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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 1er mars 2011 à 15h00
Neutralité de l'internet — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Nous soutiendrons cette proposition de loi visant à inscrire dans la loi le principe de neutralité de l'internet.

Tous les acteurs de l'internet et toutes les instances politiques nationales et internationales s'accordent sur un point : la nécessité d'avancer en matière de neutralité des réseaux. L'examen de la présente proposition de loi a montré combien les consultations se multiplient à tous les échelons.

La mission d'information, souvent citée, a publié un premier compte rendu de ses auditions et orientations ; elles sont clairement en phase avec le présent texte. Par ailleurs, une consultation a été menée sous l'égide du secrétariat d'État à l'économie numérique ; la Commission européenne prévoit de rendre public son livre blanc sur le sujet ; et le rapport de l'ARCEP permettra également de dégager des orientations.

On le voit, la question de la neutralité est au centre des préoccupations des acteurs de l'internet et des institutionnels. À tous les niveaux, les demandes se font pressantes pour que le législateur entre enfin dans le vif du sujet et sécurise la situation juridique des réseaux.

Or, tous les jours, en France comme ailleurs, il est porté atteinte à ce principe de neutralité. Lors de la discussion du texte, plusieurs exemples ont déjà pu être cités. Faut-il rappeler l'article 4 de la loi LOPPSI, qui revient à permettre à l'autorité administrative d'interdire l'accès à n'importe quel site sans intervention d'un juge, sans recours possible, et sans justification ?

Faut-il encore rappeler le cas de la récente affaire Wikileaks ? Le ministre Éric Besson, soucieux de complaire à l'allié états-unien, qui n'en demandait pas tant, a immédiatement communiqué sur la nécessité d'interdire l'hébergement du site en France, sans base juridique et au mépris du principe de neutralité. Le ministre avait alors déclaré : « La justice n'a pas voulu autoriser l'hébergement d'un tel site en France. C'est une bonne nouvelle pour tous ceux qui sont choqués par les activités irresponsables du site WikiLeaks », feignant d'ignorer que la justice n'avait pas non plus interdit l'hébergement du site par une société française.

À cette occasion, on voit comme le respect de la neutralité des réseaux est fragile dans nos démocraties comme on l'a vu quand les dictatures ont commencé à vaciller en Tunisie et en Égypte. Ainsi, à la moindre incartade d'un site internet, les gouvernements peuvent tout simplement l'exclure des réseaux, sans justification, sans base légale et sans recours.

Les tout récents événements en Libye confirment la démonstration : lorsqu'un régime dictatorial vacillant, croyant assurer sa sauvegarde, coupe tous les accès à internet et bloque la navigation, il ne fait en réalité que précipiter sa chute. Internet est une des composantes fortes du printemps démocratique des peuples arabes.

Ces exemples récents montrent qu'il est temps d'inscrire dans notre droit le principe intangible de non-discrimination dans les contenus en ligne et dans leur vitesse d'acheminement.

Dans le cas de la vitesse d'acheminement et de la gestion de priorité, le Gouvernement freine des quatre fers, soucieux de préserver les intérêts économiques des géants du marché oligopolistique des télécommunications. Mais n'a-t-il pas plaidé pour des entorses pratiques au principe de neutralité pour des nécessités techniques, afin de « garantir une qualité de service minimale pour des services prioritaires », dont la téléphonie et la télévision sur IP ? De cette façon, le Gouvernement permettrait aux opérateurs installés de préserver leurs parts de marché.

Ces enjeux de gros sous éclairent d'un autre jour la position frileuse de la majorité sur la question de la non-discrimination sur les réseaux.

Pour préserver la liberté de communication, établie solennellement par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 sur la loi HADOPI, il importe donc de prévenir les atteintes qu'elle subit soit de la part des États, soit de la part des grands groupes.

C'est pour ces raisons que les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et de nombreux bancs du groupe SRC.)

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