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Intervention de Marie-Jo Zimmermann

Réunion du 13 janvier 2011 à 15h00
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Jo Zimmermann, rapporteure :

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, presque un an, jour pour jour, après son adoption par notre assemblée en première lecture, la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle est de nouveau soumise à notre vote.

Permettez-moi, une fois encore, de saluer l'implication personnelle de Jean-François Copé, sans qui cette initiative n'aurait sans doute pas connu le même aboutissement. Je veux également souligner ici l'engagement de tous les parlementaires qui ont participé à ce débat. En première lecture, comme en commission des lois, en décembre dernier, ils ont fait preuve d'un état d'esprit constructif et utile à l'avancée de ce texte.

Le 27 octobre 2010, les sénateurs se sont enfin saisis de ce sujet important. À cette occasion, ils ont apporté à la proposition de loi des modifications conduisant à la poursuite de la navette parlementaire.

Je me réjouis que, à la différence du Sénat, il n'ait pas fallu attendre dix mois avant que notre assemblée soit une nouvelle fois appelée à statuer. Le processus enclenché par le texte s'inscrit en effet sur le moyen terme. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le regretter, trop d'années ont été perdues depuis la censure de dispositions à visée similaire qui figuraient dans la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Sur le fond, l'on ne peut que se réjouir que les sénateurs soient parvenus à une analyse largement partagée avec notre assemblée sur l'importance des problèmes auxquels cette proposition de loi entend apporter des réponses. Mieux, ils ont étendu l'exigence de mixité des conseils d'administration ou de surveillance, le 1er janvier de la sixième année après la publication de la loi, aux sociétés anonymes et en commandite par actions qui, au cours de trois exercices consécutifs, emploient plus de 500 salariés et présentent un chiffre d'affaires ou un total de bilan supérieur à 50 millions d'euros. Selon l'INSEE, ce champ d'application élargi porterait à plus de 2 000, contre près de 700 initialement, le nombre de sociétés concernées par le texte.

Autre apport des sénateurs, la sanction de nullité des nominations irrégulières aux conseils d'administration et de surveillance a été complétée par une possibilité de suspendre temporairement le versement des jetons de présence aux membres de ces conseils lorsque leur composition est irrégulière.

Néanmoins, s'ils ont adhéré à l'objectif poursuivi, les sénateurs ont aussi assorti le dispositif de reculs par rapport aux choix initiaux de notre assemblée.

Je citerai à cet égard l'abandon de la sanction temporaire de nullité des délibérations des conseils d'administration ou de surveillance des sociétés privées et des entreprises publiques dont la composition ne répondrait pas aux exigences de 20 % de femmes au 1er janvier de la troisième année civile postérieure à l'année de publication de la loi, et de 40 % trois ans plus tard.

Je mentionnerai également la suppression de la sanction de nullité des nominations irrégulières au cours de la période transitoire.

Et je ne serais pas exhaustive si j'oubliais d'évoquer : l'abrogation des dispositions confiant au conseil d'administration et au directoire le soin de promouvoir l'égalité professionnelle et salariale dans les sociétés anonymes ; la suppression de la transmission annuelle à l'assemblée générale des actionnaires du rapport sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes ; le remplacement de l'obligation de mixité dans les organes d'administration des établissements publics de l'État par un rapport du Gouvernement au Parlement sur le sujet.

Pour ma part, j'étais assez satisfaite du texte adopté par notre assemblée. Si le propre de la navette parlementaire est de parvenir à des compromis entre des visions et des sensibilités parfois assez différentes, le temps écoulé entre les premières lectures de chaque chambre augurait d'une navette encore lente et longue si nous prenions le parti de ne pas retenir la version finalement adoptée par les sénateurs. Or je suis intimement convaincue que la dynamique que nous avons enclenchée avec l'adoption de ce texte en première lecture ne doit pas pâtir de quelques divergences de vues avec le Sénat, qui, pour notables qu'elles soient, ne présentent pas un caractère rédhibitoire.

En effet, l'intervention du législateur a donné une accélération décisive à un processus en germe depuis plusieurs années déjà. J'en veux pour preuve que le nombre de femmes siégeant aux conseils d'administration ou de surveillance des sociétés du CAC 40 a augmenté de 44 % entre fin 2009 et septembre 2010. Désormais, les femmes représentent 15,3 % des membres de ces conseils, soit quatre-vingt-onze des 634 sièges existants. Depuis la tenue des assemblées générales de 2010, sept sociétés du CAC 40 ont plus de 20 % de femmes dans leurs conseils d'administration ou de surveillance.

Si le message et la détermination du Parlement semblent donc bien passés parmi les grandes sociétés cotées françaises, ce constat ne prévaut malheureusement pas auprès du reste des sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé. Une étude du cabinet Gouvernance & Structures, publiée le 13 septembre 2010, a en effet souligné que la grande majorité de celles cotées à Euronext Paris ont moins de femmes dans leurs instances que les sociétés du CAC 40. Les résultats de cette étude ne peuvent que nous conforter dans notre démarche législative. Faute de faire aboutir cette proposition de loi, la situation n'évoluera pas rapidement dans les sociétés cotées de taille intermédiaire, alors même que c'est aussi à leur niveau que le succès de la mixité professionnelle se joue.

Pour ma part, je me veux pragmatique, réaliste et lucide. J'ai donc proposé à la commission des lois un vote conforme de ce texte, car revenir sur la version adoptée par les sénateurs prolongerait la navette pour de longs mois encore et ferait le jeu des conservatismes. La commission des lois s'est rangée à mes arguments. Je vous propose donc de suivre ses conclusions en clôturant aujourd'hui le parcours législatif de ce texte, en vue de son entrée en vigueur dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)

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