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Intervention de Dominique Balmary

Réunion du 25 janvier 2011 à 16h30
Commission des affaires sociales

Dominique Balmary, président de l'UNIOPSS :

La question de la dépendance n'est pas tout à fait nouvelle pour l'UNIOPSS, puisqu'elle plaide depuis presque vingt ans pour la reconnaissance d'un risque couvrant à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées. Deux raisons à cela : d'une part, l'augmentation du nombre des personnes âgées et des personnes en perte d'autonomie, favorisée notamment par l'allongement de la durée de vie des personnes handicapées ; d'autre part, l'inégalité croissante de traitement social entre ces personnes, bien qu'elles rencontrent très souvent des difficultés tout à fait analogues, voire semblables. Cette inégalité tient à la fois à des disparités entre personnes âgées et personnes handicapées, du fait la barrière d'âge de 60 ans – barrière que la loi du 11 février 2005 a pourtant entendu, au moins dans son principe, supprimer –, et à des différences entre les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) suivant les départements.

La dépendance est bien un problème sociétal, comme l'avait indiqué le Président de la République lors de la campagne électorale de 2007. C'est un risque collectif, que la collectivité a commencé à prendre en charge au travers d'un certain nombre de prestations. Pour autant, on ne peut pas réduire le dossier à sa seule dimension financière. Que souhaitons-nous donc ?

Les adhérents de l'UNIOPSS, qui représentent à peu près 70 % du monde social associatif, sont nombreux à réclamer la création d'un droit universel à compensation de la perte d'autonomie, couvrant ce risque quel que soit l'âge et quelle que soit l'origine de cette perte d'autonomie. Cette compensation prendrait, selon la position prise dès octobre 2007 au conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), la forme d'une prestation unique.

L'UNIOPSS formule plusieurs demandes.

Premièrement, elle souhaite la suppression de la barrière d'âge de 60 ans, qui n'est plus pertinente, compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie et de la survenue de plus en plus tardive de la dépendance.

Deuxièmement, elle considère qu'il convient de garantir, autant qu'il est possible, le libre choix des intéressés entre le maintien à domicile ou l'accueil en établissement. Cela suppose de poursuivre nos efforts pour renforcer l'encadrement des établissements, qui n'a pas atteint le niveau prévu par les plans précédents, et l'appui aux aidants, dont le vivier est principalement constitué de femmes inactives de 50 à 64 ans.

Troisièmement, la prestation envisagée devrait couvrir l'intégralité des aides nécessaires : aide à la personne, aux tâches domestiques, à l'adaptation du cadre de vie, à la participation à la vie sociale, aide animalière, etc. Nous ne concevons pas cette compensation comme un simple concours financier, mais comme une réponse d'ensemble à une situation et à un projet de vie.

Quatrièmement, il faudrait que le financement se fasse majoritairement par le recours à la solidarité nationale, pour des raisons non seulement de principe, mais aussi pratiques.

D'une part, seule la solidarité nationale peut garantir l'égalité de traitement et la justice nécessaires à la mise en oeuvre d'une telle prestation. D'autre part – et c'est la conséquence logique de l'universalité du droit telle que nous la concevons –, la base de financement devra être aussi large que possible, en y incluant aussi bien les revenus du travail que ceux du capital, et concerner toutes les catégories socioprofessionnelles – et pas seulement les salariés, par le biais de la contribution de la solidarité autonomie, issue de la journée de solidarité. Enfin, le recours à l'assurance privée, qu'elle soit individuelle ou collective, ne saurait qu'être complémentaire : il convient d'éviter la personnalisation excessive du financement de la protection sociale, cette dernière étant aujourd'hui assise sur des fondements solidaires. Par ailleurs, au-delà de toute question de principe, si l'on décidait de recourir massivement aux assurances privées, il faudrait attendre longtemps avant que le secteur assurantiel ait engrangé un montant suffisant de cotisations ; d'ici là, qui d'autre que l'État ou la sécurité sociale pourrait assurer cette phase intermédiaire ?

Contrairement à ce que proposent certains rapports, il ne faudrait pas non plus limiter le public bénéficiaire de cette nouvelle prestation – nouspensons aux actuels bénéficiaires de l'APA en GIR4 (groupe iso-ressources), qui représentent à peu près la moitié des allocataires. Ce serait inacceptable pour le monde associatif et provoquerait inévitablement un glissement plus ou moins rapide vers des GIR 1 à 3, qu'il faudrait bien prendre en charge en toute hypothèse.

Par ailleurs, nous ne sommes pas très favorables au système de reprise sur succession, ni au droit d'option conduisant à moduler le montant de l'APA de l'intéressé selon qu'il aura opté ou non pour la reprise de succession. En tout état de cause, nous estimons que le seuil de 100 000 euros, qui correspond au niveau minimal du patrimoine permettant d'exercer ce droit d'option, est beaucoup trop faible pour être pertinent.

D'une façon générale, l'UNIOPSS n'est pas hostile à la mise en place d'un ticket modérateur, dès lors que les personnes dont les ressources seraient inférieures à un certain seuil pourraient en être exonérées.

Cinquièmement, enfin, nous demandons que le portage du niveau risque soit piloté par la CNSA, que sa mise en oeuvre soit assurée par les départements, et que ces derniers ne servent plus de variable d'ajustement comme c'est le cas aujourd'hui – en particulier pour l'APA. Nous tenons, en effet, à cette nouvelle forme de gouvernance de la protection sociale, laquelle nous paraît une évolution très heureuse dans la mesure où elle fait intervenir les corps intermédiaires du secteur social, notamment les collectivités territoriales et les associations de solidarité.

Monsieur le président, nous n'ignorons évidemment pas les contraintes, notamment financières, qui pèsent sur ce dossier et nous concevons que nos suggestions puissent ne pas se concrétiser rapidement.

Pour autant, plusieurs objectifs pourraient être poursuivis. D'abord, il faudrait remédier à court terme aux disparités des outils d'évaluation de la dépendance, d'une part, dans les collectivités territoriales et les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), et, d'autre part, dans les organismes d'assurance. Bien que très technique, cet aspect ne doit pas être négligé. Ensuite, il conviendrait de faire converger ce qu'il est d'ores et déjà possible de faire converger dans les domaines des transports et du logement, où les problèmes se posent de façon très équivalente aux personnes handicapées et aux personnes âgées. Enfin, il serait nécessaire de ménager les solidarités familiales, qui offrent un appui très puissant, notamment au secteur de la dépendance : les aidants méritent d'être davantage soutenus par la collectivité publique.

Même si, par extraordinaire, les pouvoirs publics ne pouvaient pas mettre rapidement en place la prestation globale que nous appelons de nos voeux, des mesures restent envisageables pour le moyen terme. Bien évidemment, il ne faudrait rien faire, dans le secteur de la dépendance des personnes âgées, qui risque de compromettre l'ouverture du régime au secteur du handicap. Plus fondamentalement, il serait bon qu'une loi cadre fixe des principes susceptibles d'inspirer la réforme de la dépendance pour les personnes âgées, ainsi que son ouverture aux personnes handicapées : cela constituerait, pour les pouvoirs publics, un engagement politique plus net que celui qui figure déjà dans la loi du 11 février 2005. Serait d'ores et déjà consacré le principe même de convergence des prestations et de suppression de la barrière d'âge de 60 ans – il s'agit du premier principe. De la même façon, la loi cadre pourrait prévoir que la future prestation serait construite à partir du besoin d'autonomie et du projet de vie de chacun – deuxième principe ; que la solidarité nationale aurait une place majoritaire dans le financement du régime – troisième principe ; que la gouvernance ferait appel aux collectivités territoriales et au monde associatif de la solidarité – quatrième principe. Ainsi, poserait-on la base d'une réforme d'ensemble qui, dans l'immédiat, toucherait le secteur de la dépendance des personnes âgées, mais qui, dans le futur, pourrait inspirer la mise en place de la convergence que nous appelons de nos voeux.

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