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Intervention de Christian Paul

Réunion du 17 février 2011 à 9h30
Neutralité de l'internet — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, mes chers collègues, l'internet du futur se fait ou se défait dans des moments comme celui-ci. Il est de notre devoir de légiférer sans céder à la dictature de l'urgence. Pourtant, c'est une course contre la montre, en France et dans le monde. C'est dans cet esprit que notre groupe a souhaité présenter et défendre cette proposition de loi.

Nous sommes en effet à un instant critique : celui où la « société de l'information », conçue par quelques architectes visionnaires, est en passe de devenir notre société tout court, à un moment où la promesse fondatrice de cette société, l'information libre, inspire des millions de gens de tous horizons, partisans de l'ouverture et du contrôle des réseaux par les utilisateurs eux-mêmes, mais également développeurs de logiciels libres ou encore créateurs désireux d'établir, au travers de nouvelles modalités de partage, des relations inédites avec leur public.

Cette oeuvre collective est immense, et je saisis cette occasion de la saluer. Sans réseaux ouverts, sans logiciels libres, Wikipédia et Wikileaks n'auraient jamais existé. Si le courage des citoyens tunisiens et égyptiens est la première cause de la chute des régimes autoritaires, dictatoriaux de ces pays, il semble évident que la révélation sur le net de l'ampleur des systèmes de corruption a joué un rôle, tout comme les réseaux sociaux ont contribué à la mobilisation d'une opposition.

Plus près de nous, en France, l'internet est également un moteur évident de démocratie. Ainsi, c'est sur le réseau des réseaux que des médias d'un nouveau type ont pu s'exprimer, malgré le verrouillage et la concentration. Pour toutes ces raisons, j'ai choisi, avec le groupe SRC, de vous proposer par un amendement, que je crois inattaquable, d'affirmer ce matin un nouveau droit, un véritable droit à la connexion. J'ai observé hier que, par un prompt renfort, Mme Clinton elle-même défendait la liberté de connexion.

En tant qu'homme de gauche, j'aime cette démocratie internet. En tant que démocrates, nous nous devons de la défendre.

Construire la République française, encore bien imparfaite, nous a pris plus de deux siècles. La démocratie internet ne se construira pas en un jour et nous aurons besoin de beaucoup de travaux parlementaires, de missions d'information, qui nous permettront d'affiner notre compréhension et d'améliorer notre régulation.

Face à ces évolutions, la paresse est proscrite ainsi que le retard. Nous ne pouvons penser ce nouveau monde en recyclant à peu de frais le logiciel de l'ancien. La capacité donnée à chacun, non seulement de consulter, mais également d'éditer lui-même des informations, des contenus et des services, a profondément rebattu la donne.

Sur ce nouveau continent, dont encore trop d'entre nous sont exclus faute d'accès au haut débit, le réseau n'est pas tout. Les libertés des logiciels, des services, des contenus sont également essentielles, parce qu'elles sont devenues, peu à peu, elles aussi, des conditions essentielles de l'exercice de nos droits fondamentaux. Le Conseil constitutionnel a donné un statut particulier à l'accès à l'internet dans sa décision censurant la loi Hadopi 1. L'interopérabilité et la possibilité de nouvelles rémunérations pour les créateurs sont des chantiers qu'il nous faudra rapidement ouvrir, enfin et sérieusement.

L'enjeu du texte, aujourd'hui, est donc bien démocratique. Démocratie des citoyens, démocratie des médias, mais aussi démocratie économique. En donnant le contrôle à ses utilisateurs, en étant délibérément construit sans modèle économique a priori, l'internet a permis un foisonnement sans précédent d'innovations, tout comme en d'autres temps, l'invention de l'imprimerie ou l'irruption des radios libres. L'architecture actuelle du réseau a une utilité sociale et économique maximale, puisque personne ne peut le confisquer. C'est cette architecture utile socialement et économiquement que nous voulons défendre avant tout.

Des géants économiques ont surgi sur le net, parfois pour le pire, souvent pour le meilleur. La plupart d'entre eux n'existaient pas il y a encore dix ou quinze ans. Ils ont le plus souvent damé le pion aux grandes corporations préexistantes, grâce à une meilleure intégration des principes fondamentaux du réseau.

Affirmer quelques principes clés est cependant aujourd'hui non seulement souhaitable, mais également urgent.

Cette proposition de loi, si vous la rejetiez, est et restera néanmoins un acte de prévention nécessaire, en quelque sorte un lancement d'alerte, une façon résolue de prendre date et de réagir à trois menaces évidentes et explicites.

La première menace, c'est le risque de discrimination des contenus pour des raisons commerciales, et ce risque est avéré. C'est le risque d'un internet à plusieurs vitesses, vendu comme tel aux éditeurs de contenus.

La deuxième menace tient à l'augmentation considérable du trafic ou, plus précisément, à des modalités de gestion du trafic qui doivent être d'autant plus encadrées qu'elles peuvent être utiles à l'avenir, au moins provisoirement, en cas de saturation pour la sécurité du réseau.

La troisième menace de filtrage du net est d'autant plus constituée que, depuis 2002, votre majorité s'y abonne et s'y adonne sans complexe, …

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