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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 4 mai 2009 à 21h35
Protection de la création sur internet — Article 2, amendements 58 79

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, le présent projet de loi ne sert qu'aux industries culturelles – deux mots qui d'ailleurs ne vont pas très bien ensemble. Incapables de se remettre en question devant la fonte de leurs profits, ces dernières font semblant de trembler face aux menaces de piraterie et de culture gratuite.

Les formes traditionnelles de distribution culturelle et de protection des oeuvres volent en éclat en même temps que la diversité culturelle. Et l'usine à gaz que vous inventez ne vise en réalité qu'à protéger des formes archaïques, fossilisées. À cet égard, il est intéressant de noter, chers collègues, le parallèle entre ce texte et le projet de loi sur l'audiovisuel public auquel nous nous consacrions il n'y a pas si longtemps.

Finalement, le Gouvernement ne s'intéresse qu'aux impératifs financiers et économiques des grandes entreprises médiatiques dont le chiffre d'affaires baisse. Il y a deux mois, il punissait France Télévisions pour avoir trop bien géré l'entreprise publique ; aujourd'hui, il s'attaque aux internautes partageurs – autrefois on disait partageux –, autrement dit aux citoyens lambda.

La création artistique, libérée des contraintes commerciales, doit être encouragée par la possibilité de court-circuiter les majors, de dépasser leur politique frileuse de standardisation à grand renfort de campagnes de marketing. Comme le disait notre collègue Dionis du Séjour – et Dieu sait combien il est modéré – : quelle valeur ajoutée créent-elles donc ?

Contrairement à ce que vous semblez penser, Internet accélère les croisements entre les cultures, multiplie les occasions d'échanges donnant naissance à de nouvelles formes artistiques. Effectivement, cet Internet participatif et interactif fait du spectateur-consommateur un acteur à part entière, qui ne remplit plus les attentes des entreprises de communication. Elles perdent aujourd'hui la main ; une main graissée par les intérêts économiques et agitée par la mécanique du marketing. Or, selon nous, leur perte est plutôt un gain pour d'autres.

Avec l'émergence de l'idée d'un contrôle des ordinateurs individuels afin d'assurer la survie d'un système dépassé, nous sommes au coeur de l'ambiguïté entre libéralisme et liberté, là où les tentations plus ou moins voilées de contrôle de l'espace privé voient le jour. Et, madame la ministre, c'est certainement à votre corps défendant, mais, en fait, vous êtes là où les multinationales vous demandent d'être afin qu'elles puissent enfin contrôler ces espaces de temps libre et de liberté individuelle de nos concitoyens. Oui, madame la ministre : de facto, vous êtes la sentinelle de ces groupes mercantiles.

Permettez-moi de revenir sur un aspect dont on parle peu mais qui se trouve, malgré tout, au coeur de ce projet de loi. En effet, Internet et le téléchargement illégal participent de l'abandon progressif des moyens de contrôle sur la production de symboles indispensables à la culture occidentale. Tout le système de valeurs morales, économiques et politiques de l'Europe de l'Ouest, porté par les produits culturels conformes, est ébranlé. Comment ne pas se réjouir de ce mouvement qui annonce la naissance d'un monde nouveau ?

Avec l'article 2 du projet de loi, toutes les conditions sont réunies pour que l'internaute partageur retrouve le droit chemin que Mme Marland-Militello nous proposait tout à l'heure : celui du respect des sacro-saintes règles commerciales, celui du respect du profit à tout prix pour des majors incapables de se remettre en cause.

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