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Intervention de François Baroin

Réunion du 8 décembre 2010 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2010

François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement :

Ensuite, si ce sujet vous motive encore, cher Gilles Carrez, vous ajoutez dans vos calculs le coût imputable à l'annulation par le Conseil constitutionnel du dispositif de taxation des titulaires de bénéfices non commerciaux sur 5,5 % de leurs recettes. La suppression de ce dispositif, héritage de l'ancienne taxe professionnelle, a en réalité coûté 800 millions d'euros bruts aux finances publiques. Sur ce point, je précise que l'estimation présentée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances intègre déjà ce surcoût – veuillez m'excuser si la présentation n'était pas claire –, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de l'ajouter une seconde fois.

Enfin, l'estimation du coût de la réforme a effectivement été révisée à la hausse de 400 millions d'euros par le Gouvernement : estimé à 4,3 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2010, il a été fixé à 4,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2011. Cette révision tient simplement compte de la discussion parlementaire. Le Parlement a apporté – et il faut s'en féliciter – une contribution décisive à cette réforme, de sorte que le texte de la loi de finances pour 2010 est sensiblement différent du projet présenté au Parlement. Les évolutions ont été nombreuses. Certaines ont été coûteuses pour les finances publiques, par exemple celles qui ont conduit à majorer les modalités de calcul de la compensation-relais ou à rebaser le prélèvement France Télécom.

Pour finir, je vous fais observer que ces estimations sont fondées sur des hypothèses. En réalité, le coût de la réforme de la taxe professionnelle ne se révélera qu'à l'épreuve des faits. De ce point de vue, nous avons des espoirs sérieux, raisonnables et étayés d'atteindre les chiffres que nous vous proposons.

D'ailleurs, les premiers éléments constatés sur les recettes encaissées révèlent deux bonnes nouvelles.

Premièrement, le coût lié à l'année de transition de la réforme – l'année 2010 – a été massivement surestimé. Alors qu'il avait été estimé à 11,7 milliards d'euros dans le PLF 2010, le coût observé ne devrait être in fine que de 7,5 milliards d'euros.

Deuxièmement, les nouvelles impositions instaurées en lieu et place de la taxe professionnelle ont un rendement qui, si les tendances observées dans les premiers encaissements se confirment, devrait être supérieur aux prévisions : la CVAE et les IFER enregistreraient une plus-value respective de 200 millions d'euros.

Voilà, monsieur le rapporteur général, l'éclairage que je souhaitais porter à la connaissance de l'Assemblée nationale. Il n'y aura donc pas de mauvaise surprise sur le coût de la réforme ; celui-ci n'a pas été sous-évalué. Compte tenu de votre engagement sur ce point, il me paraissait précieux de vous répondre de manière exhaustive et de vous détailler la position du Gouvernement et de mon ministère.

Venons-en à l'équilibre de ce projet de loi de finances et d'abord aux sujets relatifs aux dépenses, qui ont été évoqués par vous-même, cher Gilles Carrez, mais aussi par l'ensemble des intervenants.

Monsieur le rapporteur général et monsieur le président de la commission des finances, vous indiquez que le Gouvernement n'arrive pas maîtriser les dépenses de personnel ni à engranger les économies prévues grâce au non-remplacement d'un départ en retraite sur deux.

Nous avons ouvert, vous l'avez rappelé, 900 millions d'euros dans le cadre du décret d'avance. C'était indispensable pour assurer la paye des fonctionnaires. Nous avons gagé au maximum cette ouverture par des annulations sur d'autres dépenses de personnel, à hauteur de 170 millions d'euros, si bien que l'ouverture nette n'est que d'un peu plus de 700 millions d'euros, un montant gagé sur d'autres dépenses.

Enfin, vous indiquez, M. le rapporteur général, que le dépassement final devrait s'élever à environ 500 millions d'euros. Il faut en effet tenir compte de l'évolution des dépenses de pensions et de la fongibilité asymétrique. Celle-ci permet aux ministères qui font davantage d'économies sur le personnel – il y en a – d'utiliser ces marges à d'autres dépenses.

Nous examinerons précisément le dépassement réel dans le cadre de la loi de règlement. À cette occasion, le Gouvernement soulignera ses priorités politiques dans tel ou tel secteur.

Ces dépassements signifient-ils que les économies liées à la règle du non-remplacement d'un départ en retraite sur deux ne fonctionnent pas ? Non. Notre analyse est très différente.

L'essentiel de ce dépassement, et de très loin, est mécanique et lié à un phénomène que vous avez d'ailleurs souligné l'un et l'autre : les départs en retraites constatés en 2009 et anticipés en 2010 ont été moins nombreux que prévu. Ces quelque 15 000 départs en moins pèsent évidemment sur le budget de personnel des ministères, au premier rang desquels l'éducation nationale. Premier pourvoyeur du dispositif global, le ministère de l'éducation nationale doit supprimer plus de 30 000 postes.

Le reste des dépassements, vous l'avez indiqué, est dû aux mesures qui accompagnent des restructurations – dans le domaine de la défense par exemple – ou à la réalisation d'heures supplémentaires, essentiellement dans l'éducation nationale.

Gilles Carrez, vous mentionnez aussi un retour catégoriel supérieur à ce qui était prévu dans les ministères, une sorte d'effet d'aubaine des moindres départs en retraite. Charles de Courson indique, quant à lui, un taux de retour catégoriel de 73 % qui paraît très excessif. Il faudra en effet analyser finement, au vu des résultats définitifs de l'exécution. À ce stade, nous estimons que ce phénomène est beaucoup plus limité, de l'ordre de quelques dizaines de millions d'euros seulement. Nous regarderons néanmoins le sujet, une fois les résultats disponibles, mais nous sommes très loin des chiffres annoncés par Charles de Courson.

Les dépenses de personnel sont donc maîtrisées, hors décalages des départs en retraite, et les réformes permettant de réduire les effectifs sont bien en cours. Les moindres départs en retraite peuvent peser sur leur calendrier de réalisation, mais pas sur leur mise en oeuvre effective à terme.

Quelles sont les raisons de ces moindres départs en retraite ? La crise et l'annonce de la réforme ont certainement induit un temps de latence psychologique et humain bien légitime au sein de la fonction publique. Les gens, dont le compteur de la vie a tourné et qui pourraient faire valoir leurs droits, ont retardé leur départ.

Jérôme Cahuzac, ces réformes rapporteront donc, bien évidemment, beaucoup plus que 100 millions d'euros par an ! Les économies que nous avons prévues seront au rendez-vous, dès lors que les départs en retraite qui ont été retardés s'effectueront, inéluctablement, dans les prochaines années.

Concernant les dépenses d'intervention, vous l'avez indiqué également, nous présentons dans ce collectif plus de 3 milliards d'euros d'ouvertures de crédits, qui sont évidemment gagés totalement par des annulations à due concurrence.

Nous respectons ainsi la norme de dépense dans un contexte difficile, et je remercie notamment Michel Bouvard de l'avoir souligné dans son intervention. C'est un point important qui montre notre détermination à maîtriser les dépenses. Par l'utilisation de ce « notre » collectif, permettez-moi de vous associer à la poursuite d'un objectif partagé.

Ces ouvertures sont très largement exceptionnelles et conjoncturelles. Près de 1,4 milliard d'euros concerne le budget de l'emploi, parce qu'il était indispensable de soutenir l'activité et l'emploi des plus fragiles en période de crise. D'autres bénéficient à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », en raison évidemment des difficultés plus grandes de retour à l'emploi des personnes handicapées, qui pèsent notamment sur la dépense de l'allocation aux adultes handicapés. Ces ouvertures concernent aussi l'hébergement d'urgence ou les aides au logement, sensibles eux aussi à la situation économique.

En face de ces dépassements très largement exceptionnels, nous mettons en regard une moindre dépense, elle aussi ponctuelle, sur la charge de la dette et, dans une moindre mesure, sur les prélèvements en faveur des collectivités locales et de l'Union européenne. Jérôme Cahuzac a d'ailleurs souligné que l'action du Gouvernement en faveur de la limitation des dépenses de l'Union européenne n'était pas neutre.

C'est donc au total un schéma équilibré qui permet de faire face à des dépenses pour l'essentiel obligatoires, sans remettre en cause nos engagements de maîtrise des dépenses.

Selon le rapporteur général et Charles de Courson, les dérapages constatés en 2010 seraient « reconductibles » ou « structurels » et pèseront sur les années suivantes. Les dépassements dont nous parlons cette année ne sont pas des surprises. En très grande majorité, ils ont été anticipés et intégrés dans le projet de loi de finances pour l'année prochaine. Nous ne cachons pas ces dépenses sous le tapis, sous la moquette. Nous n'essayons pas de faire un ménage virtuel. Ces dépenses ont été prises en compte dans la construction budgétaire.

Quelques exemples peuvent étayer ma démonstration. Le budget de l'emploi, sur lequel nous faisons entre 1 et 1,5 milliard d'euros d'économies, reste pourtant stable en valeur, parce que nous avons tenu compte de l'impact, en 2011, des dérapages constatés en 2010.

Nous avons eu un débat assez vigoureux sur les contrats aidés. Est-il terminé ? Je l'espère. Quoi qu'il en soit, nous faisons moins de contrats aidés en 2011, car la situation économique s'améliore. Or la dotation pour les contrats aidés augmente, elle, de 400 millions d'euros en 2011. Cette évolution montre l'existence d'un effet retard par rapport à une montée en puissance liée à la gestion de la sortie de crise.

La dotation pour l'AAH est réévaluée de près de 700 millions d'euros, selon la même analyse économique. De la même façon, nous tenons compte du dépassement lié aux moindres départs en retraite sur lequel je me suis déjà longuement expliqué.

S'agissant de vos interrogations sur l'évolution des recettes, je rappelle que ce collectif ne comporte rien de nouveau par rapport aux dernières évaluations révisées.

Je veux relativiser les choses et des propos peut-être un peu soutenus sur ce point. Nous avions prévu 252 milliards d'euros de recettes fiscales en loi de finances initiale pour 2010. Ce chiffre avait été revu à la hausse dans le précédent collectif et porté à 255,3 milliards d'euros afin de tenir compte notamment d'une réévaluation de l'impôt sur les sociétés en lien avec la reprise économique. Avec le président Jérôme Cahuzac nous avons des débats sur le degré d'élasticité de notre économie, et ce sujet va certainement continuer à nourrir nos échanges. Alors que le montant de l'impôt sur les sociétés était inscrit à 33 milliards d'euros dans les prévisions initiales, nous en attendons près de 35 milliards d'euros, un chiffre qui n'est pas modifié dans le présent collectif. Nous attendons d'ici peu les résultats du cinquième acompte qui permettront d'en savoir davantage.

Au total, dans ce collectif, les recettes fiscales s'établissent à 255 milliards d'euros : 300 millions d'euros de moins, soit 0,1 % du total, c'est vraiment l'épaisseur du trait ! Nous avons donc calculé et visé plutôt juste.

Dans un contexte incertain, après la crise que nous avons vécue, il a pu être difficile de prévoir de façon extrêmement précise l'évolution de ces recettes. Ainsi, puisque vous l'avez mentionné, les premières remontées sur la TVA nous ont conduits à revoir d'abord le rendement à la hausse de 2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiales, pour tenir compte des plus-values constatées fin 2009 et des nouvelles prévisions macroéconomiques. Les encaissements constatés nous conduisent à réviser nos estimations légèrement à la baisse : 600 millions d'euros en moins, ce qui est très inférieur à la réévaluation précédente.

Il est donc excessif de dire que l'État ne protège pas ses recettes ou que la reprise n'est pas au rendez-vous. En réalité, nous sommes globalement en ligne avec ce que nous avions prévu.

Enfin, je rappelle quand même que nous allons faire un effort sans précédent de réduction des niches fiscales – ces fameuses « termites » dénoncées par le rapporteur général – pour un total de 10 milliards d'euros dès l'année prochaine. On ne peut pas dire que l'État laisse s'effriter ses recettes fiscales ; au contraire, il agit sur cette source de dépense de nature fiscale. Je ne reviens pas sur ce sujet dont nous avons longuement parlé et dont nous reparlerons très certainement l'année prochaine.

Concernant les recettes non fiscales, nous avons effectivement eu la possibilité de prélever en 2010 un peu plus de 700 millions d'euros sur les fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts. Ce n'est pas la mesure « au forceps » décrite par Jérôme Cahuzac, mais un prélèvement classique et qui respecte les règles, notamment les règles prudentielles des fonds d'épargne, et qui a pu être effectué en raison de la meilleure santé financière que prévu de ces fonds.

Il en va de même du prélèvement sur la Caisse des dépôts elle-même, qui tient seulement compte de l'amélioration de son résultat.

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