Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Martine Billard

Réunion du 13 janvier 2011 à 15h00
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

…ni le vôtre, madame la rapporteure – la délégation aux droits des femmes que vous présidez fait un travail remarquable. Mais le groupe GDR s'étonne qu'il y ait tant de volonté politique pour plus de mixité dans les conseils d'administration des grandes entreprises et si peu de volonté politique pour plus de parité au Parlement. On peut même parler d'une forte volonté de régression en matière de représentation politique des femmes, avec la loi sur le mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux.

Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous pensions qu'il y avait d'autres priorités que la mixité des conseils d'administration des grandes entreprises, à savoir la lutte contre les discriminations subies au travail par les femmes et la représentation politique. Certes, il y a eu de nombreuses lois sur l'égalité salariale et même plus largement sur l'égalité professionnelle : nous nous en réjouissons, nous les avons toutes soutenues quand elles proposaient des dispositifs qui allaient dans le bon sens, mais je rappelle que la première inégalité est l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes et que, malheureusement, si la législation impose une obligation de moyens, elle n'impose toujours pas d'obligation de résultat – il en est de même pour la parité à l'Assemblée nationale. Tant qu'il en sera ainsi, nous savons qu'il n'y aura pas de parité.

L'inégalité professionnelle est accentuée par la très grande injustice dans l'évolution des carrières. Les femmes sont massivement cantonnées dans les emplois subalternes, quand les hommes, eux, accèdent aux postes de responsabilité : c'est le fameux « plafond de verre », qui bloque les femmes, même dans des professions ou des secteurs où elles sont majoritaires. Au passage, je souligne que c'est vrai aussi dans la fonction publique, alors que l'on pourrait penser que le problème n'existe pas puisque l'accès se fait par concours, et c'est même caricatural dans le monde universitaire – il y a eu des mobilisations de la part des chercheuses et des femmes universitaires pour protester contre ce plafond de verre, qui les touche particulièrement.

S'agissant de cette proposition de loi, je m'étonne que la représentation entre hommes et femmes soit considérée comme équilibrée avec un objectif de 40 % pour les femmes. Après les propos tenus par la rapporteure du Sénat, je tiens à souligner que les femmes ne sont pas une minorité : elles constituent tout simplement la moitié de l'humanité, et même un peu plus. Nous ne demandons pas des mesures de discrimination positive, mais seulement l'égalité, parce que l'humanité est constituée du genre masculin et du genre féminin. En revanche, proposer un taux de 40 %, c'est introduire des quotas. Or les femmes ne sont pas un quota. Je salue la présence de quelques collègues hommes, et je vais leur répéter ce que je dis toujours : si nous étions pour un quota, il dépasserait le taux de 50 % pour les femmes. J'insiste : nous demandons simplement le respect de la parité.

Le rapport préparatoire à la concertation avec les organisations patronales et syndicales sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, remis en juillet 2009 par Mme Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, rappelle que les inégalités dans les instances dirigeantes sont largement dues à « l'illégitimité des femmes dans ces univers de pouvoir caractérisés par l'omniprésence des hommes, à la division sexuelle du travail et à la hiérarchisation du masculin et du féminin, liées aussi à l'orientation scolaire et universitaire et au partage inégal des tâches familiales et domestiques ». Lors de la mandature précédente, à l'occasion d'une proposition de loi relative à l'égalité professionnelle, j'avais défendu un amendement qui avait été adopté : il s'agissait de tenir compte du vocabulaire. Je vous rejoins tout à fait sur ce point, madame la ministre, et c'est même l'une de mes grandes batailles, car il me paraît impossible de changer vraiment la réalité des femmes lorsqu'on utilise un vocabulaire qui la nie. Ainsi, la question n'est pas de concilier la vie familiale et le travail des femmes, comme si le second s'opposait à la première, mais bien d'articuler les temps, tant pour les femmes que pour les hommes.

Mes chers collègues, madame la ministre, vous aurez donc compris, à travers ces remarques préalables, que, pour nous, la priorité doit être donnée à la lutte contre les discriminations qui concernent l'ensemble des femmes. Or, en dépit de l'obligation de négociation annuelle sur les salaires, en 2007, seuls moins de 41 % des 7,5 millions de salariés des entreprises de plus de dix salariés du secteur marchand non agricole ont bénéficié d'un accord d'entreprise relatif aux salaires et aux primes. De même, trop peu d'entreprises satisfont à leurs obligations concernant le rapport de situation comparée.

Les femmes, plus souvent payées au SMIC que les hommes, sont aussi les premières touchées par le travail à temps partiel subi. Il n'y a toujours aucune avancée sur cette question. Madame la ministre, nous aimerions que le travail du Parlement soit prioritairement consacré à ce problème pour que nous puissions aboutir à des mesures. Nous, nous en proposons : par exemple, l'augmentation des cotisations sociales des entreprises qui emploient un fort pourcentage de salariées à temps partiel, ce qui les inciterait à modifier ce type de contrats. Les femmes constituent aujourd'hui la majorité des foyers les plus pauvres parce qu'elles subissent le temps partiel imposé, souvent payé au SMIC horaire, avec des revenus qui tournent autour de 500 ou 600 euros. Chacun sait qu'il est impossible de vivre avec de tels revenus – c'est déjà particulièrement difficile avec le SMIC.

À notre avis, la priorité doit donc être donnée à la négociation salariale dans les branches et les entreprises, afin de lutter contre les bas salaires, le temps partiel imposé et les inégalités salariales. Nous pensons que cela pourrait passer par une conférence nationale sur les salaires ayant ces objectifs.

Quant au texte lui-même, nous considérons qu'il manque d'ambition. Nous proposons de rétablir la parité, de réduire l'écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe – car la parité, c'est plus ou moins un, ce n'est pas plus ou moins deux, et nous ne comprenons pas bien le sens de cet écart, qui est votre conception d'une représentation équilibrée. Nous proposons aussi le rétablissement de la nullité des délibérations en cas de non-respect de la parité. Toutes les lois sur ces questions d'égalité entre les femmes et les hommes achoppent sur le fait qu'elles ne sont assorties que d'obligations de moyens et jamais d'obligations de résultat. Les sanctions portent sur l'existence de négociations, pas sur leur résultat.

Une fois encore, nous retrouvons les mêmes limites, qui produiront les mêmes effets : les entreprises qui ne voudront pas instaurer même les 40 % – malheureusement, je crains que notre demande de retour à la parité ne soit pas satisfaite – traîneront les pieds, car, pour elles, les conséquences ne seront pas très importantes.

Nous excluons le rattrapage du versement des jetons de présence en cas de non-respect de la parité. D'ailleurs, le groupe GDR avait déposé une proposition de loi visant à promouvoir une autre répartition des richesses, dont l'une des dispositions entendait limiter le cumul des jetons de présence à deux et non plus à cinq.

Plusieurs de nos propositions visent à faire avancer la démocratie dans l'entreprise. Nous demandons ainsi une vraie représentation salariale paritaire dans les conseils d'administration et de surveillance, avec voix délibérative, afin de permettre notamment la prise en compte dans les décisions stratégiques des entreprises, des problèmes spécifiques rencontrés par les salariés femmes.

Actuellement, les décisions stratégiques d'un conseil d'administration sont soumises au pouvoir de discrétion. Les représentants salariés qui y siègent n'ont même pas le droit de transmettre les informations et les décisions aux délégués du comité d'entreprise, par exemple. Le président du conseil d'administration peut même décider que toutes les délibérations qu'il juge stratégiques sont soumises à ce devoir de discrétion. Parfois, les représentants des salariés sont un peu des pots de fleurs dans ces conseils d'administration.

Nous souhaitons que la loi de juillet 2002 contre le harcèlement sexuel et moral dans les entreprises soit mieux appliquée. Nous souhaitons aussi l'instauration d'un droit de veto pour les représentants de salariés en cas de plan de licenciements, notamment lorsqu'il s'agit de femmes.

La loi Roudy impose aux entreprises de plus de 300 salariés de remettre un rapport annuel écrit sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise. Or, vous l'avez dit aussi, madame la ministre, la majorité des entreprises ne respectent pas cette mesure.

Nous regrettons que le montant de la pénalité – au maximum 1 % des rémunérations et gains – soit apprécié en fonction des efforts constatés dans les entreprises, ce qui permet à beaucoup d'entre elles d'y échapper. Aussi sont-elles peu incitées à respecter la loi. Or ces rapports sur les situations comparées sont fondamentaux dans la lutte contre les inégalités.

Enfin, dans le cadre de cette proposition de loi, nous demandons d'abaisser le seuil de 300 à 50 salariés, car seules 2 000 entreprises sont actuellement concernées, c'est-à-dire très peu compte tenu du nombre de femmes salariées que compte notre pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion