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Intervention de Jacques Rupnik

Réunion du 12 janvier 2011 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Jacques Rupnik :

Ce qu'il y a de troublant autour du rapport Marty, c'est qu'il n'apporte pas de preuves et se contente d'allégations. Je suis étonné que Carla del Ponte, dont le livre est à l'origine du travail de M. Marty, n'a rien fait sur cette question lorsqu'elle était procureur du Tribunal Pénal pour l'ex-Yougoslavie. Elle n'a évoqué ce sujet que brièvement dans ses mémoires. On ne sait rien pour le moment, qui ait été vérifié ; le rapport se fie à des allégations souvent entendues à Belgrade , reprises par des journalistes, mais qui mériteraient d'abord une véritable enquête.

Cela étant, s'il n'y a pas de preuve, il y a en revanche un calendrier : on peut se demander pourquoi ce rapport a été publié le lendemain des élections et pas avant. Il sert d'une part à délégitimer les vainqueurs des élections mais aussi à torpiller les futures négociations avec Belgrade où personne n'ira évidemment négocier avec ceux qui ont peut-être du sang sur les mains.

Enfin, sur la question de la Grande Albanie, il faut avoir conscience que quasiment personne dans la classe politique ne la souhaite. Une partie de l'opinion publique kosovare serait sans doute favorable, car le Kosovo n'est pas encore un Etat, et ce pourrait apparaître comme la meilleure option pour adhérer à l'Europe. Mais les élites kosovares ne le souhaitent en aucune manière : elles se considèrent comme le Piémont de la nation albanaise et n'ont aucune envie d'être sous les ordres de Tirana. Elles préfèrent « leur » Etat kosovar sans fusion avec l'Albanie. En d'autres termes, le fait d'avoir un Kosovo indépendant désamorce plutôt le risque et la perspective d'une Grande Albanie.

Quelles sont les alternatives ? Un retour dans le giron de la Serbie ? Personne n'y songe même en Serbie : une reconquête exigerait une nouvelle guerre et ce n'est pas possible. Un protectorat comme celui en place depuis 1999 ? Mais s'il se perpétue sans transfert de pouvoirs au profit du peuple, c'est du néocolonialisme et il faut alors le dire. Une partition ? Certains Serbes l'envisagent, avec un échange de territoires à la clef. L'Union européenne refuse ce type de solution qui revient à soutenir l'idée d'une partition ethnique, sachant aussi que cela entraînerait des problèmes pour d'autres, la Macédoine, notamment. En d'autres termes, on est aujourd'hui dans la moins mauvaise des options avec Eulex qui aide à la construction d'un Etat de droit au Kosovo. Car pour construire un Etat de droit il faut savoir l'Etat que l'on construit.

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