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Intervention de Jean-Yves Le Déaut

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Déaut :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France des droits de l'homme a toujours été à l'avant-garde des réflexions sur l'éthique.

Depuis soixante ans, les progrès de la science ont ouvert de telles perspectives en matière médicale que le législateur a dû fixer les frontières entre le permis et l'interdit, le licite et l'illicite. À partir de la découverte de la double hélice de l'ADN par Watson et Crick, en 1954, de grandes découvertes médicales se sont succédé.

Tout d'abord, en 1962, le décryptage du code génétique a permis de comprendre pourquoi l'information d'une cellule est traduite en molécules qui permettent le développement de la vie.

Ensuite, en 1971, les chercheurs ont réussi la recombinaison de fragments d'ADN, permettant ainsi l'accès à des techniques inimaginables quelques années auparavant : la transgénèse, le clonage, le séquençage à haut débit, la médecine réparatrice ou la médecine prédictive.

Enfin, en 2003, le déchiffrage du génome humain a ouvert de nouvelles voies aux chercheurs et aux médecins.

Pour suivre ces évolutions, il a donc fallu fixer un cadre législatif. Ce furent des débats passionnants qui, par deux fois, sous deux gouvernements différents, durèrent deux ans, entre 1992 et 1994, puis entre 2002 et 2004. En tant que parlementaire, j'ai donc eu la chance d'assister aux trois étapes de la genèse de lois sur la bioéthique qui ont permis des avancées majeures.

Je me souviens de notre débat sur le diagnostic préimplantatoire, en 1994 : je ne suis pas sûr que dix-sept ans après, étant donné l'état d'esprit qui a présidé à nos échanges, nous adopterions la même mesure aujourd'hui. Même si nous nous sommes écoutés, il y a tout de même eu des tensions lors des discussions de la commission. Le président et le rapporteur ont essayé de tempérer nos débats ; je les en remercie. Toutefois, aujourd'hui, permettrait-on à des familles, déjà très éprouvées par la naissance d'enfants atteints d'une maladie génétique gravissime et mortelle, de l'éviter lors d'une nouvelle grossesse en testant la présence du gène de la maladie avant la réimplantation d'un embryon ? En tout cas, j'estime que nous avons eu raison de voter cette mesure en 1994.

La bioéthique a également permis de développer l'innovation thérapeutique. Ainsi, onze ans après les États-Unis, la France a connu la naissance d'un premier bébé dit « médicament » ; je n'aime pas l'expression et je lui préfère celle de bébé du double espoir. Le prélèvement sur un enfant, né après un diagnostic préimplantatoire, des cellules embryonnaires du sang de cordon ombilical permet de réimplanter celles-ci, en cas de compatibilité, lors d'une greffe de moelle chez un frère ou une soeur malade.

Selon Mme la secrétaire d'État, ce bébé a été conçu pour sauver son frère, mais qui peut l'affirmer ? Quel bonheur pour une famille d'éviter à un futur enfant, qui aura sauvé son cadet, une maladie génétique, à coup sûr mortelle, et, dans le même temps, de pouvoir faire échapper un de ses frères ou soeurs à une issue fatale.

Voter des lois bioéthiques, c'est une grande fierté pour un député. Il faut en permanence soupeser les bénéfices de l'innovation au regard des valeurs et des principes fondamentaux. Voter des lois bioéthiques, c'est affirmer sa vision de l'homme ; c'est donner la priorité à la vie, à l'humanisme et refuser la marchandisation et l'asservissement. Il s'agit sans doute de l'un des moments privilégiés de la carrière d'un parlementaire qui l'autorise à voter en conscience une loi qui permettra aux chercheurs de comprendre les premiers instants de la vie.

Je reste persuadé que nous aurions pu franchir une nouvelle étape cette année, et ouvrir de nouvelles voies dans le domaine de la bioéthique mais, monsieur le ministre, au point où nous en sommes, je suis déçu.

On verra ce qu'il en sera à l'issue des débats, il reste que, en commission, le rôle de votre majorité a plus souvent consisté à défendre le maintien du statu quo qu'à être une force de proposition. Je regrette que les opinons religieuses de certains aient manifestement pesé sur le débat, comme en témoignent les placards de presse publiés ces derniers jours.

Je partage votre position sur le principe du maintien de l'anonymat sur le don de gamètes, comme c'est le cas pour les dons d'organes, à l'exception des dons entre personnes vivantes. Une cellule germinale, un ovocyte ou un spermatozoïde, n'est pas un oeuf, encore moins un embryon ou un enfant. Donner un spermatozoïde n'entraîne ni droits ni devoirs. Je ne sais pas ce que signifie le terme de « nouveau modèle de responsabilité », utilisé par certains sociologues. La génétique a fait des progrès, mais le « tout génétique » est une aberration.

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