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Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Réunion du 26 janvier 2011 à 15h00
Lutte contre l'habitat indigne en outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la proposition de loi de Serge Letchimy revêt un intérêt difficilement contestable. Elle rappelle opportunément qu'existent toujours des zones d'habitat en état d'insalubrité chronique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, sans oublier Mayotte.

Pour illustrer mes propos, je citerai l'exemple de Trénelle-Citron, à Fort-De-France. En ce lieu vivent au moins 8 000 habitants, dans des maisons, pour la plupart sans espace vital environnant, accrochées au flanc d'un morne où le risque sismique est des plus élevés. Le hic supplémentaire, c'est que de très nombreuses familles ne possèdent aucun titre de propriété, leur demeure ayant été construite sur terrain d'autrui. Comment alors sortir de cette impasse, une de plus, de ce casse-tête, un de plus, si l'on n'a pas tous la volonté de rénover enfin en profondeur les quartiers concernés, ici et ailleurs ?

« Nécessité fait loi », dit un proverbe approprié. C'est ainsi que la proposition de loi suggère, pour l'instant – je prends cette précaution oratoire, pensant que les choses évolueront –, qu'en cas de démolition obligatoire, une indemnisation soit prévue pour perte de jouissance au profit des habitants sans droit ni titre au regard de la loi. Toutefois, il faut bien reconnaître que pour surmonter les difficultés dans lesquelles elles se trouvaient plongées, ces populations se sont débrouillées pour construire tant bien que mal un toit, besoin vital à satisfaire. Une telle indemnisation, ou toute autre aide, peut paraître surprenante car elle vise en fait à légaliser l'illicite et, par là même, les multiples accords tacites consentis à l'époque.

Mais devant un tel dilemme, peut-on faire autrement ? Va-t-on encore tergiverser en renvoyant aux Calendes grecques la recherche d'une solution à la fois juste et équitable, et surtout humaine ? Non, cette attitude n'est plus concevable ; elle serait plutôt coupable, au regard de la gravité de telles situations. Et, puisque cette proposition de loi a vocation à devenir loi opérationnelle, mieux vaut s'accorder un temps précieux s'il le faut – comme vous l'avez fait, madame la ministre –, pour parfaire les conditions de son approbation.

Tout travail bâclé irait à l'encontre du but recherché, à savoir soustraire des personnes à leur inhumaine condition de vie et d'hébergement. En ce sens, la proposition de loi s'impose à nous, quand bien même ses attendus sont parfois inattendus.

D'ailleurs, cette question cruciale n'intéresse pas seulement les quatre ou cinq territoires précités. La France est elle-même concernée. N'a-t-elle pas été récemment épinglée, dans ses rapports tumultueux avec l'Union européenne, sur des sujets plus ou moins apparentés ?

Cela dit, il convient de ne pas jouer à l'ingénu, au naïf. Les opérations envisagées vont s'étaler sur plusieurs années et devront mobiliser des fonds relativement importants, car la finalité est de mener à terme les rénovations promises de longue date, depuis un demi-siècle dans certains cas.

Tout plaide donc en faveur d'une régularisation intelligente et opportune, débarrassée de toute considération électoraliste.

Certains décasements prévus inquiètent les impécunieux. Insolvables aujourd'hui, ils le resteront après leur relogement dans le cas précis où ils auront à honorer un loyer qui dépasserait leurs moyens de subsistance.

Une telle question n'est pas marginale, d'où l'idée d'un recensement préalable des desiderata en vue d'étayer les solutions à retenir. Il faut trouver un accord par syllepse où le sens et le bon sens prédominent.

Cette procédure n'a rien d'original, me direz-vous. Encore faudrait-il se décider à la mettre en oeuvre de façon non parcimonieuse.

En outre, j'entends trop souvent dire et répéter que rien d'essentiel n'a été fait en cette matière. Si des opérations exemplaires ont été menées avec succès ailleurs qu'en Martinique, sans plus de précisions, on ne saurait nier qu'il y a eu des réalisations non moins exemplaires en Martinique aussi.

Face à la lenteur constatée de certains travaux qu'il faut amèrement regretter, il est écrit : « La deuxième problématique est, en dehors de l'habitat informel, celle de l'habitat indigne imposé dans les pays d'outre-mer. » Imposé par qui, alors que dans certaines contrées des parcelles vulnérables sont encore données en fermant l'oeil ?

S'il est vrai que nous ne sommes pas tous des bâtisseurs de paradis, nous ne sommes pas pour autant des lucifers constructeurs d'enfers.

En conclusion, au-delà de l'imbroglio juridique, de la profusion des textes, des procédures absconses, de l'inextricable complexité des dossiers, de l'inconstitutionnalité soulevée, il faut se rendre à l'évidence qu'en ce domaine si préoccupant, intention pertinente n'a pas toujours rimé avec action déterminante.

Pour bien mesurer l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir, retenons que, pour la seule Martinique, la demande de logements sociaux en instance se situe actuellement à 12 000, alors que le niveau de production atteint seulement 200 à 300 par an. Ajoutez-y le fait que le foncier est devenu une denrée rare.

Tenant compte de tous ces paramètres, quelques principes élémentaires doivent guider nos démarches : il faut innover pour rénover ; il faut habiliter pour réhabiliter ; il faut différencier pour adapter.

Je voterai donc pour la proposition de loi du collègue Serge Letchimy dans l'espoir d'un engagement ferme à tenir, pour la résorption des zones d'habitat humainement insoutenables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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