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Intervention de Pierre Jouannet

Réunion du 19 janvier 2011 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pierre Jouannet, biologiste de la reproduction, membre de l'Académie nationale de médecine :

Loin de moi l'idée de nier la spécificité de la recherche sur l'embryon, dont je suis le premier à penser qu'elle doit être strictement encadrée. J'observe simplement que si les recherches sur les cellules souches embryonnaires sont aujourd'hui beaucoup plus développées, c'est qu'elles présentent davantage d'intérêts économiques. Les chercheurs sont nombreux à espérer trouver des traitements à certaines maladies, notamment neuro-dégénératives, comme la maladie d'Alzheimer ou la chorée de Huntington. Mais qui se soucie des embryons ? Or ces embryons sont dans une situation dramatique.

D'après le rapport annuel de l'Agence de la biomédecine de 2007, cette année-là plus de 240 000 embryons ont été créés dans les laboratoires de FIV en France, sur lesquels 85 000 ont été implantés, 12 000 seulement ayant donné lieu à la naissance d'un enfant – il serait d'ailleurs intéressant de comprendre pourquoi si peu d'entre eux, bien qu'ayant été choisis comme ceux ayant les meilleures chances de développement, se sont normalement développés in utero –, 66 000 ont été congelés et 89 000 ont tout simplement été détruits dès les premiers jours de leur existence. Dans le stock de 150 000 embryons congelés existant fin 2007 en France, 46 000 ne faisaient plus l'objet d'un projet parental. Pour autant, seuls 11 000 avaient été donnés par les couples pour des projets de recherche. C'est dire que la plupart d'entre eux étaient voués à la destruction, les couples pour lesquels ils avaient été conçus n'ayant pas formulé d'autre souhait. Chaque année en France, des dizaines et des dizaines de milliers d'embryons n'ont ainsi d'autre destin que l'arrêt de leur développement. On n'a pourtant pas le droit, par principe, de rechercher pourquoi certains d'entre eux sont malformés et ne se développent pas, ni comment améliorer leur culture pour permettre qu'ils deviennent des enfants en bonne santé. Si leur culture était mieux maîtrisée, cela permettrait pourtant un jour d'avoir à en créer moins.

J'ai parfois l'impression qu'on a la même attitude en ce domaine qu'au Moyen-Âge où l'autopsie était interdite. On a mis du temps à convenir qu'il pouvait être utile d'autopsier un corps pour comprendre les raisons de la mort et faire progresser la science médicale. Aujourd'hui, nous n'avons pas le droit « d'autopsier » un embryon de trois jours, au nom de la protection de la vie. Ces recherches sur l'embryon précoce seraient pourtant du plus haut intérêt au profit de l'embryon lui-même. Elles sont indispensables pour mieux comprendre et maîtriser le développement embryonnaire. Nous disposons également d'indices laissant à penser que certaines modifications métaboliques intervenant aux tout premiers stades du développement embryonnaire pourraient expliquer certaines pathologies de l'adulte. Il y aurait donc beaucoup de recherches à mener sur l'embryon et je regrette qu'elles soient par principe interdites.

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