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Intervention de Huguette Bello

Réunion du 26 janvier 2011 à 15h00
Lutte contre l'habitat indigne en outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, destinée à lutter contre l'habitat indigne dans les régions d'outre-mer, cette proposition de loi vise surtout à donner un socle juridique à des pratiques élaborées au fil des années sur le terrain qui ont été soumises à l'épreuve des faits. Ces modes de faire sont largement issus des adaptations que les acteurs locaux ont dû apporter à des textes législatifs qui n'étaient pas forcément en adéquation avec la réalité du logement insalubre dans nos régions.

C'est ainsi que le droit à l'indemnisation – ou, plutôt, si j'en crois les toutes dernières évolutions du texte, l'aide financière – prévu à la première section du texte pour les personnes ayant édifié des constructions d'habitation sans droit ni titre de propriété renvoie à une pratique déjà ancienne, largement en cours dans les opérations de réhabilitation de l'habitat insalubre. Il est bienvenu que la loi vienne clarifier ces usages.

De même, l'article 8, qui prévoit d'instituer un périmètre insalubre à contenu adapté, est-il la généralisation et la reconnaissance juridique d'une pratique en cours à la Réunion, selon laquelle, dans un projet de réhabilitation, les constructions sont traitées en fonction de leur état réel et ne sont pas toutes considérées comme insalubres.

Nous saluons par ailleurs l'innovation contenue dans l'article 7, qui introduit la notion d'habitat informel dans la loi Besson de 1990. Les outils prévus pour lutter contre l'habitat indigne pourront désormais être mis au service des quartiers d'habitat informel, notamment le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.

Ces avancées juridiques devraient conforter les pratiques en cours à la Réunion, où les intervenants, qu'il s'agisse des opérateurs, de l'administration ou des élus, ont toujours eu le souci d'un urbanisme opérationnel, et n'ont pas hésité à innover pour lancer et mener à bien des opérations de résorption de l'habitat insalubre.

Du fait de cette politique volontariste, les grandes opérations de résorption de l'habitat insalubre ont été lancées dans les années 80 et, pour l'essentiel, menées à bien. Le deuxième inventaire réalisé par l'agence d'urbanisme de la Réunion, l'Agorah, fournit un tableau de la réalité d'aujourd'hui. En dix ans, le nombre de logements insalubres aurait diminué et serait passé de 22 500 à 16 235. Il s'agirait davantage à présent d'une insalubrité diffuse, plus rurale, et localisée dans les Hauts. Enfin, 89 % de ces logements se situeraient sur des terrains privés.

L'habitat insalubre, on le voit, ne présente pas des caractéristiques communes dans l'ensemble de l'outre-mer : aux Antilles, par exemple, ce sont surtout les terrains publics qui sont concernés. Il est donc nécessaire, pour continuer à lutter contre l'habitat insalubre, que le texte que nous adopterons tienne compte des situations de chacune de nos régions. En effet, selon qu'elle est groupée ou diffuse, rurale ou urbaine, l'insalubrité ne requiert pas les mêmes solutions.

À Saint-Paul, qui compte environ 2 500 logements insalubres, le plan communal de résorption de l'habitat insalubre en a localisé 2 000 en zone agricole ou naturelle. Il s'agit le plus souvent d'un habitat issu directement de l'histoire du peuplement de la Réunion, notamment de l'engagisme et du mode d'exploitation du colonat partiaire. Constituant des hameaux comptant entre cinq et plusieurs dizaines de logements, ces constructions occupent des surfaces qui peuvent aller jusqu'à plusieurs dizaines d'hectares. Les habitants n'y ont aucun titre foncier et ne peuvent ni rénover ni agrandir leur logement.

La commune souhaite évidemment traiter ces poches d'insalubrité et améliorer les conditions de logement des familles qui y vivent, ce qui, dans ce cas, passe par une structuration assortie d'une densification relative des hameaux, grâce à de nouvelles constructions dans ce que l'on appelle les « dents creuses », pour reprendre une image des urbanistes.

Mais, pour cela, il est nécessaire de classer les secteurs concernés en zone naturelle bâtie, comme le permet d'ailleurs l'article 19 du Grenelle 2. Un classement en zone urbaine ou à urbaniser exigerait en effet des investissements très lourds et difficilement envisageables. De plus, prendre en compte l'habitat existant suppose que ces zones ne soient pas comptabilisées comme des extensions urbaines.

Autre difficulté particulière que nous souhaitons voir rapidement résolue : celle créée par les cas d'indivision ou de succession non réglée.

Avec le manque crucial du nombre de logements sociaux, ce sont là les principales causes du renouvellement continu de l'habitat insalubre. Rappelons que, désormais, à la Réunion, à peine plus de 10 % des logements insalubres se situent sur des parcelles publiques. Les solutions nous seront-elles apportées par le GIP en voie de création ? Si ce n'est pas le cas, cet aspect du problème mériterait d'être abordé dans le texte.

La maîtrise du foncier est un préalable incontournable à toute opération d'aménagement. Nous soutenons ce texte, qui propose des solutions aux impasses juridiques actuelles. Toutefois, lorsque l'on considère la situation des finances des collectivités locales, madame la ministre, on comprend que la question de l'habitat indigne risque de ne pas être résolue pour autant. Certaines communes ont déjà des difficultés pour assurer l'équilibre financier des opérations de RHI. Le gel des dotations de l'État aux collectivités ne va certainement pas arranger les choses.

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