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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 20 janvier 2011 à 9h30
Garde à vue — Article 7, amendement 182

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Les dispositions dont nous demandons la suppression à travers cet amendement rendent possible une garde à vue sans avocat.

Elles sont donc contraires aux décisions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, ainsi qu'aux arrêts successifs rendus par la CEDH. Maintenir ces dispositions reviendrait en fait à compromettre la validation du texte par le juge constitutionnel. Cela expose également la France à de nouvelles condamnations.

La dérogation empêche l'application de l'avancée principale du texte. Elle donne au procureur de la République, qui est partie poursuivante, le pouvoir de handicaper l'autre partie en la privant de la possibilité de se défendre pendant la moitié de la garde à vue. Cette disposition est totalement contraire aux différents arrêts rendus par la CEDH contre la France. Elle est également contraire aux arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 19 octobre 2010, qui insistaient notamment sur le fait que les régimes dérogatoires ne doivent pas faire obstacle à la présence de l'avocat.

Il s'agit, en outre, d'une disposition inutile, parce que les OPJ et le procureur, en bonne intelligence, décident du moment du placement en garde à vue du suspect – hors cas de flagrance –, et ce en fonction des éléments recueillis au cours de l'enquête préliminaire. Les justifications mentionnées tombent donc d'elles-mêmes.

Si la garde à vue est susceptible d'entraver le « bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves », ou d'empêcher de « prévenir une atteinte imminente aux personnes », il suffit aux policiers de reporter le prononcé de la mesure.

De plus, insinuer que la présence d'un avocat au cours des douze premières heures de garde à vue pourrait entraver l'enquête, empêcher le recueil ou la conservation des preuves, ou bien permettre une atteinte aux personnes est lourd de sens quant à la vision gouvernementale de ceux qui sont chargés de défendre leurs clients !

La profession d'avocat est régie par des règles de déontologie précises. Je rappelle que les avocats sont liés par un serment et dotés d'instances ordinales. Le fait de permettre à la personne privée de liberté d'être assistée d'un avocat n'est pas de nature à empêcher les policiers de poursuivre leur enquête.

Par ailleurs, le texte dispose que le procureur pourra décider que l'avocat n'a pas accès aux procès-verbaux d'audition de son client. Cette mesure est totalement injustifiée et semble n'avoir d'autre but que d'empêcher les personnes gardées à vue de bénéficier d'une défense efficace et d'une procédure équitable.

Enfin, l'alinéa 8 autorise tout simplement les gardes à vue sans avocat dans le cas des délits et crimes punis d'au moins cinq ans de prison. Je rappelle que le simple fait, pour un collégien, de faire un croche-pied à un camarade de classe peut être passible de cinq ans d'emprisonnement car il s'agit d'un acte de violence volontaire sans incapacité totale de travail et d'un délit dont la victime est un mineur de quinze ans, commis à proximité d'un établissement d'enseignement.

La logique selon laquelle la gravité du délit justifierait d'affaiblir la défense de la personne mise en cause va à l'encontre de l'idée même de justice. Les personnes qui encourent des peines lourdes doivent au contraire bénéficier des meilleures garanties de défense et d'un procès équitable. C'est du moins la règle qui doit prévaloir dans un État de droit.

Pour toutes ces raisons, il est particulièrement important d'adopter cet amendement visant à supprimer les alinéas 6 à 8.

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