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Intervention de Arnold Munnich

Réunion du 19 janvier 2011 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Arnold Munnich, pédiatre généticien, professeur de médecine, conseiller à la présidence de la République :

Je suis heureux d'intervenir devant votre commission spéciale. La bioéthique est un sujet qui passionne tous nos concitoyens, indépendamment de leur milieu socio-économique, leur culture ou leur religion. Je le constate quotidiennement en tant que praticien aux côtés des patients et des familles.

Le travail de concertation préalable à l'élaboration du projet de loi de révision a été d'une très grande qualité et a suscité un très vif intérêt. Les rapports remis par le Comité consultatif national d'éthique, le Conseil d'État, l'Agence de la biomédecine, la mission d'information parlementaire que vous avez conduite, de même que les États généraux de la bioéthique n'ont pas laissé l'opinion indifférente.

Si vous en êtes d'accord, je ne traiterai pas du transfert d'embryon post mortem ni de la gestation pour autrui.

Pour ce qui est des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, le maintien du régime actuel d'interdiction assortie de dérogations n'est aucunement préjudiciable à la recherche, ni cognitive ni thérapeutique. L'Agence de la biomédecine pourra désormais autoriser les protocoles de recherche à visée « médicale », et non plus seulement « thérapeutique », puisque la loi va être modifiée en ce sens, ce dont il faut se féliciter car on ne peut subordonner une recherche à ses seules applications. Par ailleurs, les recherches sur les cellules iPS ouvrent de nouvelles perspectives, apportant déjà beaucoup de réponses. Le chercheur que je suis ne voit que des avantages au maintien du principe d'interdiction des recherches sur l'embryon, assorti de dérogations pour des projets ayant reçu l'aval de l'Agence de la biomédecine. Pour avoir siégé durant cinq ans au conseil d'orientation de l'Agence, je puis témoigner que le dispositif actuel n'a jamais entravé l'essor des connaissances, fondamentales ni thérapeutiques.

Je me félicite que l'article 19 du projet de loi permette la mise en oeuvre de nouveaux procédés biologiques dans le domaine de l'AMP, comme la vitrification des ovocytes. D'une part, cette technique permettra de limiter le nombre d'embryons surnuméraires congelés. D'autre part, il est bon d'améliorer encore les techniques d'AMP, de façon à pouvoir conserver dans de bonnes conditions les ovocytes ou le tissu ovarien de femmes jeunes, de plus en plus nombreuses à être confrontées à la stérilité, du fait de malformations de l'utérus comme dans le cas du syndrome de Rokistanski Kuster Hauser, d'un cancer de l'utérus, dont il semble qu'une véritable épidémie se propage, ou d'un traitement anti-cancéreux visant n'importe quel organe mais susceptible de porter atteinte à leur fertilité. Rien ne justifie la prudence de la loi française sur ce point dès lors qu'il y a bien un projet d'enfant à la clé. La vitrification d'ovocytes est d'ailleurs autorisée dans les autres pays européens.

Le don croisé d'organes entre vivants, que l'on s'apprête à autoriser – il l'est déjà dans de nombreux pays européens – ne pose pas de problème particulier. Souhaitée par les professionnels, cette pratique permettra de réaliser davantage de greffes. Il faut simplement veiller à éviter les risques de pression sur les donneurs : le projet de loi comporte sur ce point toutes les garanties.

S'agissant du don de gamètes, je ne suis pas favorable à la levée de l'anonymat, à l'instar de nombreux professionnels qui considèrent qu'elle serait de nature à décourager les donneurs potentiels.

Il est bon que l'article 20 du projet de loi à la fois rappelle que le recours à l'AMP est réservé aux couples dont la stérilité est d'origine médicale et l'élargisse aux couples composés d'un homme et d'une femme, liés par un pacte civil de solidarité.

La question de l'information de la parentèle en cas de grave anomalie génétique n'est pas réglée. Il y a un véritable problème quand des personnes refusent d'en informer d'elles-mêmes leurs apparentés. Le respect du secret médical interdit d'aller au-devant des proches concernés en même temps que la prise en compte de leur intérêt exigerait de les informer en cas de maladie génétique pour laquelle existent des mesures de prévention ou des soins. Il n'existe pas de solution idéale dès lors que la protection de la vie privée l'emporte sur l'obligation d'assistance à personne en danger. Le dispositif d'information de la parentèle par le médecin généticien me paraît avoir été poussé le plus loin possible et je crois pas qu'on puisse faire davantage, à charge pour le généticien de trouver les voies et moyens d'informer la parentèle dans le respect de l'esprit de la loi.

Enfin, je me félicite que le titre III du projet de loi renforce l'encadrement des diagnostics pré-implantatoires et prénataux (DPI et DPN), mentionne expressément les échographies foetales parmi les techniques ayant pour but de détecter une affection grave du foetus et les encadre également. En même temps que sera recueilli le consentement des couples aux examens, on leur fera signer un formulaire précisant que l'absence d'anomalie détectée ne permet pas d'affirmer en toute rigueur que le foetus est indemne de toute affection. Cette disposition était très demandée par les professionnels afin de limiter la judiciarisation d'éventuelles erreurs d'interprétation.

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