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Intervention de Jean-Pierre Balligand

Réunion du 7 décembre 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Balligand :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2010. Alors même qu'il comporte des dispositions fort nombreuses et, pour certaines d'entre elles, très lourdes, ce projet de loi n'apporte pas de solutions à la hauteur des enjeux qu'il prétend traiter.

C'est particulièrement vrai de la fiscalité locale. Alors que le groupe socialiste ne cesse de présenter un amendement pour lancer la révision générale des valeurs locatives, souvent avec le soutien du rapporteur général et de l'ensemble de la commission des finances, le Gouvernement et sa majorité s'y sont toujours opposés. Pour cela, le Gouvernement a systématiquement promis de s'atteler très rapidement à ce chantier essentiel pour réintroduire plus de justice dans notre fiscalité locale.

Or le dispositif qui nous est proposé aujourd'hui se concentre sur les locaux professionnels. Pour ceux-ci il ne se traduira par une incorporation dans les rôles qu'en 2014. En clair, le Gouvernement récoltera les fruits de son attitude dilatoire. Il peut repasser le mistigri de cette réforme à son successeur. Mais le pire n'est pas là.

Le pire est qu'une nouvelle fois, pour les ménages, l'horizon de la réforme s'éloigne encore. Le pire est que le Gouvernement se satisfasse de laisser perdurer encore, pour au moins plusieurs années, l'injustice des valeurs locatives foncières.

Les finances des collectivités : voilà un autre champ où le projet de loi de finances rectificative manifeste clairement le refus de l'État d'apporter des solutions à la hauteur des enjeux. De plus en plus de départements, malgré les réductions de dépenses auxquelles ils sont contraints, sont en situation financière délicate, voire préoccupante. Encore s'agit-il là d'un euphémisme. En commission, le rapporteur général a d'ailleurs cité une étude qui montre que cette situation est appelée à s'aggraver. La cause en est connue : c'est la volonté du Gouvernement de ne pas compenser correctement les compétences qu'il a fait le choix de transférer aux départements, notamment en matière sociale. Ainsi, pour le seul dispositif du RMI-RSA, le coût net des départements est passé entre 2004 à 2009, de 950 millions à 1,4 milliard d'euros, pour un total de 6,950 milliards.

Qu'a fait le Gouvernement ? Il a attendu. Puis, il a commandé le rapport Jamet. Puis, il a encore attendu. Il a ensuite prétendu que la péréquation pourrait régler le problème, alors que la péréquation, quoique nécessaire, n'est pas à la hauteur des enjeux. Puis, il a de nouveau attendu. Il a annoncé que les problèmes seraient réglés par la réforme du cinquième risque, alors même qu'aucune solution n'est, paraît-il, arrêtée dans ce domaine. Puis, il a encore une fois attendu. Dans ce PLFR, il présente un dispositif d'avances qui repose sur un prélèvement de 150 millions d'euros sur la CNSA et le FNSA. Voilà, on peut le dire, qui est se moquer du monde.

Ce mépris du Gouvernement transparaît également, quoique de manière différente, dans l'article 12 de ce projet de loi, relatif aux sociétés de personnes : dix-sept pages de dispositif, un tiers de page d'exposé des motifs, et une étude d'impact à l'avenant, qui ne comprend même pas une évaluation du coût budgétaire de la réforme, laquelle est pourtant, nous dit le Gouvernement, mûrie depuis 2006 !

L'article 12 est pourtant un véritable bouleversement de la fiscalité des sociétés de personnes, menée – c'est en tout cas ce qui est indiqué – au nom de l'attractivité du territoire. Si l'on voit mal comment cette réforme pourrait avoir un effet significatif sur cette fameuse attractivité du territoire, on comprend bien, en revanche, que l'évocation de cette attractivité renvoie en fait directement à une diminution très nette des ressources publiques. C'est tellement vrai que le rapporteur général du budget, dans un sentiment de culpabilité qui lui est bien personnel, a décidé de distinguer les sociétés de personnes assujetties à l'IR de celles assujetties à l'IS, pour ne travailler que sur les premières – c'est ce qui nous a été proposé en commission –, ce qui n'est peut-être pas, entre nous, le centre du propos du Gouvernement. Celui-ci semble en effet n'avoir d'autre objectif que l'allégement des impôts acquittés par les plus favorisés.

L'article 12 n'en est pas la seule preuve. Souvenons-nous de la réforme de la taxe professionnelle de l'an dernier. À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, nous avons tous dit ici, ainsi que toutes les associations d'élus ailleurs, qu'il était nécessaire de trouver des ressources fiscales pour compenser celles qui avaient disparu du fait de la décision du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement a eu neuf mois pour travailler sur ce sujet et il n'a accouché d'aucune disposition. C'est le rapporteur général qui a dû trouver une solution « d'appoint » pour tenter de corriger la situation, en ouvrant la possibilité aux communes de définir une cotisation minimale foncière plus importante pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 100 000 euros.

Pour revenir à l'article 12, nous sommes tous d'accord, en particulier à la commission des finances, pour considérer que le rendement de l'impôt sur les sociétés est trop faible au regard de son taux. La raison est simple : les dispositifs de niches qui permettent de réduire l'assiette sont trop nombreux. Et c'est précisément ce qu'on nous a proposé à nouveau, alors même que l'impact en matière d'attractivité du territoire n'est pas avéré.

Refus de corriger l'injustice de la fiscalité locale des ménages, refus de sortir vraiment les collectivités de l'asphyxie, mais au contraire nouveaux cadeaux pour les entreprises déjà les plus favorisées : non, décidément, ce projet de loi de finances rectificative n'est pas à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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