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Intervention de Denis Bauchard

Réunion du 16 février 2011 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Denis Bauchard, conseiller spécial pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient de l'Institut français des relations internationales :

Beaucoup de questions s'adressent au pouvoir politique, et je me garderai bien d'y répondre.

Il n'est pas nouveau que, sous la Ve République, la politique étrangère de la France se décide à l'Élysée, même si le ministre des affaires étrangères et ses services y apportent leur contribution.

En amont, le premier rôle des diplomates est d'informer. Tout laisse penser que notre ambassadeur à Tunis a décrit la situation dans les mêmes termes que son homologue américain. Le second rôle des diplomates est de nouer des contacts. C'est en ce sens qu'on peut parler d'un manque d'empathie. Un ambassadeur peut ne pas avoir les bons contacts au bon moment, mais ce problème délicat ne relève pas seulement de sa personnalité : il est impossible de s'entretenir avec un interlocuteur « sensible » sans autorisation du ministère. Quand j'étais en poste en Jordanie, j'avais été sollicité par les représentants du HAMAS, mais le Quai d'Orsay s'était opposé à ce que je les rencontre.

En aval, les ambassadeurs défendent la politique définie par le Président. Le rôle de chacun est strictement délimité. J'ai connu une époque où s'exerçait une véritable interaction entre le ministère des affaires étrangères et l'Élysée, et où l'on attendait de nous des suggestions sur tel voyage ou telle thématique. En cas de déplacement, le discours du Président de la République était préparé au ministère et relu en équipe à l'Élysée. Toutefois, je me garderai de porter un jugement sur ce qui se passe maintenant.

De manière générale, il faut éviter de surestimer l'influence américaine au Moyen-Orient, même si les États-Unis disposent de services de renseignement nombreux et bien placés. Rappelons-nous la manière dont ils ont subi des rebuffades de la part de personnalités réputées proches d'eux comme le Premier ministre Netanyahou, le Président Karzai, le Premier ministre irakien Al-Maliki ou le général Musharaff, preuve qu'on constate au Moyen-Orient « l'impuissance de la puissance ». Dans cette région du monde, l'influence américaine décline, comme celle de l'Europe, au profit de celle des pays émergents. En Iran, profitant de la politique de sanction, la Chine s'est substituée à l'Europe en devenant son premier partenaire commercial.

Je n'ai donné aucun caractère absolu aux éléments dont j'ai indiqué qu'ils avaient joué un rôle dans la crise tunisienne ou égyptienne, et qui peuvent caractériser d'autres pays. Pour autant, l'armée ne me semble pas toujours un facteur d'instabilité ni la religion, une force de cohésion.

L'armée a permis à l'Égypte d'échapper à une anarchie totale. Si elle n'est pas parvenue à maintenir Moubarak jusqu'en septembre, elle a du moins contribué à préserver un ordre. On peut seulement craindre qu'elle ne soit pas suffisamment sensible aux aspirations démocratiques de la population. Les prochaines semaines montreront ce qu'il en est.

Certaines monarchies religieuses sont stables. Le roi du Maroc, qui descend du Prophète et porte le titre de commandeur des croyants, en tire une légitimité, mais des forces déstabilisatrices peuvent jouer contre lui. De même, le roi d'Arabie saoudite est gardien des lieux saints, sa dynastie s'est alliée au XVIIIesiècle avec la famille Abd al-Wahhab. A l'inverse, la confrérie des Frères musulmans a accompagné le mouvement en Égypte comme dans d'autre pays. S'ils ne l'ont pas provoqué, ils ont été obligés de suivre leurs troupes. Sans doute, quand des élections législatives seront organisées en Égypte, seront-ils assez prudents. S'ils ont déjà annoncé qu'ils demanderaient la création d'un parti indépendant, tout laisse penser qu'ils éviteront de se mettre en avant. D'ailleurs, ils ont déclaré qu'ils ne présenteront pas de candidats à l'élection présidentielle.

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