Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 12 janvier 2011 à 10h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général :

Ce sujet est un peu compliqué car nous sommes dans une sorte d'écosystème financier, avec de multiples points d'entrée et de subtils équilibres à trouver sur cette question de centralisation. Je m'attacherai pour ma part à poser quelques questions simples, en partant de l'idée que nous sommes tous ici davantage sensibles aux emplois d'utilité collective qu'au financement de l'économie « marchande », pour employer un terme cher à notre collègue Jean-Michel Fourgous.

Je me demande en premier lieu si la garantie introduite par la LME, d'un rapport de 125 % entre les ressources et les prêts d'utilité publique, n'est pas suffisante. Est-il si certain que les besoins du logement social vont exploser ? Thierry Repentin a évoqué hier un rationnement des prêts, mais j'avais envie de lui demander si, sans même parler des problèmes de construction et de foncier, l'organisation des bailleurs sociaux, qui demeure très éclatée – avec des organismes au sujet desquels on a pu parler de « dodus dormants », leur permettra d'augmenter leurs prêts de 10 % par an… Certes, la Caisse ne prévoit « que » 6 %, mais on peut quand même s'interroger.

M. de Romanet a par ailleurs raison d'observer que l'on va vers des temps de disette budgétaire et que les banques auront beaucoup de mal à prêter sur de très longues durées. Ne serait-il pas plus simple d'ajouter, dans l'assiette « protégée » par le taux de 125 %, les prêts aux infrastructures de transport, comme Michel Bouvard l'avait souhaité, en vain, lors du débat sur le LME ? Nous avions alors uniquement obtenu que l'on ajoute les prêts relatifs à la politique de la ville.

Je prends à mon tour l'exemple du Grand Paris. Dans le groupe de travail que j'ai animé, bien qu'élu francilien, j'ai dit d'emblée que je considérais que la région la plus riche de France devait autofinancer une grande partie de son réseau de transports et qu'il ne fallait pas se laisser embarquer dans des projets pharaoniques. Nous avons prévu un phasage qui conduit d'ici à 2025 à une première tranche de 25 milliards d'euros de travaux financés par des efforts, notamment sur la fiscalité, avec un recours à l'emprunt limité à moins de 10 milliards d'euros, soit moins d'un milliard par an. On est donc loin des 60 milliards d'euros que certains annoncent. Aussi, je me demande s'il ne conviendrait pas d'ajouter 20 ou 30 milliards d'euros dans l'assiette des 125 % pour conserver la possibilité de recourir à la Caisse des dépôts, au-delà du logement social et de la politique de la ville, pour ces autres emplois – transports, hôpitaux, universités.

Outre ces utilités collectives, les fonds d'épargne sont également destinés au financement des entreprises, via la souscription d'actions et d'obligations. On y trouve aussi des actifs liquides, à hauteur d'une cinquantaine de milliards d'euros, qui produisent un résultat – environ un milliard d'euros par an au bénéfice du budget de l'État. Certes, le projet de décret ne prévoit pas un taux de 70 %, mais il vise à garantir une progression de la collecte centralisée de 2 à 3 % par an : si cette progression était inférieure à 2 %, on augmenterait la centralisation ; si elle était supérieure à 3 %, une partie en resterait aux banques. Est-il vraiment indispensable, dans un système aussi compliqué, d'introduire une rigidité avec un taux fixe ? Fixer un horizon peut certes être utile, mais ne faut-il pas conserver une certaine souplesse ?

N'y a-t-il pas par ailleurs un risque, si l'on incite les banques à moins collecter par le livret A, qu'elles ne jouent plus leur rôle ? À la veille de la banalisation de la collecte, beaucoup craignaient une décollecte au motif qu'après avoir appâté les clients avec le livret A, les banques transféreraient les fonds vers d'autres produits. Je pensais le contraire et, de fait, c'est exactement l'inverse qui s'est produit : le Crédit agricole, par exemple, s'est aperçu que les comptes sur livret ont été vidés au profit de livrets A. En période d'incertitude, cela relève d'ailleurs du bon sens. Dans ces conditions, l'intérêt général ne commande-t-il pas que ce produit fasse l'objet d'une collecte dynamique ?

Enfin, M. de Romanet a raison de rappeler qu'avec les SICAV monétaires, mais aussi avec l'assurance-vie, les banques ont d'autres moyens de garantir leurs liquidités qu'une décentralisation du livret A. Ne soyons donc pas non plus dupes d'un discours trop univoque sur le sujet !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion