Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Yves Cochet

Réunion du 3 février 2011 à 15h00
Ratification des statuts de l'agence internationale pour les énergies renouvelables — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

J'ai écouté les propos du ministre, ainsi que ceux du rapporteur, et, évidemment, concernant l'objectif de promotion des énergies renouvelables, en France, en Europe ou dans le monde, nous n'avons pas été les derniers. Nous avons même été les premiers. Parmi toutes les formations politiques représentées dans cette assemblée, bien qu'elles ne soient pas toutes présentes aujourd'hui, les écologistes ont été les premiers, dès les années 1970, à promouvoir les énergies renouvelables en substitution aux énergies fossiles et l'énergie nucléaire.

Certains d'entre vous se souviennent peut-être que lorsque le premier choc pétrolier a eu lieu, en 1973, l'OCDE, le club des pays riches, a pris peur et a décidé de créer une agence d'observation et de prospective sur l'énergie, et ils ont créé l'Agence internationale de l'énergie, d'ailleurs basée à Paris. Il faut bien dire que cette agence est sous la domination américaine.

Les rapports successifs de cette agence, qui donne le la en matière de prospective énergétique sont des rapports pleins de contrevérités, comme certains des membres de cette agence l'on dit après l'avoir quittée. L'hégémonie idéologique américaine imprègne le World energy outlook, si vous me permettez d'échapper un instant à la francophonie, mais c'est ainsi qu'il s'appelle, et il n'y a d'ailleurs pas de version française. Les prospectives y sont « croissantistes », et ce dans toutes les énergies.

Bien sûr, il existera encore un petit peu de nucléaire, encore que l'AIE ne soit pas franchement pro-nucléaire. Ses membres pensent que l'énergie nucléaire ne représentera qu'un faible pourcentage de l'énergie du monde, contrairement à ce que le Gouvernement et vous-mêmes croyez – ce n'est évidemment pas mon avis. Ils pensent que les énergies fossiles vont continuer à croître, mais ils n'ont jamais indiqué en trente, presque trente-cinq ans d'existence, sauf en 1998, me semble-t-il, lorsque le directeur était M. Bourdaire – que certains d'entre vous connaissent peut-être, – qu'il pourrait y avoir un problème, que l'on appelle maintenant le pic pétrolier, c'est-à-dire le déclin de la production d'énergies fossiles, qui ne sont pas renouvelables, tout au moins à échelle humaine, puisqu'il s'agit d'une dotation initiale que l'on extrait.

Nous n'avons pas attendu aujourd'hui ou même 2009 pour nous prononcer en faveur des énergies renouvelables. Au lieu d'avoir fait, sous le gouvernement Messmer, l'immense programme électronucléaire de la France, on aurait dû réaliser un immense programme d'énergies renouvelables. Nous aurions été moins ennuyés par la gestion des déchets, car cela revient très cher, et nous serions maintenant en tête, tant du point de vue technologique que du point de vue idéologique, sur les énergies renouvelables. Mais le nucléaire a été fait à la place. Il s'agit d'une très grave erreur, qui a coûté environ 350 milliards d'euros. Cela a peu de chances de se développer, car le nucléaire, comme les énergies fossiles, n'est pas renouvelable. Il faut extraire des richesses du sol, même si les processus ne sont pas semblables pour le nucléaire – il s'agit plutôt de techniques minières.

Vous nous demandez de ratifier un traité signé par la France sur l'IRENA. Nous aurions dû sauter de joie. J'ai bien connu M. Hermann Scheer, député du SPD et parlementaire européen, à qui revient l'idée de la création de cette agence. J'ai lu tous ses livres, qui ont été traduits en français. Nous avons beaucoup discuté avec lui. Notre conviction sur les énergies renouvelables ne fait aucun doute.

Il s'agit ici de l'IRENA et paradoxalement – je vais l'annoncer tout de suite – à mon grand dam, nous voterons contre la ratification de ses statuts. Nous revendiquons une pensée plus globale que simplement technique ou technicienne sur tel ou tel type d'énergie et sur les vertus comparables ou comparées du nucléaire, d'un côté, des énergies fossiles, de l'autre, ou encore des énergies renouvelables. Il n'y a pas que la technicité ou le type d'énergie qui compte, mais également le contexte géopolitique et même diplomatique car cela relève de la diplomatie française. Et, de ce point de vue, l'IRENA, telle qu'elle est, créerait quatre précédents scandaleux qui couvriraient de honte notre diplomatie, qui – il faut l'avouer – n'en a actuellement pas besoin. Elle est déjà un peu mal en point.

Premier précédent : c'est la première fois qu'une organisation internationale, mondiale, onusienne d'une certaine manière, est implantée dans une dictature avec le soutien actif de la France.

En janvier 2009 – M. le ministre et M. le rapporteur l'ont rappelé – lorsque la France, en la personne de Jean-Louis Borloo, a signé ce traité avec 74 autres pays, elle a d'abord soutenu la candidature de l'Allemagne pour le siège de l'Agence. Mais, en mai 2009, le Président Sarkozy a accordé son soutien, à l'occasion d'un voyage à Abou Dabi, aux Émirats arabes unis. Malgré les demandes répétées de la Chancelière Angela Merkel lors du sommet franco-allemand de juin 2009, le Président Sarkozy persiste et signe. Monsieur le ministre, votre gouvernement a soutenu une dictature pétrolière pour accueillir l'IRENA, une dictature qui bafoue les droits des esclaves qu'elle importe du sous-continent indien pour faire tourner son économie. De nombreux livres et documents sont parus sur ce point.

Le Gouvernement soutient une dictature, où la charia tient lieu de droits de l'homme et où les femmes sont considérées comme des citoyens de seconde zone.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion