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Intervention de Bérengère Poletti

Réunion du 17 février 2011 à 9h30
Débat sur les politiques du handicap

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

Mme la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est à l'attention qu'elle porte au handicap que l'on reconnaît une société civilisée. Cette considération est au coeur de mon engagement politique en faveur des personnes handicapées, qui a notamment abouti à des rapports d'information sur les aides techniques, les MDPH et la CNSA.

La loi du 11 février 2005 marque incontestablement l'entrée dans un plus haut degré de civilisation. Elle retient une définition large du handicap, qui intègre non seulement les incapacités, physiques, mentales, psychiques, mais aussi les inadaptations à l'environnement.

Elle repose sur trois piliers essentiels : rendre accessibles à tous d'ici à 2015 tous les domaines de la vie sociale que sont l'emploi, l'éducation, les transports et le cadre bâti ; affirmer le droit de chacun à la compensation par la solidarité nationale des conséquences du handicap ; simplifier les démarches des personnes handicapées et de leurs familles, ce qui se traduit par la mise en place d'un guichet unique dans chaque département, les MDPH, nous en avons beaucoup parlé hier.

Tout en me limitant à quelques chiffres, je ne peux que féliciter les gouvernements pour les progrès indéniables accomplis en six ans. Je suis fière, je l'ai répété hier, d'appartenir à une majorité qui a voté et mis en oeuvre des politiques ambitieuses pour les personnes handicapées.

Ainsi, le budget consacré au handicap a augmenté de plus de 27 % en quatre ans, dans un contexte économique dégradé. Il dépassera 41 milliards d'euros en 2011. Non seulement l'AAH a été fortement revalorisée – 25 % en cinq ans –, mais elle peut être cumulée avec un salaire pendant six mois pour favoriser l'insertion professionnelle.

Plus de 200 000 enfants handicapés sont désormais scolarisés, ils n'étaient que 130 000 en 2005. Le nombre d'auxiliaires de vie scolaire a plus que doublé ces deux dernières années, favorisant ainsi leur intégration en milieu ordinaire. Près de 35 000 places d'accueil ont été créées.

L'accès à l'emploi des personnes handicapées est facilité par le développement de la formation professionnelle, la suppression de la limite d'âge pour accéder à l'apprentissage et la mise en oeuvre de bilans professionnels par les MDPH.

En dépit des considérables efforts qui ont été déployés et d'incontestables avancées, des réformes restent à poursuivre et d'autres à engager.

Comme vous le savez, madame la secrétaire d'État, les délais d'instruction des demandes par les MDPH restent très, voire trop longs dans de nombreux départements. Nous avons examiné et voté hier une proposition de loi qui, je l'espère, permettra une optimisation dans le fonctionnement des MDPH. Cette loi devrait contribuer à clarifier les engagements financiers de l'État et à stabiliser les équipes. À l'occasion de l'examen de ce texte, nous avons longuement débattu sur la problématique de l'accessibilité dans les bâtiments neufs. Vous avez rappelé que c'était un principe intangible et qu'il ne fallait surtout pas oublier de la concevoir autour de tous les types de handicap, qu'ils soient moteurs, sensoriels, mentaux, psychiques. Je dois dire que j'ai regretté hier la position de certains de mes collègues.

Parmi les progrès incontestables qui ont été réalisés, la scolarisation des enfants handicapés est exemplaire. Cependant, les emplois des auxiliaires de vie scolaire sont marqués par une forte précarité, et nous aurons bientôt, je l'espère, l'occasion d'examiner leur statut. Je sais qu'ils sont pour vous objet d'attention depuis de nombreuses années.

En ce qui concerne l'aide à domicile, je rappelle au Gouvernement que des centaines d'associations sont menacées de déficits et de cessation de paiement, et la situation risque de s'aggraver. Les principaux financeurs de l'aide à domicile, les départements, sont en effet confrontés à une croissance des dépenses sociales – APA, RSA, PCH – plus rapide que celle de leurs recettes. Cet effet de ciseaux s'accentue dans un contexte de faible croissance et de gel des dotations versées par l'État, tandis que le nombre de bénéficiaires des allocations de solidarité progresse chaque année. Les difficultés budgétaires des départements se traduisent par une diminution des subventions pour l'aide à domicile.

Des centaines d'associations, employant plus de 10 000 salariés et intervenant auprès de 60 000 personnes, sont menacées de déficits, de cessation de paiement, voire ont déjà subi une liquidation judiciaire. Des conséquences dramatiques sont déjà visibles sur le terrain avec la réduction des durées d'intervention à domicile, la diminution des efforts de qualification et l'abandon des prises en charge les plus onéreuses.

Face à cette situation, qu'entend faire le Gouvernement ? Le rapport de l'IGAS d'octobre 2010 développe seize recommandations. Le Gouvernement entend-il les mettre en oeuvre ? Feront-elles l'objet d'un examen à l'occasion du grand débat sur la dépendance ?

Je tiens à présent à insister sur les besoins de financement en matière d'aides techniques et d'aides à domicile, qui sont essentielles pour limiter les conséquences du handicap. Les fonds départementaux de compensation du handicap ont été mis en place par les MDPH en 2007. Ce dispositif répond aux attentes de nombreuses personnes handicapées et complète les financements légaux et extralégaux auxquels elles peuvent prétendre pour mettre en oeuvre les moyens de compensation nécessaires à la réalisation de leur projet de vie. Des excédents ont été constitués sur ces fonds pendant la période de montée en charge du dispositif. À présent, ils sont consommés, l'État n'abonde plus le fond départemental de compensation du handicap depuis 2008 et il est à craindre que ces dispositifs ne cessent dans les mois qui viennent. Ce serait hautement dommageable pour un grand nombre de personnes handicapées, qui se verraient alors dans l'obligation de renoncer à la réalisation de leur projet, notamment en matière d'aménagement de logement ou d'acquisition d'aide technique. Aussi pouvez-vous me dire si le Gouvernement envisage de doter à nouveau ces fonds en 2011 ? Je sais qu'une réflexion est en cours à la Direction générale de la cohésion sociale afin de proposer des mesures de nature à assurer la pérennité de ces fonds de compensation.

Je souhaite à présent soulever la question de la tarification des établissements d'accueil des personnes handicapées. Celle-ci semble en effet source d'iniquité puisqu'elle est trop souvent fixée sur des références historiques et reflète insuffisamment la réalité des besoins des personnes accueillies. Est-il prévu d'engager une réflexion sur cette évolution, fortement souhaitée par les acteurs intervenant dans le domaine du handicap, qui souhaitent d'ailleurs s'impliquer dans cette réflexion ?

Le rapport que j'ai rendu en juillet 2010 sur la CNSA ainsi que celui de l'IGAS soulignent l'insuffisance du système d'information de la CNSA. Pouvez-vous nous dire où en est l'évolution du système d'information de cette agence ainsi que des ARS, afin que nous puissions éviter à l'avenir tout nouveau débasage de l'ONDAM médico-social ?

Le prochain défi à relever est de taille : nous devons mettre en place un cinquième risque dépendance. La convergence des politiques menées en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes est un objectif pour des raisons d'efficacité et de justice. Elle est d'ailleurs inscrite dans la loi de 2005. Le seuil actuel de soixante ans qui marque la frontière entre le handicap et la dépendance ne correspond plus à l'âge légal de départ à la retraite, qui est de soixante-deux ans, et ne recouvre aucune réalité sur le plan physiologique.

Le Gouvernement a-t-il évalué quelles dépenses supplémentaires seraient assumées par les départements et l'État si, sans aller jusqu'à la convergence totale, nous repoussions au moins jusqu'à l'âge de soixante-deux ans la prise en compte de la perte d'autonomie par les politiques du handicap ?

Les problématiques liées au handicap ne concernent pas les seules personnes handicapées mais, par bien des aspects, la société tout entière. En cherchant à construire un appareil pour aider sa mère qui était sourde, Graham Bell inventa le téléphone. De nombreux produits aujourd'hui entrés dans la vie courante, tels que les télécommandes des téléviseurs ou les brosses à dents électriques, ont été à l'origine conçus comme des aides techniques pour les personnes handicapées.

L'attention portée aux personnes handicapées n'est pas dénuée d'intérêt pour les personnes valides. L'expérience montre que les produits conçus peuvent améliorer la vie de tous et que des politiques telles que l'accessibilité dans les transports publics ne sont pas appréciées des seules personnes atteintes d'un handicap, mais aussi, par exemple, des mères de famille accompagnées d'un jeune enfant.

La question du handicap, vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, est notre sujet à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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