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Intervention de Martine Aurillac

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Aurillac :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, vous nous présentez aujourd'hui une révision de la loi de bioéthique qui était attendue depuis longtemps.

Je dois dire que, dans ce qu'il faut bien appeler l'amoncellement de textes que nous sommes conduits à voter ou à rejeter, il en est bien peu qui sollicitent autant nos convictions, nos valeurs et notre conscience. Il y eut bien sûr l'abolition de la peine de mort, la loi sur l'avortement et, plus proche de nous, cette loi de 2004 qui touche précisément notre sujet, sans compter la loi sur la fin de vie, qui doit tant au talent et à l'humanisme de notre rapporteur, loi malheureusement encore mal connue et pas assez appliquée.

Je me réjouis aussi du climat parfois passionné mais très constructif dans lequel a pu travailler notre commission spéciale. Que son président, Alain Claeys, et Jean Leonetti en soient ici remerciés.

Ce travail, fruit d'une longue concertation, largement éclairé par le rapport de la mission qui nous a occupés pendant pratiquement une année, mais aussi par les états généraux de la bioéthique, a essentiellement porté sur certains points.

La levée du moratoire, d'abord, qui gênait, il est vrai, les chercheurs par une remise en cause régulière, a été retenue à la quasi-unanimité. Si la gestation pour autrui, qui n'est pas abordée dans notre texte, a fait l'objet d'un large rejet, deux points ont en revanche suscité quelques débats.

Je pense d'abord à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. La finalité médicale – et non plus seulement thérapeutique – de la recherche ne soulève pas d'opposition. La discussion entre l'interdiction avec dérogation, ou l'autorisation très encadrée, peut paraître un peu byzantine ; compte tenu du remarquable travail effectué par l'agence de la biomédecine, en mon âme et conscience, et après beaucoup d'hésitations, je me rallie pour ma part à la première formule, celle de l'article 23 du projet de loi. C'est vrai, monsieur le président de la commission, il s'agit d'un compromis ; mais il correspond peut-être mieux à nos valeurs.

Dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, il faudra bien sûr chercher à réduire les embryons surnuméraires, et accomplir des progrès rapides sur les cellules souches adultes.

Je pense ensuite à la levée de l'anonymat du don de gamètes. C'est une question difficile, qui peut soulever une cascade de difficultés ultérieures. Certes, le droit à l'accès aux origines est défendable, et le projet du Gouvernement sur ce point restait assez prudent. Néanmoins il est à craindre que cette levée ne conduise à une raréfaction du nombre de donneurs, ainsi qu'à un renforcement du secret de la conception, ce qui peut être très préjudiciable à l'enfant.

Après réflexion, je crois, comme finalement la commission, qu'il faut y renoncer, tant il est vrai que la parenté par le coeur et l'éducation me paraît largement l'emporter sur la parenté génétique.

Je n'ai ici voulu, ni pu en quelques minutes, qu'évoquer ces deux points essentiels, et encore bien rapidement.

Enfin, j'ai déposé un amendement sur le transfert d'embryon post-mortem. Ce sont, certes, des situations tout à fait exceptionnelles : il s'agit de permettre le transfert d'embryon après le décès du père, dès lors qu'il avait donné son consentement, et qu'un processus de transfert correspondant à un véritable projet parental d'assistance médicale à la procréation était donc entamé. Cela n'a rien à voir avec l'insémination, qui demeure interdite.

Rappelons que, à l'heure actuelle, comme le président Claeys l'a fort bien rappelé, la femme n'a, dans cette situation – encore une fois rarissime – que le choix cruel entre la destruction de l'embryon, ou paradoxalement l'offre à un autre couple, et enfin, si la loi est votée en l'état, le don à la recherche : trois situations qui me paraissent en fait constituer un deuil supplémentaire.

Quant à l'embryon, n'est-il pas préférable de lui permettre de vivre, avec sa mère, qui a aimé son père au point d'accepter de l'élever seule ?

Cet amendement introduit bien sûr des garde-fous. Je suis convaincue depuis longtemps – conviction que je partage d'ailleurs avec le président de notre commission spéciale – qu'il s'agirait là d'une bonne mesure.

Des critiques se sont élevées contre ce qu'elles dénoncent comme l'immobilisme, voire le conservatisme de ce projet. Mais la loi de 2004 n'était peut-être pas si mal faite ; elle a été appliquée avec doigté et intelligence par l'agence de la biomédecine.

En réalité, notre commission spéciale a, me semble-t-il, réussi à atteindre le juste équilibre, si délicat, si ténu souvent, entre ce que nous devons permettre à la science, instrument au service de la dignité de tous, et ce à quoi nous ne pouvons consentir au regard de nos valeurs les plus profondes, philosophiques, laïques ou religieuses.

C'est pourquoi je voterai ce texte, en souhaitant qu'il puisse réunir le plus large des consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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