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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 1er décembre 2010 à 15h00
Activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui vise à approfondir la libéralisation du système français d'enseignement supérieur, s'inscrit dans le droit fil de la loi LRU. Elle en prolonge les principes et, comme elle, trouve son origine dans le cadre idéologique du néolibéralisme le plus pur.

Le plan Campus entend allouer des millions d'euros à des universités-vitrines déjà situées en haut de la hiérarchie, aux dépens des universités plus modestes. Il s'agit donc de bâtir un système d'enseignement supérieur à deux vitesses, où quelques grandes universités ultra-subventionnées regroupent les meilleures infrastructures, et où toutes les autres sont laissées dans l'indigence. Il s'agit d'un programme férocement inégalitaire.

Ici comme ailleurs, vous adoptez la logique des pôles de compétitivité. Ainsi, vous donnez plus de capitaux aux pôles déjà développés et vous négligez les structures reléguées ou moins favorisées. C'est le système du shérif de Nottingham : vous prenez aux pauvres pour donner aux riches ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette proposition de loi prolonge la LRU alors qu'aucune évaluation de celle-ci n'a été faite. D'ailleurs, aucune étude d'impact n'a été produite à l'appui de l'examen du présent texte, dont la recevabilité financière est pourtant douteuse. Il est proposé de permettre aux universités de conclure des contrats conférant des droits réels à un tiers sur l'utilisation de leurs locaux appartenant à l'État. L'objectif du Gouvernement est d'augmenter encore le recours aux contrats de partenariat public-privé, les fameux PPP.

Ces partenariats sont d'ailleurs rendus obligatoires dans le cadre du plan Campus, puisque l'octroi des fonds est, en réalité, conditionné à la réalisation de partenariats public-privé et à la labellisation en initiatives d'excellence. Or, c'est une politique dont la Cour des comptes a déploré l'absence d'efficacité et de cohérence.

L'année dernière, sur les 420 millions d'euros prévus pour les campus, seuls 70 millions semblent avoir été dépensés. Le Gouvernement persiste pourtant dans sa volonté de faire passer entièrement le code des marchés publics à la moulinette du néolibéralisme. L'article premier du présent texte a pour objectif de permettre la multiplication des PPP. Partout où c'est possible, la droite favorise ce type de démarche pour dépecer l'État et confier le maximum de nouveaux marchés au secteur privé et aux grandes entreprises. Pourtant, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2008-567 DC, avait indiqué que « la généralisation de telles dérogations » – les PPP – à la commande publique serait susceptible de nuire « à l'égalité devant la commande publique » et rappelé que ce critère devait être limité par l'exigence du « bon usage des deniers publics », qui a « valeur constitutionnelle ».

Pourtant, la rapporteure a vanté l'utilisation de ce système importé des États-Unis et du Canada. Ce sont ces partenariats qui permettront aux universités, a-t-elle dit, de construire notamment des résidences pour les étudiants. Ainsi, c'est une entreprise privée qui sera bailleur des logements dont l'État est propriétaire ! Autrement dit, les espaces publics seront gérés par une entité privée, ce qui est une aberration totale. En effet, les bailleurs privés auront tout loisir de fixer les loyers et de sélectionner précautionneusement les locataires. Ils reverseront un loyer modique à l'université concernée en échange de travaux de réhabilitation des espaces vétustes. Les étudiants seront sans doute heureux d'apprendre que le Gouvernement entend transférer les résidences étudiantes à des sociétés de gérance privées ! Aujourd'hui, pourtant, seules les structures publiques permettent à des dizaines de milliers d'étudiants d'avoir un toit, ce qui serait impossible dans le parc privé au vu des exigences qui y ont cours.

Les chantiers d'ores et déjà ouverts dans le cadre des partenariats public-privé montrent la faiblesse du dispositif. Ainsi, en ce qui concerne la rénovation de l'université Paris VII, plusieurs associations s'occupant de la sécurité incendie, de l'accessibilité pour les personnes handicapées ou encore du respect de l'environnement ont déposé une requête au tribunal administratif, demandant l'annulation des permis de construire délivrés par le préfet au groupe Vinci, en raison des manquements constatés dans tous ces domaines. Mme Pécresse, au sujet de ce chantier, avait reconnu que le PPP ne coûterait pas moins cher qu'un contrat classique de construction. Un nombre considérable d'irrégularités a été constaté. Souhaitez-vous voir la gabegie de Paris VII, qui fait les choux gras de la presse, s'étendre à toutes les universités françaises ? C'est clairement la direction que propose cette proposition de loi.

Les universités, dont les marges de manoeuvre financières sont fortement contraintes du fait des PLF successifs, risquent de devoir céder progressivement leurs murs au secteur privé, quitte à sacrifier l'intérêt des étudiants et la qualité de leurs formations. Cela revient à demander aux universités de se financer par un développement sur leurs fonds propres, ce que la plupart ne seront pas en mesure de faire. Cette logique de financement est d'ailleurs celle que la plupart des opérateurs de l'État sont contraints de choisir face à la RGPP et aux audits-flashs de Bercy. Ainsi les universités devront-elles faire du cost-killing et rechercher toutes les possibilités de rentabilisation à travers le panel classique des outils du libéralisme marchand : commercialisations, filialisations, financiarisation, marketing et même produits dérivés.

Cette dérive figure noir sur blanc dans le texte que nous examinons, à l'article 2 bis A, puisque celui-ci élargit la possibilité, pour les entreprises, de recevoir tout ou partie du patrimoine immobilier de l'université via les fondations. Ainsi, comme aux États-Unis, les multinationales pourront payer la rénovation des locaux vétustes ou subventionner un cours, une chaire, des associations universitaires, des laboratoires de recherche. C'est la porte ouverte à la privatisation pure et simple de l'enseignement supérieur, et à une restriction évidente de la liberté d'enseigner et de l'universalité des savoirs dispensés.

Les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche considèrent qu'avant d'introduire des portages financiers complexes permettant au privé de récupérer les marchés publics, la première des priorités est de donner au service public les moyens budgétaires de son efficacité. Depuis trop longtemps, les gouvernements réduisent les budgets des établissements publics, maintiennent l'enseignement supérieur en sous-financement, et déplorent ensuite que le service public ne soit plus à la hauteur et que ses défaillances doivent être palliées par le privé. Je souligne que c'est la droite qui a organisé les déficiences du public pour légitimer les PPP et la montée en puissance du secteur privé – dans le domaine de l'enseignement supérieur comme dans tous les autres services publics ! (Exclamations sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Tout se passe comme si ce Gouvernement n'avait tenu aucun compte de la crise mondiale. Car ce sont bien les recettes que vous appliquez aujourd'hui à nos universités qui ont conduit à la déchéance du système bancaire international, aux plans de sauvetage ruineux et à une vague massive de chômage et de paupérisation. Ces mêmes recettes néolibérales, qui ont fait la démonstration définitive de leur nocivité, vous continuez sans relâche à les administrer au secteur public et à l'État ! C'est inadmissible !

En réalité, cette proposition de loi entérine un nouveau désengagement massif, puisque l'État se débarrasse du patrimoine immobilier vétuste et confie à des tiers le soin de le rénover, de l'entretenir et de le faire fructifier. Certes, la loi LRU prévoit qu'une contribution annuelle du ministère viendra compenser la dévolution du patrimoine, mais rien ne garantit que son montant sera suffisant. Je rappelle en effet que les besoins sont évalués à 125 millions d'euros par an. Manquant de moyens pour entretenir un patrimoine dégradé, les universités ne risquent-elles pas d'être amenées, à très court terme, à devoir vendre purement et simplement une partie de leurs bâtiments ? C'est, en tout cas, ce qu'a affirmé l'ancien ministre et député Éric Woerth la semaine dernière. Selon lui, l'État doit de toute urgence se débarrasser de son patrimoine immobilier pour faire face à la dette et aux déficits. S'il a vendu l'hippodrome de Compiègne pour un prix si modique à ses amis, c'est donc par pur altruisme vis-à-vis des générations futures !

Enfin, cette proposition de loi octroie aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur – les PRES – la capacité de mettre les bâtiments universitaires à la disposition de tiers. Ils pourront également délivrer des diplômes lorsqu'ils seront constitués en établissements publics de coopération scientifique. Cela revient à permettre à des établissements privés, au sein des PRES, de délivrer des diplômes nationaux, alors qu'ils ne sont pas confrontés aux mêmes exigences et aux mêmes devoirs. Contrairement à nos établissements publics, ceux-ci fixent librement les frais d'inscription et peuvent sélectionner à loisir leurs étudiants. Cette disposition renforcera donc encore le privé dans la concurrence qu'il fait à l'enseignement supérieur public. Les députés communistes et du parti de gauche entendent protester contre ce nouveau dispositif inégalitaire.

Vous l'avez compris, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce texte porteur de graves dérives.

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