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Intervention de Michèle Bellon

Réunion du 9 mars 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Michèle Bellon, président du directoire d'ERDF :

Avec le smart grid, nous employons un jargon américain alors que les réseaux français sont intelligents depuis une quinzaine d'années. En effet, c'est à la suite des grands black-out, ces coupures de courant massives intervenues dans le nord-est des États-Unis et en Californie, qu'est apparu ce concept. Or, depuis longtemps, la France avait, à l'initiative de l'Union pour la Coordination de la Production et du Transport d'Électricité (UCPTE), interconnecté les réseaux européens afin de gérer l'équilibre entre l'offre et la demande au niveau du continent.

La notion de smart grid n'en est donc que l'extrapolation dans un secteur de l'énergie qui évolue rapidement.

Au stade de la distribution, des évènements climatiques, comme les tempêtes Lothar et Martin de la fin 1999, ont montré le besoin d'une plus grande réactivité pour réalimenter l'ensemble des clients. Et le degré d'exigence de ceux-ci a beaucoup augmenté s'agissant de la qualité de l'alimentation : elle ne porte plus seulement sur la durée des coupures, mais aussi sur les variations de tension, car celles-ci peuvent affecter l'Internet, dont la plupart des foyers sont équipés, provoquer des pannes d'ascenseur, perturber le fonctionnement des billetteries… Dès lors que le courant électrique s'interrompt ou qu'il est, simplement, de moindre qualité, des dysfonctionnements affectent les PME et PMI et, d'une façon plus générale, toute l'économie nationale.

L'économie de l'énergie a beaucoup évolué. De nouveaux besoins sont apparus. Rendue possible par la déréglementation des marchés, la faculté existe désormais de changer de fournisseur. De nouvelles technologies ont émergé. Se sont développées des énergies renouvelables, comme le photovoltaïque et l'éolien, dont le caractère intermittent et difficilement prévisible, affecté de fluctuations considérables, y compris dans une même journée – à la différence d'énergies telles que l'hydraulique, la biomasse et le biogaz – a abouti à multiplier les émetteurs sur le réseau de distribution. Aujourd'hui, plus de 150 000 producteurs décentralisés, dont la taille varie entre 3 kilowatts et 140 mégawatts, sont raccordés au réseau de distribution d'électricité.

Une ressource difficilement prévisible soulève le problème du renforcement des réseaux, dimensionnés en fonction de l'hypothèse dans laquelle tout fonctionne simultanément. Elle pose aussi celui de la conduite du réseau, car l'électricité ne se stockant pas, il faudrait pouvoir dispatcher la production de certaines installations. Ainsi, le photovoltaïque produit beaucoup dans la journée, mais pas au mois de janvier à 19 heures.

Parallèlement, apparaissent les véhicules électriques avec une perspective de deux millions d'exemplaires en 2020. Il faudra, là aussi, trouver des solutions en termes de réseau.

La notion de réseau intelligent ne résulte donc pas d'une idée de laboratoire d'inventions ou d'ingénieurs soucieux de rendre les choses plus complexes, mais de la nécessité de faire face à la multiplication des émetteurs et aux besoins issus de modes de consommation de plus en plus diversifiés et exigeants. Il y a encore dix ans, il suffisait de connaître les températures extérieures du lendemain pour prévoir l'ampleur de la consommation électrique. Il nous faut maintenant mieux piloter les réseaux.

Le distributeur ERDF n'a pas donc pas attendu le concept de smart grid pour commencer, depuis plus de dix ans, à équiper son réseau de capteurs mesurant la qualité de l'électricité, notamment dans les postes sources, comme d'un certain nombre d'organes de manoeuvres télécommandés (OMT) permettant de rétablir le courant dans les meilleures conditions en cas d'aléa climatique ou de défaillance du réseau. L'étape suivante consiste à disposer de compteurs communicants afin qu'aux deux extrémités des câbles, nous puissions bénéficier de la vision la plus complète possible de ce qui se passe sur le réseau. À cet effet, il convient de mettre en place des systèmes permettant de gérer l'équilibre entre l'offre et la demande au niveau de la moyenne et de la basse tension.

Les smart grids représentent une architecture complexe qu'il faudrait scinder entre son aspect amont, visant l'optimisation des réseaux – les grids – et le smart home, aspect aval qui concerne le compteur. Il s'agit en effet de deux concepts totalement distincts, mais avec une interface commune qui est le compteur communiquant.

Nous nous sommes donc penchés sur la question dans cet esprit, étant encore rappelé que nous pratiquons les réseaux intelligents depuis près de quinze ans ainsi que je l'ai indiqué. Dans nos centres de conduite, une trentaine d'agents régionaux sont affectés à ces missions. On parle le plus souvent des réseaux sous l'angle de leur architecture et de leur maintenance, rarement sous l'angle de leur pilotage et de l'équilibre entre l'offre et la demande. Exactement comme si on parlait d'un avion en ne considérant que sa carlingue et ses ailes, à l'exclusion du cockpit et de toute l'électronique qu'il renferme.

Nous comptons, en amont, sur nos agents de conduite et, en aval, d'une part sur les compteurs communicants afin de bénéficier d'une connaissance de l'état du réseau à tout moment, d'autre part sur nos logiciels d'autocicatrisation. Ces derniers permettront d'identifier le tronçon défaillant et de calculer rapidement quels autres réseaux peuvent intervenir en secours. Ceux-ci font l'objet d'un maillage autorisant une dérivation dans les meilleurs délais, un peu comme un itinéraire bis. De la sorte, nos clients doivent le moins possible ressentir la perturbation, et nous pouvons ensuite effectuer les travaux de réparation en temps masqué.

La première étape de développement réside dans le compteur communicant. Nous sommes maintenant en fin d'expérimentation, ayant déjà installé 250 000 compteurs.

Les courants porteurs en ligne (CPL) communiquent avec des concentrateurs et, de là, avec le système d'information central par général packet radio service (GPRS). Pour ce faire, nous sollicitons les trois principaux opérateurs français – Orange, Bouygues et SFR –, en fonction de la qualité de leur desserte sur le site du concentrateur, afin de remonter l'information vers le centre de pilotage du réseau.

Nous avons choisi cette formule en vue de minimiser les coûts d'investissement et, plus encore, les coûts d'exploitation. Elle permet, en effet, de regrouper, par grappes, toutes les informations fournies par les compteurs de façon à minimiser le nombre des transmissions. C'est ainsi que, si la décision de généralisation du système est prise pour 35 millions de compteurs, nous prévoyons 750 000 concentrateurs, ce qui réduit d'autant le nombre de communications, évitant à la fois un coût important et un risque de saturation. La majorité des distributeurs européens d'électricité ont fait le même choix.

Nous continuons à travailler au développement des CPL, en étant aujourd'hui au protocole G1, considérant comme particulièrement prometteur le protocole G3 dont la mise en service industrielle devrait intervenir dans trois ou quatre ans et permettre de transmettre les informations beaucoup plus rapidement.

Nous sommes engagées dans un certain nombre d'opérations pilotes : à Nice, l'opération Nice Grid est destinée à gérer l'équilibre entre production solaire, stockage et utilisation ; dans l'Est de la France nous nous intéressons à l'énergie éolienne ; dans le département de la Réunion, nous sommes associés à un partenaire, afin de gérer l'équilibre entre offre et demande dans un système isolé, c'est-à-dire non interconnecté ; enfin dans les îles bretonnes où se manifeste le même besoin de sécuriser la qualité d'alimentation des zones éloignées des sources énergétiques.

Nous travaillons aussi, au sein d'une association des distributeurs européens que nous avons créée voilà un peu plus d'un an, sur différents démonstrateurs. À ce titre, nous avons obtenu de la Commission européenne qu'elle subventionne un projet appelé Grid for EU, comportant six pilotes – en République tchèque, en Italie, en France, en Espagne, etc. –, mené en partenariat avec nos collègues distributeurs des autres pays de l'Union. C'est là un élément indispensable à la modernisation de nos réseaux.

Nous nous situons dans le domaine régulé : l'aval du compteur ne nous concerne pas, mais notre compteur communicant apportera une aide à ceux qui offriront des services aux consommateurs.

En amont, il nous revient de préparer l'avenir pour bénéficier de réseaux robustes : le choix du CPL s'inscrit dans cet objectif.

1 commentaire :

Le 19/03/2011 à 17:45, Justine (juriste) a dit :

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ERDF est « en fin d'expérimentation, ayant déjà installé 250 000 compteurs ». Quel est le bilan pour les consommateurs ? De combien a diminué la consommation globale pour ce groupe de 250 000 ménages ?

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