecture, le 3 juin 2010, le Gouvernement n'a pas hésité à demander une seconde délibération pour revenir sur un vote sortant le Défenseur des enfants du périmètre du Défenseur des droits. De même, ici, le 3 janvier dernier, vous avez bloqué une modification de l'article 4 qui enlevait la CNDS du périmètre du Défenseur et, toujours dans cet hémicycle, lors de la seconde lecture, le 2 mars dernier, vous avez à nouveau usé de la faculté – discutable – qu'a le Gouvernement de demander une seconde délibération, pour vous opposer, au petit matin, aux quelques parlementaires qui avaient trouvé une majorité et revenir sur leur vote qui autorisait la saisine directe du Défenseur des enfants.

Chaque fois, en agissant ainsi, vous avez veillé à ce que le débat parlementaire ne s'éloigne pas de l'épure initiale. Vous ne vous êtes pas donné la peine de dissiper les nombreuses zones d'ombre que bien des parlementaires ont soulignées dans nos échanges. Ainsi en est-il, par exemple, des futurs moyens de fonctionnement de cette nouvelle institution. Il vous est encore loisible de nous éclairer. Dès l'origine, votre étude d'impact était particulièrement pauvre sur ces aspects budgétaires et organisationnels. Elle se bornait à indiquer, sans s'appuyer sur aucune donnée chiffrée – ce qui est un peu facile – ni sur aucune projection concrète que la réunion des compétences des différentes autorités devrait favoriser une « meilleure allocation des moyens ». C'est un peu juste et un peu court.

Plus d'un an plus tard, à la veille de clore nos débats, nous ne savons toujours pas si le budget de la nouvelle institution sera peu ou prou équivalent à la somme de ceux des structures existantes ou si, au contraire, comme certains l'ont avancé, il ne sera que légèrement supérieur à celui du seul Médiateur de la République. Devons nous craindre que la création du Défenseur des droits ne se traduise par une restriction des crédits gouvernementaux consacrés à la défense des droits de l'homme ? Si tel devait être le cas, alors nous courrions assurément à la catastrophe.

Nous ne sommes pas non plus rassurés sur l'avenir des réseaux dont disposent actuellement les autorités sacrifiées. Le Médiateur, la Défenseure des enfants et la HALDE possèdent des délégués sur l'ensemble des territoires : les futurs « délégués » du Défenseur, que prévoit l'article 28 du texte, seront-ils l'addition de toutes ces compétences, ou certains d'entre eux vont-ils rester sur le bord du chemin ?

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