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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 7 décembre 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

En 2007 déjà, lors du débat sur la loi TEPA, j'avais eu l'occasion de dire que, si le Gouvernement respectait davantage le travail parlementaire, cela ne corrigerait certes pas l'injustice de la politique suivie, mais permettrait au moins à notre assemblée de travailler plus efficacement.

Comment résumer l'année 2010 ? Un déficit de l'État de 148,5 milliards, supérieur à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale – 117,4 milliards – alors pourtant que la croissance a été moins défavorable que cela n'avait été envisagé il y a un peu plus d'un an : 1,5 % au lieu de 0,75 %. Il est vrai qu'entre-temps, le Président a inventé un Grand emprunt de 35 milliards d'euros…

Quant au cadeau fiscal aux entreprises résultant de la réforme de la TP, si le ressaut de 2010 est moindre qu'initialement prévu, le coût à terme est beaucoup plus lourd pour les finances publiques : 7 milliards environ au lieu des 3,9 milliards annoncés. La taxe carbone, qui devait être mise en oeuvre en contrepartie, a en effet disparu, entérinant là encore le discours présidentiel selon lequel l'écologie, cela commence à bien faire ! Ce coût pourrait même être beaucoup plus élevé en réalité car le choix de l'année de référence, 2009, surestime le montant des dégrèvements payés avant la réforme. Là encore, la question est posée de façon pertinente dans le rapport.

Enfin, le déficit de 2010 serait beaucoup plus élevé s'il n'était réduit par des recettes discrétionnaires : un prélèvement d'un milliard sur la Caisse des dépôts, des remboursements anticipés de 2 milliards des prêts aux constructeurs automobiles, etc. Sans ces recettes, le déficit s'élèverait à 152,2 milliards, c'est-à-dire qu'il serait supérieur à la dernière prévision de déficit associé au PLF.

Ces mouvements financiers sont tels que lorsqu'on regarde la décomposition du solde des administrations publiques au sens de Maastricht – seul concept qui soit comparable à l'échelle internationale –, le phénomène le plus marquant de l'année 2010 est un gonflement exceptionnel de l'excédent des ODAC : 2,1 points de PIB, alors qu'il est quasiment à l'équilibre habituellement. Là encore, le Grand emprunt de 35 milliards en explique une partie, mais une partie seulement. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point.

Un déficit voisin de 150 milliards, c'est la moitié des dépenses du budget général de l'État. Et, comme le rappelle le rapport de la Cour des comptes, un tiers seulement de ce déficit abyssal résulte de la crise. Le reste – 100 milliards – est la conséquence d'une politique qui a laissé continuellement dériver les déficits dans une période de croissance, en pratiquant notamment 70 milliards d'allégements d'impôts à crédit.

La première conséquence de cette situation, c'est une dette qui aura doublé en dix ans, passant, selon vos propres prévisions, de 900 milliards d'euros en juin 2002 à 1 800 milliards d'euros en juin 2012. Les seuls intérêts de cette dette représenteront, à partir de 2012, 55 milliards chaque année, c'est-à-dire le deuxième budget de l'État, juste après la mission Éducation.

La deuxième conséquence, c'est le budget d'austérité pour 2011 dont nous avons débattu en première lecture, il y a quelques semaines, avec ses 10 milliards d'impôts supplémentaires et des coupes massives dans les dépenses. Ce budget aura un effet fortement dépressif l'an prochain. Le paradoxe, c'est qu'en dehors des hausses d'impôts, il comporte peu de mesures durables puisque la plupart des dispositions réduisant le déficit pour 2011 sont des fusils à un coup.

En tout cas, le PLF et ce collectif permettent à l'État de se défausser d'une partie de ses responsabilités financières sur les collectivités locales. Il le fait en gelant les dotations aux collectivités et en ne finançant pas des dépenses qu'il a mises à leur charge, des dépenses de solidarité générale, qui augmentent fortement.

Ne pas indexer les dotations sur l'inflation et la croissance est profondément choquant. Elles ont en effet remplacé des impôts qui augmentaient précisément comme la croissance économique et l'inflation. À une époque où l'État réduisait ses déficits, entre 1997 et 2002, il indexait également les dotations des collectivités locales sur l'inflation et la moitié de la croissance. En n'agissant plus ainsi, l'État fait porter la réduction des déficits sur les collectivités, qui ne sont pourtant en rien concernées par la dérive des déficits et de la dette. Je rappelle que la dette des collectivités locales est restée stable depuis trente ans – autour de 8 % du PIB – alors que celle de l'État a explosé, passant, au cours de la même période, de 20 % à plus de 60 %.

Nous avons donc, d'un côté, un État-cigale, qui baisse les impôts, qui laisse dériver les déficits dont le poids pèsera sur les générations futures, et, de l'autre, des collectivités locales-fourmis, bien obligées d'ajuster leurs comptes puisqu'elles ne s'endettent que pour investir.

Si la cigale et les fourmis étaient indépendantes, la cigale serait bien obligée de mettre de l'ordre dans ses finances en augmentant ses impôts ou en réduisant ses dépenses. Bref, l'État ne pourrait pas se permettre de faire ce qu'il fait depuis huit ans, à savoir laisser dériver les déficits.

Mais contrairement à la fable de La Fontaine, la cigale a un pouvoir considérable. Elle a progressivement remplacé les ressources des collectivités par des dotations qu'elle maîtrise et elle leur impose des dépenses de solidarité nationale dont elle est seule à maîtriser le financement. Alors quand la cigale doit réduire ses déficits, elle trouve une façon simple de se défausser de cette responsabilité : réduire les dotations et ne pas ajuster les compensations aux dépenses effectives des collectivités. Et l'État le fait avec d'autant plus de désinvolture qu'il sait bien que les collectivités locales sont obligées, elles, d'appliquer la vertu dont lui seul s'exonère.

Voilà comment aujourd'hui les collectivités locales sont conduites à augmenter leurs impôts ou à réduire leurs interventions pour financer la « débauche » de l'État ! Cette politique, c'est le vice qui se finance sur le dos de la vertu.

Quand l'État était vertueux et réduisait ses déficits – entre 1997 et 2002 –, il indexait également les dotations des collectivités sur l'inflation et la moitié de la croissance. Il a continué pendant quelques années, jusqu'en 2007 pour l'enveloppe normée et jusqu'en 2008 pour la DGF. Puis, ne pouvant plus faire face à ses fins de mois, il a commencé à ne plus l'indexer que sur l'inflation, puis sur la moitié de l'inflation et, enfin, à ne plus l'indexer du tout.

S'y ajoute une réforme, que j'avais qualifiée d'imbécile et qui, en tout cas, n'est guère intelligente, celle de la taxe professionnelle, qui a d'abord consisté, après un long détour par une valeur ajoutée qu'on ne sait pas mesurer pour les groupes au niveau local, à réinventer la taxe professionnelle d'origine avec la conséquence supplémentaire de réduire le lien fiscal entre les collectivités et les entreprises industrielles, au point que beaucoup de collectivités hésiteront à accueillir des industries lourdes. Avec la réforme de la taxe professionnelle, le Gouvernement a inventé la première baisse d'impôt qui pourrait pousser les entreprises à la délocalisation.

Le fonds de soutien aux départements de 150 millions d'euros créé à l'article 34 n'est pas à la hauteur des contraintes qui pèsent sur les départements. Aujourd'hui, l'écart entre le montant des compensations versées aux départements au titre des trois allocations – RSA, allocation personnalisée d'autonomie, prestation de compensation du handicap – et le montant des dépenses réellement réalisées est tel qu'il met en péril l'équilibre financier d'un grand nombre de budgets départementaux.

Cet écart est estimé pour 2010 à 5,2 milliards d'euros pour l'ensemble des conseils généraux. Il n'est plus en mesure aujourd'hui d'être « absorbé » par nombre de départements, a fortiori avec la réforme de la fiscalité locale de 2010 qui limite leur autonomie fiscale.

Le rapporteur le reconnaît d'ailleurs dans son rapport : « Les dispositions prises aujourd'hui – les 150 millions – ne sont clairement pas à l'échelle du problème. La péréquation ne peut que mettre un peu d'huile dans les rouages ; au rythme actuel, un certain nombre de départements ne passeront pas l'année 2012. »

On peut d'ailleurs se demander si cette situation des départements ne viole pas le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

C'est pourquoi, suivant en cela les propositions de l'ADF, nous proposerons la création d'un fonds exceptionnel de péréquation de la compensation des allocations individuelles de solidarité départementales qui interviendrait en complément du Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion. Ce fonds serait constitué de deux parts : 60 % affectés à la compensation et 40 % à la péréquation. Cette compensation d'un milliard n'est certes pas à la hauteur des pertes subies, mais elle est indispensable si l'on veut éviter des catastrophes.

Il en est de même pour les régions. Depuis la réforme de la TP, les recettes fiscales sont remplacées par des quasi-dotations et les seules recettes fiscales restant aux régions sont non pérennes, régressives et aucunement en rapport avec leurs compétences. En outre, avec le gel des dotations de l'État, les régions ne disposent aujourd'hui d'aucune marge de manoeuvre pour assurer leurs missions de service public, à l'heure même où elles sont sollicitées au titre des investissements d'avenir par le Gouvernement.

C'est particulièrement le cas dans le domaine des transports. La commission des finances a adopté notre amendement proposant de porter de 0,55 à 0,85 % le taux du versement transport dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants. En cohérence avec cette mesure, il nous paraît indispensable d'autoriser les régions à voter un taux additionnel maximal de 0,2 % au versement transport pour le financement des trains express régionaux. En effet, les transports infrarégionaux servent de manière croissante au trajet entre le domicile et le travail et le phénomène va s'amplifier à l'avenir puisque le cadencement leur donne le statut de trains hors agglomération et de Tram en agglomération.

Comme le souligne le rapporteur général…

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