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Intervention de Emmanuelle Prada-Bordenave

Réunion du 1er décembre 2010 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l'Agence de la biomédecine :

C'est un honneur pour moi de me retrouver aujourd'hui devant vous. C'est toujours avec grand plaisir que les personnels de l'Agence de la biomédecine éclairent la représentation nationale sur l'activité de l'Agence. Le législateur a d'ailleurs prévu la présence de deux parlementaires au sein du conseil d'orientation, l'instance éthique de l'Agence.

L'histoire de l'Agence est intimement liée à celle des lois de bioéthique. Concilier l'éthique et l'efficacité, tel était déjà l'objectif de l'Établissement français des greffes, créé par la première loi de bioéthique, et dont l'Agence a repris les missions dans le domaine des greffes, notamment la centralisation des offres et des demandes d'organes, de tissus et de cellules sur l'ensemble du territoire national, auparavant assurée par des associations comme France Transplant.

L'Agence de la biomédecine est née de la volonté du législateur, d'ailleurs apparue au cours du débat parlementaire, de fusionner l'Établissement français des greffes et l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines, l'APEGH, dont la création avait initialement été envisagée. Mise en place en 2005, et ne comptant à l'origine que 140 agents, elle reste une toute petite agence d'État, même si son importance s'est accrue au fur et à mesure des décrets lui attribuant de nouvelles missions. Ses 280 collaborateurs actuels présentent des profils variés : médecins, biostatisticiens, qui nous aident dans notre mission d'évaluation de la qualité des activités de santé, informaticiens – l'informatique étant un outil indispensable pour l'attribution des greffons mais aussi d'autres secteurs de notre activité –enfin des spécialistes de la communication, la promotion du don d'organes étant une des missions importantes de l'Agence.

Avec quelque soixante-dix millions d'euros en 2010, le budget de l'Agence n'est pas considérable – et il sera encore réduit de 5 % en 2011, comme celui de toutes les agences d'État – d'autant qu'il convient d'en retrancher une vingtaine de millions d'euros mobilisés par la gestion des greffes de cellules souches hématopoïétiques pour traiter des pathologies hématologiques, où l'Agence ne joue qu'un rôle d'intermédiaire.

Les missions de l'Agence sont de quatre ordres : évaluer les activités de santé ; accompagner les professionnels ; encadrer les activités de santé et communiquer.

Au nom de la puissance publique, nous évaluons l'activité des praticiens exerçant dans les domaines relevant de la compétence de l'Agence – greffes, procréation assistée, embryologie et génétique humaines – à partir des rapports d'activité que ceux-ci doivent nous adresser. Nos évaluations sont publiées sur le site de l'Agence. Alors que nous évaluons depuis longtemps la greffe d'organes, ce n'est que depuis cette année que nous évaluons celle de cellules. Dans le domaine de la procréation, nous avons mis en place cette année un registre national recensant toutes les tentatives de fécondation in vitro afin de pouvoir, partiellement à compter de l'année prochaine et de façon exhaustive en 2012, évaluer réellement l'activité de tous les centres d'AMP. Cette mission d'évaluation vise à garantir aux Français la qualité des soins dont ils bénéficient et une bonne utilisation des moyens.

Accompagner les professionnels de santé est notre tâche au quotidien. L'Agence est très proche d'eux, puisqu'un millier de praticiens se réunissent régulièrement au sein de l'Agence, dans le cadre de groupes de travail organisés par spécialités, pour réfléchir à leurs pratiques et à l'organisation de leur travail.

L'encadrement des activités thérapeutiques n'est que partiellement assuré par l'Agence de la biomédecine. Celle-ci n'est pas une autorité administrative indépendante mais un établissement administratif relevant de la tutelle du ministre de la santé, auquel il revient, aux termes de la loi, d'assurer par arrêtés l'encadrement réglementaire des activités de santé. En revanche, c'est l'Agence qui, au nom de l'État, garantit l'équité de la répartition des greffons et de la transparence de la liste nationale des patients en attente de greffe d'organe. C'est à l'Agence que doivent être déclarés les donneurs potentiels ; c'est elle qui, à chaque prélèvement, sélectionne parmi les receveurs inscrits en liste d'attente, où ils sont classés selon un ordre impératif, celui qui présente la plus grande histocompatibilité avec le donneur. Chaque équipe est appelée selon son rang et si elle ne prend pas un organe, elle doit en donner les raisons. L'Agence tient également le registre des donneurs de moelle osseuse ainsi que celui des unités de sang placentaire conservées en France, ces registres étant interconnectés avec ceux du monde entier.

Nous encadrons également les activités de recherche utilisant des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires humaines, par exception au régime de liberté qui s'applique à la recherche en France. Les recherches sur l'embryon sont en effet interdites dans notre pays, certaines pouvant être autorisées à titre dérogatoire et pendant une durée limitée, qui expirera en février prochain par l'Agence à qui il revient d'instruire les demandes.

À côté de l'évaluation, de l'accompagnement des professionnels et de l'encadrement des activités thérapeutiques, notre dernière mission a trait à la communication. Nous assurons ainsi la promotion du don d'organes auprès du grand public et des professionnels de santé. La loi nous fait par ailleurs obligation d'adresser au Parlement et au Gouvernement un rapport annuel qui dresse un état des lieux des activités des professionnels relevant de l'Agence. Nous avons également dressé le bilan de quatre ans d'application de la loi de bioéthique de 2004, actualisé récemment par une étude comparative du contexte juridique international. La loi nous impose par ailleurs d'informer le Parlement et le Gouvernement des perspectives de recherche à court et moyen terme dans ces disciplines, afin d'éviter que les pouvoirs publics ne s'engagent dans des voies sans issue, ou, à l'inverse, ne ferment la porte à des protocoles de recherche prometteurs.

Vous connaissez sans doute les campagnes de sensibilisation au don d'organes lancées par l'Agence, notamment la Journée nationale de réflexion sur le don d'organes, qui a lieu habituellement en juin, ou la semaine nationale de mobilisation en faveur du don de moelle osseuse, en mars. Nous avons également commencé à informer le grand public sur l'AMP, en soulignant que celle-ci n'est pas affaire d'éprouvettes et de tubes à essai, mais un moyen pour la médecine de remédier aux souffrances physiologiques et psychologiques d'un couple infertile.

Notre mission d'information nous impose également d'assurer la pédagogie de ces disciplines complexes auprès des professionnels de santé, généralistes ou gynécologues libéraux, qui parfois connaissent mal l'AMP.

Nous entretenons enfin des relations extrêmement suivies avec la presse depuis que nous avons pris conscience, notamment lors des États généraux de la bioéthique, du rôle-clé de relais des médias pour expliquer ces techniques complexes et lever les inquiétudes suscitées par ces innovations. En effet, du fait de l'élévation du niveau général de la culture scientifique, nos concitoyens sont accessibles à l'information dans ces domaines et manifestent un très grand intérêt pour des sujets aussi complexes que l'AMP, la greffe de cellules souches hématopoïétiques, …

En juin prochain sonnera l'heure du bilan pour l'Agence, qui aura alors connu deux cycles et deux directeurs généraux, nommés pour trois ans chacun. C'est à cette date également que s'achèvera le mandat des différentes instances de l'Agence, conseil d'administration, conseil d'orientation, l'instance éthique, et comité médical et scientifique, dont l'organisation et la composition ont été définies par le législateur. Pour les professionnels de santé, la loi de 2004 aura été un cadre législatif propice au développement de leurs activités. Certes celui-ci s'est heurté à une réglementation pointilleuse, parfois inutilement précise, à l'origine de blocages que le futur projet de loi cherche à réduire. Il vise notamment à lever des verrous qui se justifiaient par l'ignorance où on se trouvait alors. Je pense par exemple au dispositif d'information de la parentèle que le législateur avait souhaité mettre en place en cas de diagnostic d'une grave anomalie génétique, dispositif qui n'a jamais fonctionné. Nous souhaiterions que certaines modifications soient apportées à la loi actuelle pour faciliter les greffes d'organes avec donneurs vivants.

La recherche sur les cellules souches, embryonnaires ou adultes, est en pleine mutation. Les découvertes s'y succèdent à une vitesse stupéfiante. Parallèlement notre pays est menacé par un véritable charlatanisme, qui sévit déjà dans d'autres pays. Face à la menace d'équipes sans foi ni loi, avides de profits rapides et qui n'hésitent pas à vendre de l'illusion, nos chercheurs, qui travaillent au sein d'équipes académiques triées sur le volet, ont besoin du soutien des pouvoirs publics et d'une reconnaissance officielle de l'excellence et de la rigueur de leurs travaux. Si ces chercheurs revendiquent la possibilité de mener des recherches dont ils sont conscients qu'elles peuvent apparaître transgressives, c'est parce qu'ils les pensent porteuses d'un progrès majeur pour l'humanité. Tel est le message que nous voudrions transmettre de leur part au législateur, à qui il revient de décider en ces matières.

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