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Intervention de Jean Mallot

Réunion du 10 juillet 2009 à 15h00
Dérogations au repos dominical — Article 2, amendement 257

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Mallot :

J'en profite pour revenir à l'amendement que j'ai défendu précédemment et selon lequel le salarié aurait pu revenir sur sa décision d'accepter de travailler le dimanche. Le rapporteur et le ministre m'avaient renvoyé à l'alinéa 24, et même un peu brutalement, en me disant que je ne l'avais pas lu. Or cet alinéa parle d'autre chose. Il prévoit une clause de revoyure, en quelque sorte, puisque, tous les ans, l'employeur propose au salarié de refaire son choix, en lui disant que s'il ne veut plus travailler le dimanche, il peut être affecté à un autre emploi, qui ne serait pas soumis au travail dominical.

Le renvoi à l'alinéa 24 pour répondre à l'amendement que je défendais n'était donc pas pertinent. J'espère que quand nous reviendrons sur cette question de la réversibilité, M. le rapporteur et M. le ministre auront des arguments plus étayés et plus convaincants.

J'en reviens à l'amendement qu'a défendu Christian Eckert, et sur lequel M. le rapporteur et M. le ministre ont émis un avis trop succinct : « Défavorable ». Je répète que nous ne sommes pas ici dans le cas de la réversibilité. Nous sommes dans le cas où le salarié a exprimé son accord, son « volontariat », dites-vous, pour travailler le dimanche, mais où il souhaite, pour des raisons qui lui sont propres – par exemple un événement familial, culturel, sportif, qui aurait pour lui une grande importance –, ne pas travailler tel ou tel dimanche. Ce salarié, qui exprime ce souhait ponctuellement – j'insiste sur ce mot : ponctuellement – doit pouvoir bénéficier de ce droit. À défaut, vous comprenez bien qu'il sera beaucoup moins enclin à accepter de travailler le dimanche, et s'il l'a accepté, il pourrait vouloir revenir sur sa décision. Tout cela crée une mauvaise ambiance.

J'ajoute que le délai de six jours est très adapté. Il est raisonnable. M. le rapporteur ou M. le ministre peuvent bien sûr proposer un sous-amendement s'ils estiment qu'un délai de six jours n'est pas suffisant et qu'il devrait être, par exemple, de huit jours. Un sous-amendement serait acceptable, nous le voterions volontiers, mais nous ne comprenons pas qu'il y ait un avis défavorable sur cet amendement.

(L'amendement n° 257 n'est pas adopté.)

-->M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l'amendement n° 30 .

-->M. Roland Muzeau. Cet amendement précise que les dérogations au repos dominical ne peuvent concerner les apprentis de moins de dix-huit ans.

Vous prétendez que les empêcher de travailler le dimanche les lèserait dans leur formation, raison pour laquelle le législateur a prévu que « l'interdiction de travail le dimanche prévue à l'article L. 3132-3 n'est pas applicable aux apprentis âgés de moins de dix-huit ans employés dans les secteurs pour lesquels les caractéristiques particulières de l'activité le justifient et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'État. » Cette liste est longue, très longue : hôtellerie, restauration, cafés, tabacs, boulangerie, pâtisserie, boucherie, fleuriste, et tant d'autres encore.

On justifie également que ces apprentis aient une rémunération minimale inférieure au SMIC par leur moindre productivité.

Il convient, selon nous, de regarder de près la question, certes complexe, mais devant nécessairement être débattue, du statut des jeunes travailleurs. Ceux-ci, de par leur âge, mais aussi en raison de leur statut dans l'entreprise, devraient faire l'objet d'une attention et d'une protection plus particulières.

Qu'ils soient en CDD, en contrat aidé ou en contrat d'apprentissage, les salariés particulièrement vulnérables, les moins qualifiés, les moins payés, sont ceux à qui le supposé choix du travail du dimanche s'imposera le plus. C'est sur eux aussi que les contraintes de garde d'enfant, de transport, d'éloignement entre le lieu de travail et le domicile, pèseront le plus.

Cet amendement est donc aussi l'occasion de vous alerter, à nouveau, sur les risques de ce texte, principalement sur celui d'un renforcement des inégalités sociales entre « ceux qui peuvent consommer et ceux qui ne le peuvent pas et qui sont là pour servir les premiers », comme le souligne la sociologue Marie-Thérèse Letablier dans le dossier intitulé « Le repos dominical : le dernier rempart contre l'éclatement familial » du mensuel du Secours catholique.

Voilà pourquoi, chers collègues, nous vous proposons d'insérer, après l'alinéa 22, l'alinéa suivant : « Les dérogations au repos dominical ne peuvent concerner les apprentis de moins de dix-huit ans. »

(L'amendement n° 30 , repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

-->M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 31 .

-->Mme Martine Billard. Cet amendement propose d'insérer dans le texte l'alinéa suivant : « Les dérogations au repos dominical ne peuvent concerner les stagiaires en formation. »

Cela me semble important, même si les conditions de stage ont fait l'objet d'une petite avancée. Dorénavant, en effet, à partir de deux mois, la rémunération des stagiaires devra être d'au moins 300 euros par mois. Cela limite un peu l'utilisation abusive des stagiaires par un certain nombre d'entreprises, qui avait d'ailleurs été dénoncée par les stagiaires eux-mêmes. Ils s'étaient appelés, rappelez-vous, « Génération précaire ». Ils avaient d'ailleurs manifesté en portant des masques blancs, étant donné le risque qu'ils auraient couru, en manifestant à visage découvert, de voir leur stage immédiatement arrêté par leur employeur. À cet égard, l'adoption de la loi qui fait interdiction de cacher son visage posera un problème quand de tels salariés voudront manifester sans être reconnus par leurs employeurs.

Même si la situation a été un peu améliorée pour les stagiaires, ce progrès reste faible : dans certains secteurs, on continue à faire tourner les entreprises avec une proportion très importante de stagiaires, ce qui permet de ne pas avoir à embaucher des salariés payés au SMIC.

Dans ces conditions, il me semble important de souligner que les stagiaires n'auront pas le choix d'être volontaire ou non. Ils risqueront de perdre leur stage. Or vous savez que lorsqu'un jeune fait un stage dans une entreprise, il espère souvent être embauché par elle à l'issue de son stage. Il est donc évidemment plus malléable par rapport aux demandes de l'employeur.

Voilà pourquoi il est important d'exclure les stagiaires du travail dominical.

(L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

-->M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 123 , 128 et 130 .

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l'amendement n° 123

-->Mme Catherine Lemorton. Monsieur le rapporteur, il s'agit d'un amendement de bon sens. C'est encore une bouée de sauvetage que nous vous lançons, dans le naufrage du volontariat, tel qu'il est prévu par votre texte.

Nous n'avons pas la même notion du volontariat. Pour l'apprécier, il faut bien connaître le monde du travail. Je prendrai deux exemples de la dérégulation que vous voulez instaurer, depuis deux ans, dans les rapports qui régissent les employeurs et les salariés.

Premier exemple : il y a un an ; une loi a permis – M. Xavier Bertrand siégeait au banc du Gouvernement – aux entreprises qui avaient une activité continue, jour et nuit, de faire travailler leurs salariés quarante-huit heures par semaine, douze semaines d'affilée. J'ai entendu un collègue sur les bancs de la majorité dire qu'il n'avait absolument pas été touché aux trente-cinq heures. Pardonnez-moi, mais il me semble, au contraire, que l'on y a touché.

Deuxième exemple de la dérégulation et de l'inversion de la hiérarchie des normes dans l'entreprise : la fameuse rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée de gré à gré était en quelque sorte une préparation de ce qui allait se passer pendant la crise financière. C'était d'ailleurs bien vu ! Le 31 décembre 2008, le dispositif de rupture conventionnelle de gré à gré – qui laisserait accroire qu'il s'agit d'un accord à 50-50 entre l'employé et le salarié – avait été utilisé 1 700 fois sur notre territoire. Le 30 avril 2009, le chiffre a explosé. On est passé à plus de 60 000. Les directions départementales du travail vérifient évidemment à chaque fois qu'il ne s'agit pas d'un détournement du licenciement économique et certaines de ces ruptures conventionnelles sont effectivement refusées. Cependant, le dispositif est utilisé par certains employeurs pour contourner le dispositif du licenciement économique en pleine crise financière.

Vous voyez qu'il existe bien, dans le monde du travail, un lien de subordination entre l'employeur et l'employé.

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