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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 9 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui est important, car il concerne directement le droit, la vie humaine et la question de l'accès à des techniques médicales en constant progrès.

Le recours à ces techniques qui bousculent régulièrement les limites de l'action humaine sur le corps et sur l'origine des individus pose de nombreux problèmes qui ne sont pas seulement juridiques, mais aussi philosophiques et anthropologiques, ou encore liés à la sécurité des soins ainsi apportés.

Vu l'ampleur du sujet, je me contenterai de trois considérations générales montrant, me semble-t-il, que si la législation progresse, elle reste en deçà de ce que nous pourrions espérer lui faire parcourir comme nouveau chemin au service des femmes et des hommes de notre pays.

À ces considérations je ferais correspondre trois idées qui auraient pu guider davantage notre réflexion et notre discussion.

Ma première considération est historique.

La plupart des interventions sur le corps de l'homme qui nous semblent naturelles aujourd'hui ont fait l'objet d'interdictions. La dissection fut interdite jusqu'au XVe siècle. Les recherches en matière de procréation médicalement assistée ont longtemps été privées de crédits publics. Pourtant, depuis le premier bébé éprouvette, 4 millions d'enfants sont nés après qu'on a eu recours à ces techniques. La contraception fut interdite et reste condamnée, notamment par les Églises. Enfin, pendant longtemps, la question des greffes fut largement discutée et certaines furent jugées plus acceptables que d'autres. Ce qui marque l'esprit, c'est qu'aux interdictions ont succédé des règles accompagnant l'autorisation et la pratique de ces nouveaux procédés.

Ma deuxième considération est relative à la méthode de discussion préalable à l'évolution de la loi française.

La discussion bioéthique est vue d'abord comme une affaire de spécialistes, éminents, certes, mais qui dirigent les opérations d'en haut, si j'ose dire.

Comme je l'ai indiqué ici même lors de l'examen de la loi instituant un débat public pour toute réforme amenée par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, il n'y a pas suffisamment de reconnaissance de la diversité des expériences, notamment au travers de ceux qui les vivent comme parents et patients.

Je regrette que les états généraux ayant précédé l'élaboration du projet ou nos débats préalables n'aient pas été l'occasion de présenter des expériences différentes de celle de notre pays en invitant des personnalités étrangères qualifiées, qu'elles soient scientifiques, politiques ou citoyennes et ayant eu la responsabilité concrète de faire adopter et de faire vivre des législations nouvelles.

Je regrette aussi que nous n'ayons pu entendre des témoignages de femmes ou d'hommes ayant fait des choix personnels mettant en jeu les règles existantes, que ces choix aient été heureux ou douloureux. En matière de bioéthique, je peux en témoigner à titre personnel, au-delà de l'accompagnement médical souvent pluriel, toujours utile, mais parfois contradictoire, la décision la plus importante revient à ceux qui vont vivre avec elle tout au long de leur vie.

Ma troisième considération est relative aux motivations très morales qui animent l'État. L'État, qui se refuse souvent à intervenir pour réguler des dysfonctionnements économiques et sociaux très perturbateurs des relations sociales, défend une action très tatillonne sur des sujets moraux de nature intime – on l'a vu récemment au Sénat à l'occasion d'une proposition de loi. Il n'est pas question de prôner son désengagement, mais il convient de s'interroger pour savoir s'il a raison de vouloir contrôler, non le débat, mais le point d'arrivée de celui-ci.

J'en viens maintenant à trois idées qui, discutées plus largement en amont, auraient peut-être permis de faire bouger plus aisément les lignes habituelles de la discussion sur ces sujets, et non, comme nous le faisons, d'aborder le problème sous l'angle de l'accès ou de l'utilisation d'une technique et d'en voir les éventuelles conséquences pour les individus.

Le premier concept est celui que, dans certains pays, on appelle « l'autonomie reproductive ». Il est sous-tendu par l'idée que les décisions des personnes d'avoir ou non un enfant sont intimes et profondément importantes. L'État peut et doit assister leur choix aussi loin que possible ; mais ce n'est pas à l'État de dire s'ils feront ou non de bons ou de mauvais parents.

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