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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 2 février 2011 à 15h00
Débat sur l'otan et les orientations données aux forces armées françaises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus de vingt ans après la chute du mur de Berlin, symbole de la fin du monde bipolaire, l'OTAN, privée de sa raison d'être originelle, traverse une crise existentielle.

Nous avions, en mars 2009, ici même, exprimé notre profond désaccord sur la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, décision politique dont la charge symbolique était extrêmement forte.

L'annonce du retour de la France au sein de l'OTAN est en effet l'expression de la nouvelle conception diplomatique « occidentalo-atlantiste », fondée sur l'alliance avec les États-Unis et sur la perception que les transformations du monde menacent la « famille occidentale ».

À l'abri de la sanction populaire, la France a donc rejoint pleinement, après quatre décennies d' « exception française », une organisation qui s'élargit géographiquement, qui multiplie ses missions, sans qu'il y ait eu de réflexion globale, et ce dans le but de préserver, nous dit-on, les intérêts du monde occidental.

À cet égard, le sommet de Lisbonne, des 19 et 20 novembre 2010, qualifié comme « un des plus importants dans l'histoire de l'organisation », est révélateur. Il témoigne du fait que l'Alliance est en perte de vitesse et cherche, tant bien que mal, des justifications à son existence.

L'OTAN s'est ainsi attelée à désigner de « nouvelles menaces » – cyber-attaques, piraterie internationale, terrorisme – et à apporter des justifications à l'engagement en Afghanistan.

Depuis dix ans, l'OTAN ne parvient pas à endiguer les actions des Talibans. Elle a entériné le « processus de transition » qui commencera en 2011 et devrait conduire à la fin des missions de combat des troupes alliées en 2014.

Ce n'est pas le retrait des troupes. L'accord obtenu par le président afghan Hamid Karzaï et le secrétaire général de l'OTAN sur « le maintien d'une présence à long terme après 2014 » est particulièrement inquiétant : aucune précision n'est apportée sur le type de présence envisagée, ni sur sa raison ni sur sa durée.

Les États-Unis continuent de décider seuls, en fonction de leurs intérêts. Or, la raison de la présence française échappe, vous le savez, à bon nombre de nos concitoyens.

Le combat contre le terrorisme est la question première, que nul ne discute. Quelle est l'efficacité du combat ainsi mené ? Il est grand temps d'organiser réellement une sortie de crise. L'OTAN n'est pas la solution, elle fait partie du problème.

La France et ses partenaires européens devraient faire preuve non seulement de lucidité, mais surtout d'indépendance, en refusant de contribuer à ce désastre sécuritaire, politique et humain.

Pour cela, il faut donner la priorité à un processus politique de résolution de cette crise, favorisant un consensus régional – ma collègue Françoise Hostalier, qui a fait un rapport sur ce sujet dans le cadre de l'UEO, ne pourra que m'approuver –, et ayant pour axe prioritaire la coopération afin d'assurer le développement du pays.

À cet égard, nous ne pouvons que déplorer que la France, à l'ONU, n'ait pas pris l'initiative, comme nous l'avions recommandé, de proposer l'organisation d'une conférence internationale, pour définir précisément les conditions d'une paix négociée et durable en Afghanistan, prenant en compte toute la diversité des différentes composantes du peuple afghan.

Concernant l'OTAN et le bouclier anti-missiles européen, cet accord soulève plusieurs interrogations pour les Européens. Il représente pour les Alliés un risque de contrôle politique par les États-Unis, seuls donneurs d'ordres, ce qui ne les empêchera pas de nous demander de participer financièrement.

De plus, le risque de dérapage budgétaire est réel. De nombreux experts estiment le coût annoncé largement sous-évalué, contrairement aux déclarations de Nicolas Sarkozy à Lisbonne.

Au final, le sommet de Lisbonne a été synonyme de renoncement et a pris acte du déclin de l'OTAN.

Pour notre part, nous considérons que la recherche de sécurité doit essentiellement se fonder sur des voies politiques de réduction des menaces militaires. Nous considérons que la France et l'Europe doivent être des acteurs indépendants de type nouveau pour la paix, le désarmement et la sécurité.

Cela suppose de s'émanciper de l'OTAN et d'avancer vers sa dissolution, de prendre des initiatives significatives en faveur de la sécurité internationale, pour faire appliquer le traité de non-prolifération, pour éliminer les armes nucléaires et toutes les armes de destruction massive, pour créer une dynamique de désarmement général, pour instaurer un contrôle public, national et international, sur les industries d'armement et les ventes d'armes, et, enfin, pour promouvoir un multilatéralisme authentique, afin de faire appliquer point par point tous les engagements pris par la communauté internationale, tels que les objectifs du millénaire fixés par l'ONU.

« L'intelligence défend la paix. L'intelligence a horreur de la guerre », déclarait Paul Vaillant-Couturier. Alors, que la France montre son intelligence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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