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Intervention de Michel Piron

Réunion du 9 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, qu'est-ce donc qui nous interroge ici ce soir ? S'agit-il de la liberté de la recherche, absolue quel que soit son objet, ou d'une liberté qui se demande quel est l'objet de sa recherche, sur quoi elle porte, ce « quoi » pouvant devenir « qui » dans le cas précis de l'embryon ? Que devons-nous analyser ou distinguer ? S'agit-il d'une distinction inopérante, qui serait inutile, entre autorisation de recherche encadrée et interdiction avec dérogations ? Mais quelle distinction s'agit-il pour nous d'énoncer ici ? Est-ce une distinction d'ordre pratique ? Évidemment non !

C'est bien pour cela, me semble-t-il, qu'une ambiguïté doit d'abord être levée. Sommes-nous ici pour valider telle ou telle technique, telle ou telle modalité pratique de recherche ou pour poser un principe au nom duquel ces modalités pratiques pourront ou ne pourront pas s'exercer ? Ne l'oublions pas : ce que nous essayons ici de mettre en forme, c'est de la règle, c'est du droit, c'est-à-dire une théorie au nom de laquelle une pratique est permise ou ne l'est pas. C'est bien la même question difficile que nous nous sommes posée dans le cadre de la mission, puis de l'examen la loi sur l'accompagnement de la fin de vie, qui distingue le traitement impérieux de la douleur, dût-il s'ensuivre une accélération de la fin de vie, et l'euthanasie active.

Dans ce débat sur la vie, chacun voit bien que ce qui se joue n'est pas seulement pratique, mécanique ni même indistinctement technique ; ce qui se joue renvoie à des choix politiques qui présupposent eux-mêmes une éthique. Comment considérer alors l'embryon comme une simple addition de cellules ? Dans le débat fondateur qui oppose nature et culture, qu'est-ce qui fait que cette nature, la nature embryonnaire, porte une telle possibilité de culture ? N'est-ce pas là ce qui permet de justifier en théorie, et non en pratique, de distinguer entre la partie et le tout, entre la cellule et l'embryon, ce qui peut être objet et non sujet de recherche ?

De telles questions, mes chers collègues, ne sont pas seulement actuelles. Elles ne sont pas seulement le signe d'un temps, voire d'un progrès qui ne fait que les aiguiser. Il me semble au contraire qu'ayant traversé toutes les philosophies, elles sont aussi anciennes que l'homme, parce que constitutives de l'homme. Car c'est bien de l'homme, de tout l'homme, qu'il s'agit ici ; de l'homme qui, ne cessant de s'interroger, interroge son rapport aux autres et au monde. Et dans notre quête de savoir éperdue, pour reprendre une distinction qui nous taraude depuis Platon jusqu'à Bergson, il peut même arriver que plus l'on sait, moins l'on connaît.

C'est pourtant dans cette quête, me semble-t-il, que réside toute notre dignité, et c'est encore et toujours cette quête qu'il nous faut, même en l'absence de réponse, poursuivre et protéger. Fragilité de la question de l'homme !

J'ai entendu cet après-midi l'interprétation qu'a faite notre collègue Aurélie Filippetti du mythe de Prométhée. M'en permettra-t-elle une autre lecture ?

Qu'est-ce, en effet, que ce feu dont voulut s'emparer Prométhée, sinon l'impossible réponse des dieux à la question de l'homme ? Que lui ont-ils laissé ? Un coeur dévoré par les questions de l'aigle, qui demeureront peut-être sans réponse, comme demeure sans réponse la mer sans fond où Icare, cherchant aussi la réponse absolue du soleil, a fini par s'abîmer.

Fragilité et dignité de la question, celle de l'homme. N'est-ce pas d'abord ce que ce texte nous propose de respecter ? N'est-ce pas aussi son mérite qui peut emporter notre conviction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

1 commentaire :

Le 23/02/2011 à 12:44, Karl Civis (retraité) a dit :

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On peut comparer avec l’intervention faite par M.Piron en 2003 :

sur http://www.mediapart.fr/club/blog/Denis%20Meriau

[rétro-forum 6]

quel statut donner à l'embryon ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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