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Intervention de Arlette Grosskost

Réunion du 19 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArlette Grosskost :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet que nous allons examiner constitue une véritable avancée, qui est positive dans la mesure où l'on a trouvé un juste équilibre entre les droits de la défense et la prise en considération de la victime.

La réforme de la garde à vue a été le feuilleton de l'année 2010 en matière judiciaire, avec ses multiples rebondissements, la teneur du texte étant modifiée au gré des décisions successives des grandes cours. Modestement, je croyais que c'était encore au législateur de faire le droit !

Pour autant, il ne s'agit pas de verser dans la précipitation et l'anticipation systématique. L'urgence n'est pas la solution : elle l'est d'autant moins que ce chantier vaut la peine d'être considéré dans son intégralité.

Dès le mois de mars 2010, l'objectif était simple, il fallait baisser le nombre de gardes à vue, qui augmentait de façon exponentielle, signe d'une carence dans notre système judiciaire. Alors que, en 2009, il y a eu presque 800 000 gardes à vue, la chancellerie souhaitait retenir comme hypothèse le nombre de 500 000.

Les objectifs de la réforme ont évolué avec la jurisprudence, mais l'urgence a été déclarée par la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 imposant une réforme au 1er juillet, contrainte calendaire qui sera reprise par les autres cours.

Alors que l'on s'éloigne de l'objectif initial de baisser le nombre de gardes à vue, le texte place désormais au premier plan le renforcement des droits des personnes mises en cause, la préservation des capacités d'enquête des forces de l'ordre et le respect des droits des victimes.

Cette réforme constitue un progrès incontestable pour nos concitoyens, mais elle devra faire face à de nombreuses contraintes, la disponibilité des avocats et le financement de la réforme étant des questions centrales. C'est peut-être très terre à terre, mais c'est ce dont parlait également l'orateur qui m'a précédée.

Les avocats arriveront-ils à assurer une présence sur tout le territoire et dans les meilleurs délais ?

Nous nous félicitons de l'adoption par la commission de l'amendement prévoyant un délai de carence de deux heures. Cette évolution du texte va dans le bon sens, car elle évacue les craintes formulées par les OPJ. Cela évitera que les auditions ne soient bloquées par des contraintes géographiques ou l'organisation des barreaux.

La question des magistrats en charge du contrôle et de la prolongation des gardes à vue est également soulevée et sujette à interrogations multiples. Seront-ils assez nombreux pour assumer les nouvelles fonctions qui leur incombent ? La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme rappelle que le contrôle doit être effectif, ce qui nécessiterait de renforcer les permanences la nuit et les week-ends. Est-ce envisageable en l'état, techniquement, matériellement, humainement ?

Mes chers collègues, j'espère que ce texte sera examiné avec intelligence et dans l'intérêt de tous. Pour cela, j'appelle votre intention sur les dérives interprétatives qui ont été proposées à la suite de l'arrêt Moulin et ont conduit à placer la garde à vue sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, alors même que le contrôle exercé actuellement par le procureur est reconnu par le Conseil constitutionnel depuis 1993 et a été confirmé par une décision de la Cour de cassation le 15 décembre 2010.

La garde à vue n'est pas une procédure judiciaire, c'est une procédure d'enquête. Il faut dissocier la gestion et le contrôle et refuser une direction bicéphale de l'enquête. Cela ne peut qu'entraîner une complexité matérielle. Dans les faits, cela ne fera qu'alourdir les procédures et gêner le travail des OPJ.

Il faut une unité de direction. On ne peut pas avoir trois parties, policiers, magistrats du parquet et du siège.

Outre les contraintes en matière de ressources humaines, pour appliquer cette réforme dans les meilleures conditions, la question du financement est également à prendre en considération. Il faudra adapter les locaux de la police et de la gendarmerie, et financer la croissance inévitable des demandes d'aide juridictionnelle.

Selon l'étude d'impact présentée dans le projet de loi, la réforme nous coûtera environ 100 millions d'euros : l'aménagement des locaux de garde à vue, permettant d'équiper la police et la gendarmerie de salles réservées aux avocats, est évalué à 21,48 millions d'euros, l'aménagement de salles équipées pour la visioconférence à 27 millions d'euros et, pour le financement de l'aide juridictionnelle, il faut entre 44,5 et 65,8 millions d'euros.

Sur le fond, le texte reste perfectible, et c'est à ce titre que, avec nombre de mes collègues, et notamment Philippe Goujon, nous nous sommes permis d'appuyer certains points.

Les rôles des officiers de police judiciaire et des avocats dans la procédure de garde à vue doivent être bien définis. Parce que les taux d'élucidation sont toujours plus élevés, nous devons conserver cette dynamique et laisser aux OPJ l'exercice de la police de l'audition, tout en laissant à l'avocat la possibilité d'assister son client. C'est pourquoi nous proposons que l'avocat puisse intervenir à la fin de l'audition pour y présenter, dans un délai limité, des observations orales.

En ce qui concerne les droits de la victime, il nous paraît essentiel que cette dernière soit expressément informée de son droit à un avocat. Ce droit ne doit pas être considéré comme une simple éventualité, il doit lui être notifié, dans un souci d'égalité et de sécurité juridique.

Je voterai ce texte parce qu'il renforce les droits de tous les citoyens, mis en cause et victimes, mais je ne peux m'empêcher de déplorer qu'il ait été élaboré dans l'urgence, alors qu'une réforme en profondeur de la procédure pénale est indispensable pour une mise en conformité totale de notre système judiciaire avec les exigences du droit et le respect de nos valeurs démocratiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

1 commentaire :

Le 23/12/2011 à 14:05, DUFFAU Philippe (Conseiller municipal et communautaire M2A) a dit :

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Lors d'un bilan sécurité sur Wittenheim, il est apparu que les gardes à vue ont baissé de 50% en raison de la paparasserie à renseigner et du manque d'avocats. Conclusion: une réforme renforçant le droit des personnes arrêtées, présumées innocentes,réforme légitime en démocratie mais difficilement applicable par manque de moyens humains.

Philippe DUFFAU, conseiller municipal et communautaire M2A

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