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Intervention de Olivier Jardé

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Jardé :

La fécondation post mortem pose un problème d'éthique, que j'ai connu au plan professionnel. J'ai connu un couple dont le mari est décédé la veille de l'implantation, qui était programmée. La femme doit-elle perdre à la fois son mari et son enfant ? Pour ma part, je réponds non.

J'ai déposé un amendement précisant que dans le cas de décès brutaux et dans des délais courts, la fécondation post mortem pouvait être autorisée. Avec Martine Aurillac, nous avons rédigé un amendement de synthèse sur la fécondation post-mortem.

Est-ce qu'une femme ménopausée a-t-elle le droit de mettre en route une grossesse ? La procréation médicalement assistée doit uniquement concerner le traitement d'une infertilité et doit être interdite pour convenances personnelles.

Dans le même ordre d'idées, en ce qui concerne l'anonymat du don de gamètes, faut-il révéler des caractères identifiants du donneur ou son identité ? Les caractères identifiants ne satisferont nullement l'enfant issu de la fécondation en question. Quant à la révélation de l'identité, elle poserait à mes yeux de véritables problèmes aux trois parents.

Pardonnez-moi de le rappeler, mesdames, mais 15 % des enfants de troisième rang ne sont pas de leur père officiel et tout se passe pourtant relativement bien : les enfants n'ont pas le moindre problème psychologique. (Exclamations et sourires sur divers bancs.) Cela pose d'ailleurs des problèmes en réanimation, cher Jean-Pierre Brard : quand il s'agit d'un troisième enfant, on se méfie !

La gestation pour autrui – les mères porteuses – est techniquement faisable ; pour autant, est-elle souhaitable ? La grossesse est-elle une période neutre ? N'ayant jamais été enceinte (Sourires), je ne peux répondre à cette question. Mais, médicalement, à qui la GPA peut-elle s'appliquer ? Aux femmes qui n'ont pas d'utérus, ce qui est tout de même très rare ; aux femmes victimes d'accidents de la voie publique qui ont entraîné un éclatement de l'utérus ; enfin, aux femmes qui ont eu un cancer du col de l'utérus.

La GPA est interdite en France. Et vous avez parfaitement raison de parler d'un tourisme procréatif : il suffit de rechercher « mère porteuse » dans Google pour voir défiler des photos de très jolies filles – sans doute parce qu'on espère que l'apparence de la mère porteuse déterminera génétiquement celle du futur enfant.

C'est une question qu'il faut se poser. La sénatrice Michèle André, qui l'a étudiée dans le cadre d'une mission, conclut en faveur de l'autorisation de cette pratique, assortie d'un dispositif très limitatif. La gestation pour autrui serait ainsi réservée aux couples hétérosexuels, stables, dont la femme ne peut porter d'enfant et dont l'un des membres sera génétiquement le parent du futur enfant. Quant à la mère porteuse, elle ne doit entretenir aucun lien de parenté, aucun lien génétique avec les parents ; elle doit avoir déjà eu un enfant ; et elle ne peut porter plus de deux enfants. Le processus doit enfin être encadré par des associations bénévoles.

Cette pratique suscite néanmoins des interrogations. Pourquoi les jeunes couples californiens font-ils porter leur enfant par de jeunes Indiennes ? On me dit qu'il n'y a là aucun mercantilisme ; mais la question du prix devrait préoccuper ces couples. On se souvient aussi de ce couple de Japonais qui, après avoir fait porter son enfant par une Indienne, se sont séparés et ont confié l'enfant à un orphelinat. Plus récemment, une jeune Belge a prétendu avoir fait une fausse couche et a revendu l'enfant à un couple de Hollandais.

On voit que l'on peut aboutir à des dérives qui ne sont guère conformes à l'intérêt de l'enfant. Le rapport publié en 2009 par le Conseil d'État et rédigé sous l'égide de Philippe Bas insistait sur ces dérives contraires aux droits de l'enfant et sur le risque auquel la GPA expose les mères porteuses – car, il faut le dire, le nombre de fausses couches est élevé.

Qu'en pense Olivier Jardé ? (Sourires.) Au terme de ma réflexion, je me pose plusieurs questions. La grossesse est-elle une période neutre ? Le ventre d'une femme est-il un organe de production ? Est-ce conforme à l'intérêt de l'enfant ? Une femme riche portera-t-elle l'enfant d'une femme pauvre ?

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