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Intervention de Bernard Debré

Réunion du 9 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Debré :

C'est l'application, à un moment donné, des découvertes de la science qui établira, pour un temps, les lois encadrant celle-ci.

L'homme, vous le savez bien, a acquis, depuis des années, des pouvoirs extraordinaires. Sa définition a évolué grâce à la génétique. De la naissance jusqu'à la mort, tout a changé. De la cellule souche à la thérapie génique, une nouvelle vision de l'humanité s'impose petit à petit.

La difficulté de telles lois est évidente : elles ne doivent pas entraver la recherche – or ses découvertes, qui sont quelquefois enivrantes et passionnantes, sont toujours transgressives –, elle ne doivent pas non plus rayer d'un trait de plume nos croyances, nos convictions, nos aspirations. L'homme d'aujourd'hui est bien plus qu'un homme, il est un maillon d'une grande chaîne qui s'étend des premières heures du monde au futur encore inconnu. Or la science nous offre tant de possibilités qu'elles risquent, si elles ne sont pas encadrées par des lois, de nous faire considérer l'homme comme une simple machine qu'il est possible de manipuler dans un but utilitaire.

La cellule souche, potentialité humaine ou homme potentiel ? Le Comité consultatif national d'éthique se penche sur ces définitions depuis 1986. Pour en avoir fait partie, je puis affirmer que jamais nous n'aurons de réponse claire et sans équivoque.

Les cellules souches peuvent provenir d'embryons humains surnuméraires gardés dans des congélateurs des centres de recherche. Ces embryons, qui sont-ils ? Nous aurons beau chercher dans les livres saints de toutes les religions, nous n'y trouverons pas la réponse non plus. Pourtant, travailler sur les cellules embryonnaires est nécessaire.

Faut-il alors interdire ces recherches en introduisant des dérogations ou les autoriser en encadrant les manipulations ? C'est la première solution qui a été retenue dans notre droit. En dehors de cette sémantique ambiguë, cette interdiction préserve pour un temps nos émotions, notre éthique, tout en ne freinant pas, grâce aux dérogations prévues, la recherche.

Mais la loi d'aujourd'hui sera-t-elle acceptable demain ? Surtout, que cherchons-nous ? Souhaitons-nous faire de la recherche pure pour satisfaire notre soif de connaissances ou de la recherche appliquée pour aider l'homme atteint de maladies génétiques ?

Voici cependant deux nouveautés qui vont bouleverser nos certitudes.

Sachez qu'il est maintenant possible de retrouver, dans le sang d'une femme enceinte de moins de six mois, les cellules de son embryon et qu'elle pourra, par l'analyse de celles-ci, connaître avec une très grande probabilité le grand livre de la vie de son futur enfant : maladies génétiques, caractéristiques physiques et, bientôt, caractéristiques intellectuelles. Faut-il interdire cet examen qui donne tant de réponses alors que l'avortement – auquel je suis favorable – est autorisé jusqu'à la quatorzième, voire la vingt-deuxième semaine ? Si cet examen est interdit en France, cette femme pourra le faire, si elle le désire, à l'étranger : en Allemagne ou en Chine. Si elle le fait à l'étranger, lui refusera-t-on, ensuite, en France le droit d'avorter ? Ce dilemme est impossible à régler, mais cette possibilité peut être aussi la porte ouverte à un certain eugénisme, dont les conséquences peuvent être effrayantes.

Une autre découverte porte en elle les germes d'une grande inquiétude. Il est maintenant possible de faire revenir une cellule de peau à l'état de cellule souche en lui incorporant trois gènes particuliers des cellules IPS.

Est-ce ainsi qu'on résoudra le problème de la recherche sur les cellules souches ? Vraisemblablement puisqu'il ne sera plus indispensable de se procurer des cellules issues de l'embryon.

Mais il y a un mais : cette cellule pourrait, si on le désirait, permettre la création quasiment ex nihilo d'un clone, reproduisant à peu de choses près l'homme dont elle est issue. Certes, cette cellule souche n'est pas le résultat d'une fécondation normale, elle n'est pas issue de la fusion d'un spermatozoïde et d'un ovocyte, mais elle porte en elle les mêmes capacités.

Nous voyons la difficulté du raisonnement qui prévaut en la matière, son hypocrisie même : cette cellule, redevenue embryonnaire, n'est pas différente d'une cellule issue d'un embryon. C'est juste la temporalité qui change.

Autre sujet controversé : faut-il lever le secret de la naissance, l'anonymat des donneurs de gamètes ? Nous avons répondu non. C'est une bonne chose.

Après avoir évoqué rapidement ces trois sujets, je souhaiterais revenir brièvement aux prélèvements de gamètes.

Il est question de ne prélever que trois ovocytes.

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