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Intervention de Patrice Paoli

Réunion du 16 février 2011 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Patrice Paoli, directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient du ministère des affaires étrangères et européennes :

Je ne pense pas que les services diplomatiques aient commis une faute par imprévision. Comme chacun sait, il est plus facile de prédire le passé que l'avenir. Nous connaissions, je le répète, les éléments de la situation en Tunisie mais leur combinaison a eu des conséquences tout à fait inattendues, dans un pays où la police elle-même n'a rien vu venir, et dont toute l'opposition était réfugiée en France ou dans d'autres pays occidentaux. Depuis lors, notre analyse s'est orientée vers des données nouvelles, inconnues à l'époque précédant la révolution.

En Algérie, les ingrédients sont différents. La capacité de mobilisation populaire paraît assez faible. Les mouvements restent locaux, touchant surtout la Kabylie. Les policiers sont plus nombreux que les manifestants. Les quelques personnes arrêtées ont été relâchées.

En Egypte, on a observé une privatisation de la demande sociale : l'État ne répondant pas aux besoins collectifs, la société les prend directement en charge, notamment dans les domaines de l'enseignement et de la santé. Ce qui explique d'ailleurs la faible participation aux élections dans ce pays : on ne demande rien à l'État, du coup, on ne vote pas. En Algérie, au contraire, l'État apporte beaucoup : la répartition sociale va très loin, même pour des sommes modiques, comme la pension servie aux moudjahid.

La dernière grande révolte en Algérie remonte à octobre 1988. Peut-elle se reproduire en regroupant tous les facteurs de mécontentement ? Le pays connaît des émeutes presque quotidiennes mais très ponctuelles : on manifeste, par exemple, contre un programme local de logements jugé insuffisant. Dispersées, les différentes demandes ne s'agrégent pas dans une demande sociale et politique forte, même si ce potentiel existe. De plus, l'État algérien est riche grâce au niveau atteint par le prix du baril de pétrole. Ses disponibilités s'élèveraient à environ 150 milliards d'euros. Il peut donc, comme en janvier dernier, apporter une réponse financière à certaines revendications.

À la suite des évènements de 1988, des réformes, notamment sociales, avaient été demandées à l'Algérie : elles ont été arrêtées en 1993 avec la vague terroriste et oubliées par la suite. Le régime algérien, clientéliste, empêche l'éclosion d'activités privées car celles-ci représentent, d'une façon ou d'une autre, une contestation du pouvoir. Il en résulte une certaine forme d'infantilisation du citoyen. Que peut-il se passer ? Une agrégation des revendications, comme celle de 1988, n'est pas à exclure mais elle me paraît peu probable à court terme. On voit cependant fleurir de nouveaux slogans politiques.

La situation au Sahara occidental n'évolue pas. Le blocage est total entre le Maroc et l'Algérie. On voudrait parvenir à un compromis mais aucune des deux puissances ne fera le premier pas, le Maroc estimant qu'une concession de sa part n'entraînerait aucune contrepartie du côté algérien. M. Christopher Ross, envoyé par le Secrétaire général de l'ONU, a beau évoquer la nécessité d'incorporer les notions de droits de l'homme ou de démocratie dans le territoire sous contrôle marocain, nous sommes en face d'un mur bilatéral.

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