Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Mercier

Réunion du 19 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Discussion générale

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

L'avocat sera au service de son client et de la vérité, comme toujours.

Je répète donc qu'il ne faut pas entrer à reculons dans cette réforme, mais avec volonté et détermination parce que c'est une bonne réforme. Je veux le répéter à ceux qui peuvent légitimement avoir des craintes, notamment aux officiers de police judiciaire, qu'ils soient policiers ou gendarmes : comme M. Perben, Mme Guigou et d'autres l'ont très bien dit, le fait qu'un avocat soit présent auprès d'une personne entendue dans le cadre de la garde à vue et soupçonnée d'avoir commis telle ou telle infraction, va changer les choses. L'officier de police continuera de mener son interrogatoire : c'est son rôle, nous ne changeons rien sur ce point.

Il doit pouvoir mener son enquête, mais celle-ci comme son résultat seront confortés par la présence de l'avocat. Que l'avocat défende son client, c'est nécessaire. Si, au bout de la garde à vue, le procès-verbal récapitulatif démontre que la personne sur laquelle pesaient des soupçons doit être déférée à la justice, il est bien évident que le résultat de ces interrogatoires aura une valeur bien supérieure à celui qu'il pouvait avoir jusqu'alors, justement parce que l'avocat aura été présent. C'est ainsi qu'il faut voir les choses ; Dominique Perben l'a naturellement mieux dit que je ne le fais cet après-midi, mais c'est une des dimensions essentielles du texte. C'est en tout cas ainsi qu'il faut le comprendre – sinon ce serait un grave échec pour nous tous.

Il y aura donc un avocat présent lors de la garde à vue, le directeur de l'enquête restant l'officier de police judiciaire. Le défenseur pourra poser des questions, faire des observations, accéder aux procès-verbaux ; bref, il fera son métier. Naturellement, chaque fois qu'il y aura une confrontation, la victime elle aussi pourra être assistée d'un avocat, en application tout simplement du principe de l'égalité entre les parties. Je suis sûr que tous ceux qui soutiennent la présence des avocats sont également soucieux de respecter ce principe ; ou alors, cela ne marcherait pas…

Venons-en à la question des moyens. Cette réforme va coûter, et coûter cher, c'est évident. Ne pas le reconnaître ou ne pas le dire serait mentir. Nous allons devoir travailler avec les avocats pour négocier avec eux les systèmes et les modalités de rémunération. La question est simple : doit-on les payer simplement à l'acte, ou faut-il qu'une partie de la rémunération soit versée au barreau pour leurs frais d'organisation, et l'autre partie payée à l'acte ? Nous avons déjà entamé des discussions sur ce sujet avec les représentants des avocats et nous les intensifierons dans les jours qui viennent, après la première lecture devant l'Assemblée nationale. Mais si une réserve est d'ores et déjà prévue dans le budget pour financer la partie concernée de l'année 2011, il faudra trouver des ressources budgétaires pérennes à partir de 2012 pour assurer le bon fonctionnement de cette réforme, que l'on ne peut imaginer sans financement clairement défini. Cette question devra être traitée dans le cadre de la prochaine loi de finances, comme le prévoit la LOLF.

Restent quelques points de détail. Le Gouvernement croit indispensable de prévoir des régimes dérogatoires. On ne peut pas rester désarmé face à certains types de criminalité, notamment la grande criminalité, les stupéfiants, le terrorisme ; il faut donc prévoir des régimes spéciaux. C'est une nécessité, MM. Gosselin, Ciotti, Estrosi et Bodin l'ont rappelé. Nous étions arrivés à un bon équilibre avec les lois Perben ; il nous appartiendra de le préserver dans ce texte, tout en nous appuyant sur les modifications exigées par la jurisprudence tant de la Cour de cassation que de la Cour européenne des droits de l'homme.

Beaucoup de choses ont été dites sur les causes de l'augmentation du nombre des gardes à vue. Pour certains, ce serait uniquement lié à une certaine façon de travailler des services de police et de justice ; pour d'autres, ce serait à cause de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui exige de mettre en garde à vue toute personne sur laquelle pèsent un certain nombre de soupçons afin qu'elle puisse bénéficier des droits accordés dans le cadre de la garde à vue. C'est là une discussion certes extrêmement intéressante, mais finalement un peu vaine dans la mesure où il s'agit de changer le régime de la garde à vue. On peut évidemment faire de l'histoire du droit, et je m'incline bien volontiers devant la science de M. Goasguen dans ce domaine…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion