Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de François de Rugy

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Je crois pourtant utile de préciser que l'on ne peut pas attendre un hypothétique et illusoire consensus sur tous ces sujets de bioéthique. Rappelons que les débats sur l'avortement, la pilule, la peine de mort ou plus récemment le PACS, n'ont jamais été consensuels. Ils ont même malheureusement souvent donné lieu à un déchaînement de passions et, disons-le, de violence, ici-même à l'Assemblée.

Ces lois ne sont devenues consensuelles qu'après leur adoption. Même s'il reste parfois des minorités actives qui prônent leur abrogation, elles ne sont remises en cause globalement par aucune majorité, ni à gauche ni à droite, pour une raison simple : nos concitoyens, qui sont nos électeurs, ne le souhaitent pas.

Ne recherchons pas non plus une cohérence idéologique sur ces sujets. Des défenseurs de I'avortement peuvent être opposés à la gestation pour autrui. Des opposants à la gestation pour autrui peuvent être des défenseurs de l'euthanasie.

Pourquoi s'enfermer sur ces sujets dans des positions de parti alors que chaque individu – les parlementaires n'y échappent pas – est renvoyé à sa conception de la vie et de la mort ? Elle est de l'ordre de l'intime et influencée par des idées philosophiques ou des croyances religieuses. Ce n'est pas là un problème. C'est le reflet des expériences de vie de chacun.

Le Premier ministre le reconnaissait lui-même dans la tribune que je citais tout à l'heure. Étrangement, il commençait ainsi : « Je n'ai jamais été confronté personnellement à l'épreuve terrible de devoir accompagner la fin de vie d'un être aimé, réduit à une souffrance insupportable et dont le diagnostic médical est sans appel. » Cette phrase explique peut-être tout le reste de son texte.

A contrario, Roselyne Bachelot avait eu le courage de braver la position officielle de son parti en soutenant l'adoption du PACS, proposé par la majorité de gauche plurielle sous le gouvernement de Lionel Jospin. Elle n'avait pas caché que cette conviction avait été forgée par les rencontres et les discussions qu'elle avait eues auparavant avec des couples homosexuels. De la même manière, lorsqu'elle était ministre de la santé, il y a encore quelques mois, elle avait introduit dans le projet de loi dont nous débattons la levée de l'anonymat des donneurs de sperme et des donneuses d'ovocytes. C'est une femme qui a été sensible à notre demande, explique dans le journal Libération une militante qui oeuvre pour l'accès de l'enfant issu d'un don à ses origines personnelles.

Dans un autre registre, beaucoup de membres des professions médicales ont du mal à envisager l'euthanasie qu'ils perçoivent comme contraire à leur mission qui est exclusivement de soigner. Cela peut se comprendre et il n'est pas choquant que cela soit dit. Ce serait même plus sain que ce le soit ouvertement, notamment par vous, monsieur Leonetti.

Ce qui importe, pour que notre démocratie parlementaire fonctionne, c'est que tous les points de vue, renvoyant à différentes expériences de vie, soient représentés dans les débats. Nous honorerions notre mandat parlementaire et le Parlement lui-même, en prenant chacune et chacun nos responsabilités plutôt qu'en nous en remettant a une position de parti ou de groupe. C'est l'honneur, l'utilité même, de la démocratie parlementaire que de s'atteler à ces débats et d'avancer en tranchant sur ces questions. Un Parlement qui évacue systématiquement certains débats et qui s'évertue à ne pas trancher, à ne pas avancer, est un Parlement qui finit par faire douter de son utilité.

Le Parlement, plus que toute autre institution politique, est le lieu adapté pour mener ces débats et les faire avancer en prenant des décisions. Certains commentateurs ont pu dire que ces sujets étaient des sujets de campagne présidentielle. Non, je crois exactement l'inverse. Lors de la dernière élection présidentielle par exemple, les deux candidats du deuxième tour se déclaraient opposés à l'euthanasie. Cela n'enlevait rien aux qualités de ces deux candidats pour porter deux visions de l'avenir de la France. Mais au nom de quoi un président ou une présidente pourrait-il, sur la base d'une position personnelle, bloquer tout débat et toute avancée sur des sujets comme ceux-là ?

Ce serait s'enfermer dans un présidentialisme totalement décalé par rapport aux attentes des Français. L'expérience passée montre d'ailleurs qu'une élection présidentielle ne s'est jamais jouée sur des sujets de ce type, heureusement.

Charles de Gaulle n'avait pas fait de la légalisation de la pilule un thème de campagne pour son élection en 1965. C'est pourtant sous son mandat qu'a été votée la loi Neuwirth légalisant l'utilisation de la pilule.

Valéry Giscard d'Estaing n'avait pas fait du droit à l'avortement un engagement phare de sa campagne de 1974. C'est sous son mandat qu'a été votée la loi Veil légalisant l'avortement, grâce d'ailleurs à l'appui des députés de gauche de l'époque, qui fort heureusement, sous l'impulsion de François Mitterrand, n'ont pas eu un réflexe pavlovien d'opposants.

François Mitterrand n'avait pas fait non plus de la peine de mort le sujet d'affrontement principal de l'élection de 1981. Si l'élection s'était jouée là-dessus, il n'aurait d'ailleurs sans doute pas été élu. C'est cependant sous son mandat que la loi Badinter a été votée avec l'appui de parlementaires de droite comme Philippe Séguin ou Jacques Chirac. Le débat était pourtant on ne peut plus vif. Mais c'est tout à l'honneur de ces élus d'avoir su dépasser les clivages partisans pour voter en conscience et faire faire à la France un grand pas en avant dans le sens des droits de la personne humaine.

À chaque fois, les débats au Parlement, pourtant très virulents, parfois même violents – Simone Veil s'en souvient très bien –, ont montré que les clivages de partis ou de groupes étaient dépassés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion