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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 26 janvier 2011 à 15h00
Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à mettre fin à ce qui constitue à la fois un anachronisme et une discrimination incompatible avec les principes de notre République. Les gens du voyage qui, comme tous les citoyens français, peuvent circuler partout en Europe avec un passeport, ne peuvent pas le faire librement dans leur propre pays, puisqu'ils doivent détenir un livret de circulation ou un carnet de circulation.

La loi du 3 janvier 1969, toujours en vigueur, exige en effet de toute personne ayant une résidence mobile la possession, soit d'un livret de circulation si elle dispose de ressources régulières, soit d'un carnet de circulation si elle n'a pas de ressources régulières. Il s'agit de la seule catégorie de citoyens français pour laquelle la possession d'une carte d'identité ne suffit pas pour être en règle.

La HALDE a souligné, dans sa délibération de décembre 2007, que cette loi était contraire à la Convention européenne des droits de l'homme qui, dans son article 14, interdit toute discrimination dans le droit de circuler ou de choisir sa résidence. Comment refuser à des citoyens français ce droit fondamental inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.

À cette atteinte à la liberté de circulation s'ajoute une discrimination en matière de droits civiques : les gens du voyage doivent avoir été rattachés trois ans à la même commune pour pouvoir y exercer un droit de vote, alors qu'une personne sans domicile fixe peut exercer ce droit au bout de six mois.

Je me tourne vers nos collègues de la majorité – ils ne sont pas très nombreux ! – dont je sais que beaucoup partagent notre point de vue sur cette loi de 1969 mais qui nous ont dit, en commission, qu'il était urgent d'attendre. Il faut attendre, en effet, le rapport de la mission sur l'accueil et l'adaptation des gens du voyage. Outre que cette mission aurait dû déjà remettre son rapport en décembre, il n'y a pas de lien direct entre ses travaux, qui portent principalement sur les aires d'accueil, et le sujet dont nous parlons.

Nous avons déjà entendu ce discours – « il est urgent d'attendre » – il y a un peu moins d'un an lorsque nous avons présenté une proposition de loi pour imposer la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue. Depuis, le Conseil constitutionnel a obligé le Gouvernement à légiférer et, la semaine dernière, nous avons examiné ici un projet de loi dont l'un des articles reprenait précisément ce que vous aviez refusé il y a moins de un an. La même chose pourrait se produire en ce qui concerne les discriminations dont sont victimes les gens du voyage.

Maintenant que le dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité existe, il est évident que, tant au regard du droit de circuler librement qu'au regard du droit de vote, les dispositions de la loi de 1969 sont appelées à être déclarées inconstitutionnelles.

En abrogeant la loi du 3 janvier 1969, on ne créerait aucun vide juridique, puisqu'on remplacerait le système du rattachement par celui de l'élection de domicile déjà en vigueur. Quant à la question de l'accès aux aires d'accueil, elle pourrait très simplement être réglée par l'adhésion volontaire à une association dont je salue les représentants qui sont dans ces tribunes.

Avant de conclure, je voudrais saluer aussi la mémoire d'une adjointe au maire de Lyon, Guylaine Gouzou-Testud, membre du groupe Europe Écologie et militante inlassable de la lutte contre toutes les formes de discrimination, dont les obsèques ont lieu en ce moment même à Lyon.

Les représentants des associations nous ont rappelé tout à l'heure que beaucoup des gens du voyage étaient français depuis le xve siècle. Être français, c'est d'abord assumer l'héritage d'une nation métissée, qui se veut indivisible, d'une République qui accueille, éduque, rassemble, sans distinction de race, d'origine, de couleur, de religion ou de mode de vie.

Les gens du voyage ne demandent ni passe-droit ni discrimination positive. Ils demandent simplement le droit à l'indifférence, c'est-à-dire le droit de ne plus être considérés comme des étrangers dans leur propre pays. Ils demandent à être des citoyens ordinaires, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.

C'est le sens de cette proposition de loi, et notre assemblée s'honorerait à abroger dès maintenant une loi contraire aux principes de notre République, plutôt que d'attendre une censure du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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